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Ivo Andric est un auteur que j'ai découvert il n'y a pas si longtemps et dont je ne me lasse pas. Se romans racontent des histoires plus grandes que celle des destinées humaines. Les hommes ne constituent que des engrenages, des moteurs qui propulsent l'action et qui la subissent. Cela ne signifie pas qu'ils sont sans importance, mais quelque chose les dépasse. le destin? Bref, tout est lié. Les destinées humaines, elles sont ancrées, intrinsèquement liées au milieu où elles C'est également le cas avec ce recueil de nouvelles, L'éléphant du vizir. Chaque nouvelle propose un monde, un univers dans lequel un réseau d'histoires individuelles et collectives sont intriquées. Malgré cela, tout est simple, comme si ces histoires ne formaient qu'un tout. de toutes façons, on se laisse porter par les événements et, surtout, par la merveilleuse plume évocatrice d'Ivo Andric. En effet, il raconte des lieux : une église, un quartier, une ville, une rivière. Et ces lieux sont habités par des individus. Ils grandissent, vieillissent, meurent et sont remplacés par d'autres. Ainsi va la vie. Mais Andric raconte surtout son pays, malmené par l'actualité ces dernières décennies. Mais il n'en fut pas toujours ainsi. La Bosnie/Serbie est belle, riche et son histoire complexe se prête à mille récits : les traditions catholiques et orthodoxes, l'occupation ottomane, l'implantation de l'islam, la présence autrichienne… Quel creuset de cultures, terreau fertile de récits! Y voyager (par la plume d'Andric) est un privilège.

Malgré qu'il sache s'attarder à des faits épiques, Andric sait porter attention aux petits détails du quotidien, à des éléments plus pittoresques, voire comiques. le meilleur exemple, c'est la première nouvelle, L'éléphant du vizir. Un gouverneur aux gouts excentriques, un animal exotique venu de loin, des serviteurs qui malmènent la créature imposante et le tournent au ridicule, un pachyderme s'excite et piétine les étals des marchands avant de dépérir, etc. Et tous ces habitants qui s'en prennent à l'éléphant, déchainant sur l'animal la colère qu'ils éprouvent à l'endroit du gouverneur cruel. Ça a un côté tragi-comique. Ça semble farfelue mais j'ai ressenti la mélancolie du vizir (malgré sa cruauté), la solitude de l'éléphant puis la curiosité et l'inquiétude des habitants. Et c'est en grande partie grâce à cette attention aux détails dont je faisais mention plus haut. Ce vizir, plus ou moins craint, se réfugie dans des collections de calames, de plumes d'oiseaux, dans un recueil de poèmes persans et arabes richement calligraphié. Tous ces détails n'étaient pas absolument nécessaires mais ils forment des couches ajoutant à la crédibilité (et à la charge émotive) qui s'en dégage. Ce vizir meurt, on se dépêche de l'oublier et on attend le prochain gouverneur. On apprécie alors davantage cette atmosphère nostalgique, cette réflexion à propos du leg qu'on laisse derrière soi, de l'ironie de l'existence.

Gens d'Osatitsa, la deuxième nouvelle, me laisse le même effet. L'auteur passe dix pages à décrire l'histoire de la ville, la répartition des quartiers entre chrétiens et musulmans, l'érection de l'église et de son clocher. On se laisse porter par cette histoire, les légendes qui y sont rattachées, etc. On en vient à se demander si cette ville est réelle, si elle est inventée, ou si n'est que la pointe d'un monde mythologique oublié il y a longtemps et qui se réveille tranquillement. Tout pour en arriver à l'histoire de saoulons qui tentent de grimper le clocher et à un évêque offusqué qui en profite pour surenchérir dans sa querelle avec le pope. Et cela finit entre les mains du préfet, comme un problème. le ridicule côtoie l'épique.

