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EAN : 9780543845986
316 pages
Adamant Media Corporation (27/11/2001)
4/5   4 notes
Résumé :
Henri Frédéric Amiel eut de bonne heure l'habitude de noter ses impressions et ses observations, de conserver avec lui-même la plume à la main ; c'est ce dont témoignent un certains nombres de pages éparses, écrites pendant ses années d'études et de voyages, et qui forment un premier essai de Journal Intime.

Interrompu à plusieurs reprises, ce Journal devient régulier en 1849, au moment où Amiel rentre à Genève après un séjour en Allemagne, et des lor... >Voir plus
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Citations et extraits (7) Voir plus Ajouter une citation
Il est une faculté que très-peu d’hommes connaissent et que presque personne n’exerce ; je l’appellerai la faculté de réimplication. — Pouvoir se simplifier graduellement et sans limites ; pouvoir revivre réellement les formes évanouies de la conscience et de l’existence ; — par exemple, se dépouiller de son époque et rebrousser en soi sa race jusqu’à redevenir son ancêtre ; — bien plus, se dégager de son individualité jusqu’à se sentir positivement un autre ; — bien mieux, se défaire de son organisation actuelle en oubliant et éteignant de proche en proche ses divers sens et rentrant sympathiquement, par une sorte de résorption merveilleuse, dans l’état psychique antérieur à la vue et à l’ouïe ; — plus encore, redescendre dans cet enveloppement jusqu’à l’état élémentaire d’animal et même de plante, — et plus profondément encore, par une simplification croissante, se réduire à l’état de germe, de point, d’existence latente ; c’est-à-dire, s’affranchir de l’espace, du temps, du corps et de la vie, en replongeant de cercle en cercle jusqu’aux ténèbres de son être primitif, en rééprouvant, par d’indéfinies métamorphoses, l'émotion de sa propre genèse et en se retirant et se condensant en soi jusqu’à la virtualité des limbes : — faculté précieuse et trop rare, privilège suprême de l’intelligence, jeunesse spirituelle à volonté !
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Il est des moments solennels dans notre vie intérieure, où tout ce qui nous occupe, préoccupe, passionne et remplit d’ordinaire, devient subitement à nos yeux frivole, puéril et vain. Nous nous paraissons à nous-mêmes des marionnettes qui, jouant au sérieux une parade, prenons des hochets pour des choses de grand prix. A ces moments-là tout se transforme et la vie a un tout autre aspect : — Berkeley et Fichte ont alors raison, Emerson aussi ; — le monde n’est qu’une allégorie ; — l’idée est plus réelle que le fait ; les contes de fée, les légendes, sont aussi vrais que l’histoire naturelle et plus encore, car ce sont des emblèmes plus transparents ; — la seule substance proprement dite c’est l’âme ; qu’est tout le reste ?..... ombre, prétexte, figure, symbole et rêve ; immortelle, positive, seule parfaitement réelle est la conscience : le monde n’est qu’un feu d’artifice, une fantasmagorie sublime destinée à égayer l’âme et à la former.

Ces moments sont plus ou moins rares suivant les individus et leur tendance au recueillement. C’est dans les douces langueurs de la convalescence, au printemps quand la nature aussi semble renaître à la vie, la nuit entre deux sommeils, qu’ils se présentent le plus souvent. Ces instants sont augustes ; ils sont le tête-à-tête de l’homme avec l’infini et l’éternel.

Il se fait alors en nous un grand silence. Effrayant comme le calme de l’Océan qui laisse plonger le regard en ses abîmes insondables , ainsi le silence de la vie nous laisse voir en nous des profondeurs à donner le vertige, des besoins inextinguibles, des trésors de souffrance et de regret. Viennent les tempêtes ! est-on tenté de s’écrier, elles agitent moins la surface de ces ondes aux secrets terribles. Soufflent les passions ! en soulevant les vagues de l’âme elles en voilent au moins les gouffres sans fond. — A nous tous, enfants de la poudre, fils du temps, l’éternité inspire une involontaire angoisse et l’infini une mystérieuse épouvante. Il nous semble entrer dans le royaume de la mort.

Pauvre cœur, tu veux de la vie et tu as raison, après tout, car la vie est sacrée. Mais rassure-toi, et raffermis-toi. Écoute la voix austère et douce qui parle dans ce silence ; elle descend d’un monde qui est aussi le tien, quoique tu ne le connaisses pas. Écoute-la et tu sauras ce que c’est que l'éternité et le temps, que la mort et la vie. Écoute-la et tu ne craindras plus. Écoute-la encore et tu trouveras la joie qui ne passe point et ne se décrit pas.

