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EAN : 9782365771115
272 pages
Urban Comics Editions (07/12/2012)
4/5   3 notes
Résumé :
Le meilleur de l’artiste complet et gagman d’excellence, Sergio Aragonès. Une imagination fertile, un trait bondissant, des situations hystériques… Une page de la pop-culture américaine se dessine à travers ces dessins sélectionnés sur une quarantaine d’années ! (contient Mad’s Greatest Artists : Sergio Aragonès)
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Ce recueil regroupe des gags humoristiques (essentiellement sous forme de strips de 3 ou 4 cases) réalisés par Sergio Aragonés (scénario et dessins) en noir & blanc (une dizaine de pages en couleurs en fin de volume) pour le magazine humoristique MAD. Une page sur deux, le lecteur retrouve également de nouveaux "marginals" (des petits dessins apposés dans les marges de l'ouvrage).

Comme le titre l'indique, le lecteur aura le plaisir de lire des blagues de Sergio Aragonés regroupées par décennie : 1960, 1970, 1980, 1990, 2000. Au fil des années, Aragonés se spécialise dans une rubrique intitulée "The MAD look at..." étant thématique et tournant en dérision tout ce qui passe par la tête d'Aragonés à commencer par la course à l'espace (pour sa toute première participation à MAD) jusqu'à la réalité de la récession économique pour la dernière de ce tome. C'est ainsi que le lecteur verra défiler des thèmes variés tels que le football américain, les éboueurs, Batman (dans les années 1960), les monstres de cinéma, le mariage, les requins, King Kong, Star Wars (dans les années 1970), les parcs d'attraction Disney, un camp d'entraînement de terroristes (toujours dans les années 1970), un centre commercial à l'approche de Noël, l'obésité, le baseball, les dinosaures, les tatouages, les OVNI, le harcèlement sexuel, les piercings, le racisme, Las Vegas, Harry Potter, la chirurgie esthétique, les mères, l'infidélité conjugale, la sécurité dans les aéroports, et bien d'autres encore.

Le magazine de MAD est créé en 1952 par Harvey Kurtzman, il incarne une tradition humoristique aux États-Unis depuis cette époque, avec des valeurs politiques et sociales à ses débuts, perdues en cours de route au profit d'un humour plus potache destiné essentiellement aux adolescents et aux jeunes adultes. Mais à son arrivée, Aragonés apporte un humour 100% visuel et essentiellement apolitique, sans aucun texte, si ce n'est un panneau ou une enseigne de temps à autre. Dès la première double page consacrée à la conquête spatiale, les particularités du style d'Aragonés apparaissent. En termes de forme des personnages, il est adepte des silhouettes exagérées, avec un gros nez et une partie médiane assez arrondie. Au fil des décennies il est possible d'assister à une lente évolution vers des formes plus agréable à regarder (ajustement des proportions et trait plus délié) et à une amélioration des expressions des visages. En fonction de l'objet du strip, Aragonés peut également avoir recours à des silhouettes filiformes, ou à la musculature exagérée (pour un regard sur les clubs de gym par exemple). Même dans ces cas là, le visage reste exagéré, avec des traits simplifiés pour ne garder que le plus signifiant.

