L'avenir c'est ce qui dépasse la main tendue, et c'est l'espace au-delà du chemin battu.
Tout ce que l’homme fut de grand et de sublime
Sa protestation ses chants et ses héros
Au dessus de ce corps et contre ses bourreaux
A Grenade aujourd’hui surgit devant le crime
Et cette bouche absente et Lorca qui s’est tu
Emplissant tout à coup l’univers de silence
Contre les violents tourne la violence
Dieu le fracas que fait un poète qu’on tue
Un jour pourtant un jour viendra couleur d’orange
Un jour de palme un jour de feuillages au front
Un jour d’épaule nue où les gens s’aimeront
Un jour comme un oiseau sur la plus haute branche
Tout ce qu'aveuglément un monde à toi préfère
Est simulacre idole au prix du Dieu vivant
Donne-moi tes mains pour l'inquiétude
Donne-moi tes mains dont j'ai tant rêvé
Dont j'ai tant rêvé dans ma solitude
Donne-moi tes mains que je sois sauvé
Lorsque je les prends à mon propre piège
De paume et de peur de hâte et d'émoi
Lorsque je les prends comme une eau de neige
Qui fuit de partout dans mes mains à moi
Sauras-tu jamais ce qui me traverse
Qui me bouleverse et qui m'envahit
Sauras-tu jamais ce qui me transperce
Ce que j'ai trahi quand j'ai tressailli
Ce que dit ainsi le profond langage
Ce parler muet de sens animaux
Sans bouche et sans yeux miroir sans image
Ce frémir d'aimer qui n'a pas de mots
Sauras-tu jamais ce que les doigts pensent
D'une proie entre eux un instant tenue
Sauras-tu jamais ce que leur silence
Un éclair aura connu d'inconnu
Donne-moi tes mains que mon coeur s'y forme
S'y taise le monde au moins un moment
Donne-moi tes mains que mon âme y dorme
Que mon âme y dorme éternellement.
LES MAINS D'ELSA
Donne-moi tes mains pour l'inquiétude
Donne-moi tes mains dont j'ai tant rêvé
Dont j'ai tant rêvé dans ma solitude
Donne-moi tes mains que je sois sauvé
Lorsque je les prends à mon pauvre piège
De paume et de peur de hâte et d'émoi
Lorsque je les prends comme une eau de neige
Qui fuit de partout dans mes mains à moi
Sauras-tu jamais ce qui me traverse
Qui me bouleverse et qui m'envahit
Sauras-tu jamais ce qui me transperce
Ce que j'ai trahi quand j'ai tressailli
Ce que dit ainsi le profond langage
Ce parler muet des sens animaux
Sans bouche et sans yeux miroir sans image
Ce frémir d'aimer qui n'a pas de mots
Sauras-tu jamais ce que les doigts pensent
D'une proie entre eux un instant tenue
Sauras-tu jamais ce que leur silence
Un éclair aura connu d'inconnu
Donne-moi tes mains que mon cœur s'y forme
S'y taise le monde au moins un moment
Donne-moi tes mains que mon âme y dorme
Que mon âme y dorme éternellement
LE TIERS CHANT
Te prendre à Dieu contre moi-même
Étreindre étreindre ce qu’on aime
Tout le reste est jouer aux dés
Suivre ton bras toucher ta bouche
Être toi par où je te touche
Et tout le reste est des idées
Je suis la croix où tu t’endors
Le chemin creux qui pluie implore
Je suis ton ombre lapidée
Je suis ta nuit et ton silence
Oubliée dans ma souvenance
Ton rendez-vous contremandé
Le mendiant devant ta porte
Qui se morfond que tu ne sortes
Et peut mourir s’il est tardé
Et je demeure comme meurt
A ton oreille une rumeur
Le miroir de toi défardé
J'ai tout mon temps d'homme passé
Sans lendemain dans les fossés
Attendant une aube indécise
La mort à mes côtés assise
Enfant-roi du palais chassé
La veille où Grenade fut prise.
Quel être suis-je et d'où l'image
Brave, pour peu que je trouve une occasion favorable, lâche si je ne la trouve pas...
Le plongeur
Plongeur à qui tout est la mer
PLongeur à qui tout est amer
Sitôt parti qu'il est venu
Moi qui suis mon propre inconnu
Ma lumière obscurément peinte
Et le silence de ma plainte
Où es-tu moi-même où es-tu
Miroir éteint musique tue
Il y a des eaux si profondes
Que l'homme et l'algue s'y confondent
Il y a de si noirs moments
Que l'être y tombe aveuglément
Il y a des souffrances telles
Que l'âme craint d'être immortelle
Des solitudes absolues
Où même le coeur ne bat plus
Rien ne finit rien ne commence
Raison ne trouve ni démence
Et si c'est mon coeur ou ma main
Si c'est ma chute ou mon chemin
D'où je suis que je sois m'efface
Portant mon absence où je passe
Où je vais jamais je ne suis
Et je viens moins que je ne fuis
Ô même moi partout pareil
Sans yeux sans bouche et sans oreilles
Comme une chose révolue
Comme un mot qu'on ne trouve plus
Plongeur plongeur que tomber mène
Exproprié de tout domaine
Scorie à ta propre coulée
Anneau perdu trace foulée
Porte battante lèvre ouverte
Tout m'est image de ma perte
J'entends si bien le temps saigner
Que tout moment m'est le dernier
Et le temps à mes doigts de verre
A mes genoux se fait calvaire
Le temps qui n'est plus ce qu'il est
Comme un feu mis à son reflet
Un aveugle soufflant sa lampe
J'entends le temps battant ma tempe
J'entends le temps j'attends le temps
Dont vivre meurt la vie étant
Plus avant en lui que je plonge
Le temps devient matin d'un songe
Dont fut le sens d'être oublié
Une fois de moi délié.