Je ne passerai pas à travers toutes les nouvelles de ce recueil. Certaines prennent un accent anecdotique, intimiste. Mais là encore, la magie d'Andric opère. Peut-être pas autant, mais tout de même suffisamment.
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Quelques trois cents pages qui renferment sept nouvelles. Elles se déroulent essentiellement en Bosnie, pendant la domination turque, comme celle qui donne son titre au recueil. Mais certaines sont plus proches de nous dans le temps, un narrateur qui ressemble beaucoup à l'auteur y raconte ses rêves et états d'âme. Il y est toujours questions d'histoires, celles que les hommes se racontent pour rendre la quotidien, le réel supportable. Se focaliser sur l'accessoire, un détail, un moment, qui effacent le reste, ce que l'on préfère ne pas voir vraiment.

Ainsi, les habitants de Travnik, petite ville bosniaque, préfèrent se concentrer sur l'éléphant que le cruel vizir qui règne sur la ville a fait venir, plutôt que de s'en prendre au tyran lui-même. L'éléphant devient l'exutoire, on peut se plaindre de ses exactions, on peut projeter de s'en débarrasser, on peut essayer de l'empoisonner, alors qu'il est impossible d'envisager quoi que ce soit contre son maître.

La nouvelle qui m'a sans doute le plus touché, est Yéléna, celle qui n'existait pas. le narrateur y raconte un fantôme, une présence, une hallucination récurrente, une femme qui se manifeste, qui semble être là, à portée de main, que le narrateur espère, rêve, qui l'aide à vivre, qui embellit et qui rend la magie au quotidien.

Nous voyageons ainsi dans le temps et dans l'espace, dans les époques et les coutumes, mais le coeur et les rêves des hommes sont toujours les mêmes, et il y a toujours un manque à combler qui peut l'être, tout au moins en partie, grâce à l'imagination, aux histoires, à la littérature.Un voyage bien agréable, même si ces nouvelles ne seront pas mon livre préféré de l'auteur.
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Etant une amoureuse de l'histoire de la Bosnie et ayant soif d'apprendre davantage sur ce pays- « l'éléphant du vizir » d'Ivo Andric a comblé ce besoin.
Dans un univers de pachas et de vizirs, nous suivons une petite histoire qui tourne autour du nouveau vizir de Travnik et son peuple.
D'abord, ce nouveau dirigeant insaisissable et singulier, a provoqué la méfiance parmi les gens de la région à cause de sa dernière acquisition.
Comme le nouveau vizir nommé Djélaloudine a un penchant mystique pour les animaux, il décide de lui procurer un éléphant d'Afrique qui bouscule le quotidien des citoyens.
L'auteur, omniscient, décrit des personnages atypiques et hauts en couleur avec une écriture riche et foisonnant. Toujours magnifiques en termes de vocabulaire, Ivo Andric sait bercer le lecteur.
En terminant ce récit que j'ai savouré comme tous les autres oeuvres du romancier, je me suis rendu compte que cet auteur ne cesse de m'étonner.

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Vous avez avec ce livre , recueil de nouvelles, un petit bijou traduit par Jeanine Matillon qui a prouvé (en écrivant : les deux fins d'Orimita Karabegovic) qu'elle était bien plus qu'une simple traductrice.
Son travail est parfait, tant l'on goûte à la fluidité du texte.
Ce texte confirme le grand talent d'Ivo Andric, après la lecture de : Le pont sur la Drina.
Venez découvrir cet auteur !
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Un recueil de nouvelles de Ivo Andric, prix Nobel de littérature 1961.

Avis mitigé pour ce recueil de nouvelles très inégales. La première "L'éléphant du vizir" est intéressante car il y a cette transposition de la colère et de la haine des villageois, terrorisés par un vizir cruel, contre ce pauvre éléphant appartenant au vizir en question. L'auteur y décrit aussi la vantardise et la couardise des hommes face à ce qui leur fait peur.

L'écriture est soignée et agréable, mais le contenu des nouvelles ne m'a pas inspiré. Il y a un arrière-fond de violence, d'instabilité, d'égoïsme, un monde essentiellement masculin, sans héro, sans beauté; rien qui me fasse rêver, rien qui me parle. C'est le deuxième recueil que je lis de cet auteur, je pense que c'est mon manque de connaissance des Balkans et de leur culture qui m'empêche d'apprécier Ivo Andric autant qu'il le mérite.
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Ivo Andric est un conteur hors pair. C'est ce qu'on nous promet dans la préface, et ce que l'on comprend très vite lorsqu'on lit ces sept précieuses histoires, délectables tant elles vous projettent dans un univers dépaysant et pittoresque, au carrefour mouvementé des civilisations et des empires, plein d'un charme légèrement désuet et tendre-amer.

