Citations sur Ma douce Audrina (32)
Les femmes étaient beaucoup moins adroites à
se couvrir. Elles avaient la mine timide mais leurs gestes étaient hardis. Un
jour, Tante Ellsbeth était arrivée derrière moi et m’avait expliqué avec une
certaine amertume que la plupart des artistes étant des hommes, il était
naturel qu’ils se délectent à « exploiter » le thème de la femme nue.
sept ans, à l’heure où les autres enfants se bousculaient
en riant comme des fous pour monter dans le bus jaune de l’école, j’allais m’asseoir
à la table de la cuisine et c’était ma mère qui m’apprenait à lire, à écrire, et
à faire les additions. Or, si elle jouait du piano à ravir, elle était
parfaitement incapable d’enseigner quoi que ce soit à qui que ce soit.
Ce que je n’arrivais
pas à comprendre, c’était pourquoi Vera avait le droit d’aller à l’école et pas
moi. L’école constituait un danger pour moi, pas pour elle. Alors naturellement
il m’était venu à l’esprit qu’il y avait quelque chose qui clochait
terriblement chez moi.
Audrina, les gens ne sont
que des moutons bêlants : si tu as la force d’être différente, c’est toi
que les autres suivront. Tu n’as pas à te soucier de te faire des amis puisque
la famille s’agrandit. Pense comme il sera amusant d’avoir un petit frère ou
une petite sœur ! Quel couple d’amis vous ferez !
Les souvenirs n’ont d’intérêt que pour les vieilles personnes qui n’ont plus rien à attendre de l’existence. Tu n’es encore qu’une enfant et tu as tout l’avenir, un bel avenir à perte de vue, et le meilleur est devant toi. Tu n’arrives pas à te rappeler les détails de ta petite enfance, mais moi je n’y arrive pas non plus. Le poète a dit : « Le meilleur est encore à venir », et j’y souscris.
Ses baisers me rendaient toute
languide. Ingmar m’a éveillée sexuellement, mais il m’a laissée inassouvie. Que
de nuits je suis restée étendue dans mon lit, sans dormir, à penser à lui, et
maintenant encore je me réveille en regrettant qu’il ne soit pas allé plus loin.
Mais je m’étais refusée à lui et m’étais gardée pour Damian.
— Ne le regrette pas, Lucietta, tu as eu raison. Damian
ne t’aurait jamais épousée s’il avait pu soupçonner que tu n’étais plus vierge.
Il prétend avoir les idées larges, mais il est victorien jusqu’à la moelle des
os. Tu sais très bien qu’il n’a jamais pu supporter ce qui est arrivé à Audrina,
cela lui a été intolérable. Tout autant qu’à elle…
Certes, je
suis bien placée pour savoir que ma sœur est dotée d’un appétit inextinguible. Un
trou sans fond, voilà l’estomac d’Ellie ! Mais peut-être tente-t-elle de
combler ainsi le grand vide de son existence ? Peut-être est-ce pour elle
un substitut de l’amour ?
C’était juste une passade, une fantaisie. Son magnétisme animal m’a
attirée momentanément, mais j’ai été assez raisonnable pour l’oublier et passer
à autre chose. Je sais qu’il en a aussitôt trouvé une autre. Les hommes sont
tous les mêmes – égoïstes, cruels, exigeants. Aujourd’hui je suis sûre qu’il
aurait fait un piètre mari.
Douleur ! Honte ! Terreur ! Voilà les mots qu’il
prononce, le sixième sens. Maman, Papa, au secours ! Ne les laissez pas me
faire du mal, ne les laissez pas ! Je suis allée au catéchisme toutes les
semaines, je n’ai jamais manqué, même quand j’étais enrhumée, j’y allais. J’ai
mérité d’avoir ma Bible avec mon nom gravé sur la couverture de cuir noir et j’ai
la médaille d’or. Pourquoi le fauteuil à bascule ne m’a-t-il pas avertie, pourquoi
ne m’a-t-il pas dit comment faire pour leur échapper ? Dieu ? Tu es
là, Dieu ? Tu vois ce qui m’arrive ? Fais quelque chose ! Fais n’importe
quoi ! Au secours !
Ils jaillissent des buissons. Ils sont trois. Cours, plus
vite, plus vite ! Ils ne pourront pas m’attraper, si je cours vite. Mes
jambes se détendent, je me mets à courir, mais… pas assez vite.
Hurle, vas-y, hurle fort, plus fort !
Je me débats, à coups de pied, à coups d’ongle, à coups de
tête en plein dans la mâchoire du garçon qui m’attache les mains derrière le dos.
Chante, si
cela doit t’aider à laver ton esprit de tes peurs et de tes émotions. Chante, chante,
jusqu’à ce que tu deviennes toute vide, comme une cruche de grès. Les cruches
vides peuvent contenir beaucoup, beaucoup de choses, tandis que les cruches
pleines, on n’y peut plus rien verser.