Enfant, tu as eu une vision. Va maintenant, rentre dans la foule et dans ton devoir, et garde la vision dans le plus secret de ton souvenir.
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Retire-toi souvent dans le sanctuaire de ton intime conscience, rentre dans ta ponctualité d'atome pour t'affranchir de l'espace, du temps, de la matière, des tentations, de la dispertion, pour échapper à tes organes, à ta propre vie, c'est-à-dire meurs souvent, et interroge-toi en face de cette mort, comme préparation à la dernière mort.
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La gloire ne couronne que les victoires gagnées et non les victoires espérées.
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Il est minuit. Resté plus d’une heure sans lumière, laissant chanter en moi et arriver à mes lèvres tout un bouquet d’airs mélancoliques. Je me sentais une limpidité de vie peu ordinaire ; il me semblait être dans mon cœur lui-même, éclairé comme ma chambre à cette heure nocturne d’un demi-crépuscule rêveur. L’esprit de solitude et d’espérance agitait doucement ses ailes autour de mon front dans les ténèbres. Je compris l’âme revoyant, dans le calme du tombeau, passer sa vie terrestre au dedans d’elle, et murmurant, dans le vide, quelque mélodie insaisissable. O saint recueillement, silence de tout bruit extérieur dans la vie de l'âme, sanctuaire d’émotion, d’attente et de tendresse, qu'on est heureux de te connaître, bien qu’on te visite peut-être rarement ! Ces moments lyriques, fils de la nuit et de la musique, de la prière et du repos, ont un parfum si suave, une délicatesse si fugitive !... Pourquoi ne pas les fixer par la poésie ?
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Video de Henri-Frédéric Amiel (1) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Henri-Frédéric Amiel
« […] À trente ans, Amiel rêvait d'être un brillant pédagogue, un philosophe au-dessus de tout soupçon ; il lisait Hegel et s'abonnait à l'optimisme. À cinquante, il s'aperçut que le bonheur est une chimère, la vie un « prêt à échéance limitée fait à l'individu ». […] » « […] Henri-Frédéric Amiel (1821-1881) […] fut au XIXe siècle le plus précis des sismographes en matière de sentiments […].
[…] Au terme de son existence, Amiel affirmait avoir fait le chemin de Pascal à Montaigne et n'être plus obsédé par l'au-delà. Il confessait, « la mort dans l'âme », qu'il n'attendait pas de revanche à sa vie manquée : « Rien, rien, rien ! Nada ! » serait la conclusion. S'il n'y a de paix que dans le non-être, la résurrection est une récompense de dupes. […] Lui-même ne nourrissait aucune prétention, poussant la modestie jusqu'à vouloir faire inscrire cette épitaphe sur sa tombe : « Bien doué de la nature, favorisé des circonstances, il travailla toute sa vie à se préparer à vivre, et il allait vivre quand il mourut. Apprenez, mortels, de lui comment il faut faire et faites ce qu'il ne fit pas : marchez et osez ! » […] cet homme sans surprise, qui n'avait jamais réussi qu'à décevoir son entourage, préparait un coup de théâtre posthume : la révélation de son Journal intime. […] L'estime de soi, Amiel l'avait bradée tout au long de sa confession. Le Journal dévora sa vie ; il se laissa faire, persuadé que la seule infortune est d'être né. L'existence, Amiel l'avait compris, est un roman de la désillusion, tiré à des millions d'exemplaires, distribué en poche et à titre gracieux aux passants de chaque siècle. Certains croient détenir l'édition originale et se démènent pour qu'on reconnaisse leur différence ; d'autres griffonnent dans la marge, en espérant modifier le texte ; la plupart lui trouvent un goût de papier mâché, quelques-uns le font relier et le glissent, en même temps que leur destin, dans un coin préservé de la bibliothèque : ils n'oublient jamais d'enlever la poussière sur les tranches, bien que l'envie ne leur soit jamais venue d'en feuilleter un chapitre. […] » (Roland Jaccard, La tentation nihiliste, Éditions PUF, 1989)
« […]
Tout est dans tout. L'entier est dans ce qui commence Et dans ce qui finit. Rien n'est petit. L'immense Sort du néant.
Puis dans sa forme à soi chaque métal se coule ; Chaque arbre fait sa feuille. Ainsi donc point de moule Prison du goût !
Grands ou courts, ces fragments sont ce qu'ils sont, qu'importe ? Mauvais, refuse-leur, bons, ouvre-leur ta porte, Et puis c'est tout.
20 décembre 1853 »
(Épilogue)
0:04 - le papillon 1:00 - Théodicée 1:34 - Être prêt 3:01 - Tocqueville : de la démocratie en Amérique 4:53 - Tête-à-tête 7:43 - Les marionnettes 8:16 - Générique
Référence bibliographique : Henri-Frédéric Amiel, Grains de mil, Joël Cherbuliez, libraire-éditeur, 1854.
Image d'illustration : https://blog.bge-geneve.ch/amiel/
Bande sonore originale : Carlos Viola - Memories
Site : https://thegamekitchen.bandcamp.com/track/memories-2
#HenriFrédéricAmiel #GrainsDeMil #LittératureSuisse
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