La première nouvelle est celle qui prête son titre au recueil. On y figure Travnik, petite ville de Bosnie, dont les habitants attendent avec une angoisse et une fébrilité croissantes le nouveau vizir. Celui-ci s'est construit une réputation effroyable, et a pour mission de mater les beys et autres puissants locaux. Il s'installe dans sa résidence et, comme beaucoup de ses prédécesseurs, fait venir un animal extraordinaire: un éléphant (le filj). La population de Travnik est d'abord figée dans sa stupeur, mais les dégâts occasionné par cet hôte inattendue va devenir le point de cristallisation de toutes les angoisses, les incompréhensions et la haine se fera jour. Mais venir à bout d'un éléphant, qui plus est l'éléphant d'un cruel vizir, n'est pas chose facile.

La deuxième nouvelle, tout aussi savoureuse, emmène le lecteur dans une contrée, Osatitsa, une "ville sur la hauteur, mais cette hauteur elle-même entourée de tous cotés par de hautes montagnes" . Comme dans tous le pays, il y a à Osatitsa une communauté musulmane et une communauté Orthodoxe. Et la totalité de ses habitants a un caractère fanfaron, du moins le type de caractère qui incite à l'escalade, à l'ascension tant physique que sociale, et de préférence sous les regards à la fois admiratifs et envieux. C'est ainsi que les habitants de la ville haute voulurent donner à leur église un apparat digne de leur rang, en s'endettant pour construire un dôme et y ériger une croix dorée. Et c'est également ainsi que, l'alcool aidant aidant, deux mystérieux ivrognes vont escalader l'église. Pour éviter un incident diplomatique grave avec son supérieur, le pope de la ville demande à ce qu'une enquête soit menée.

La troisième histoire "Une année difficile" représente un usurier puissant et réputé, Me Yevrem qui est un homme autoritaire et redouté de tous les habitant de la bourgade où il exerce. Me Yevrem est féroce, et férocement attaché à sa fille adoptive, Gaga, tzigane de 15 ans. Jusqu'à ce que l'armée turque vienne occupé la région. Arriveront avec cette armée les fléaux si courants des temps de guerre, en dépit des nombreux efforts des civils pour sauver leurs biens.

"Yelena, celle qui n'était pas", est le quatrième récit, celui d'un homme épris ... d'une hallucination récurrente.

J'ai adoré ces nouvelles, celle d'un peuple qui demeure spectateur plus ou moins résigné des évènements, des changements de régime, des armées qui passent. On finit par avoir l'impression que, dans ce perpétuel mouvement propre à ce pays, les gouvernements changent, les frontières changent, mais le peuple reste le même. C'est un vrai message, mais qui a l'élégance d'être sorti des contingences politiques et historiques, et qui revêt la forme de contes absolument charmants.

Dans "figures" (cinquième récit) où Andric se tient en équilibre entre l'iconoclaste et l'amoureux des figures; "Entretien avec Goya" (sixième récit ) où Andric, de séjour vers Bordeaux, dialogue de façon imaginaire avec le peintre espagnol notamment sur la société et ses puissants et "Histoire japonaise", on se rapproche plus ouvertement de la réflexion abstraite ou symbolique.
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La Bosnie du temps de l'empire ottoman, son peuple, ses traditions, ses histoires – voilà l'univers le plus connu du bosniaque Ivo Andrić (ou Andritch, c'est selon), au travers de romans tels que le Pont sur la Drina et La Chronique de Travnik. C'est ce même univers qui est présenté dans trois des sept récits rassemblés sous le titre L'Eléphant du vizir par les Publications Orientalistes de France dans une édition qui date déjà (1977*).
Lien : http://passagealest.wordpres..
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