Les illustrations d'Aragonés appellent naturellement un examen plus détaillé. D'un coté, il dessine avec ce qui pourrait être un stylo bille : toujours la même épaisseur de trait, aucune variation, de très rares aplats de noir (vraiment une exception). Ce parti pris donne des dessins vite lus, très faciles à assimiler, avec une sorte de légèreté due à l'absence de surfaces noires compactes. En lecture rapide, on a l'impression de voir plutôt des personnages rapidement esquissés, des croquis vite faits. Mais très rapidement il apparaît que la densité d'information visuelle est plus élevée que ne le laisse croire l'apparence. Quels que soient le contexte et les personnages, le lecteur a la surprise de constater qu'il n'est jamais en présence d'un individu générique, ou d'un décor passepartout. En prenant au hasard, à chaque fois, le personnage présente des singularités qui le rendent unique. Même lorsqu'il dessine un groupe de 4 militaires en uniforme, chacun a une silhouette spécifique, une posture différente, un visage de forme différente. Derrière l'apparence expéditive des dessins se trouve une capacité exceptionnelle à créer toute sorte d'individus, tous particuliers et tous familiers. Il en va de même pour les tenues vestimentaires, les accessoires et pour les décors. Ce qui frappe également, c'est qu'Aragonés croque avec la même habilité et la même justesse chaque objet, chaque élément de décor. Sous des dehors de croquis rapide, il retranscrit avec pertinence et intelligence chaque élément qu'il s'agisse d'un rideau de douche (à la fixation fonctionnelle), un cockpit d'avion avec les bonnes commandes à leur place, une pompe à essence avec son pistolet en état d'utilisation, une cave à vins dans un restaurant, l'agencement de l'arrière boutique d'un fast-food, une table d'opération dans un hôpital, etc. Mine de rien ces petits détails contribuent à ce que le lecteur puisse s'immerger instantanément dans chaque lieu, aux cotés de chaque personnage. Il s'avère qu'il est tout aussi habile à reproduire l'apparence de personnages de fiction connus telle cette troupe de gugusses qui ne sont autre que les Ghostbusters.

D'un point de vue graphique, Sergio Aragonés estomaque le lecteur lorsqu'il se lance dans une double page bourrée à craquer de détails. C'est donc le cas de ce camp d'entraînement pour terroriste, mais aussi de ce centre commercial à la veille de Noël. Il est possible de passer un quart d'heure à explorer chaque centimètre carré de cette illustration pour découvrir détail après détail, ainsi que les activités d'environ 200 personnages différents. Cela dénote un sens exceptionnel de l'organisation spatiale pour que tout reste lisible malgré la densité hallucinante d'informations. le lecteur se lance alors dans une lecture qui peut rappeler ces livres où il faut retrouver un personnage perdu dans une illustration d'envergure (par exemple Où est Charlie ?). Petite cerise sur le gâteau : Aragonés est capable de glisser Groo ou Rufferto (son chien) au détour d'une case, comme ça discrètement.

Et l'humour dans tout ça ? Sergio Aragonés pratique un humour débordant d'humanisme, évitant la moquerie ou la méchanceté. D'un certain coté, cette compilation d'une énorme quantité de gags peut finir par devenir fade. Voilà un monsieur qui refuse l'humour qui tâche, les attaques sous la ceinture, le pointage du doigt d'un individu ou d'une catégorie d'individu et qui débite du gag à raison de 4 à 6 par page pendant 250 pages. C'est sûr que lu d'une traite ou même en 4 ou 5 fois, il s'installe un sentiment d'engourdissement qui fait perdre le goût de chaque blague. Il est vrai aussi que certains gags sont très basiques. Un marginal parmi tant d'autres : un monsieur s'enfuit d'une boutique de tatouage quand il découvre que le tatoueur est une armoire à glace. Seule l'exagération de la pantomime transforme la situation en gag. Mais pris un par un chaque gag recèle un trésor d'inventivité et d'expressivité. Il y a par exemple ce vendeur d'automobiles qui voit arriver des parents avec leur grand fils. Chaque personne dispose d'un phylactère dans lequel le lecteur découvre le modèle de voiture auquel il pense ; ils sont tous différents. Ils repartent bien sûr avec le modèle que le vendeur avait décidé de leur fourguer. En 2 cases, Aragonés a raconté une petite histoire sur les envies de chacun et la réalité économique. Dans les 2 premières décennies, il utilise également un dispositif irrésistible : dépeindre une scène avec des personnages et représenter leurs ombres en train de se conduire comme ils souhaiteraient vraiment se conduire ("The shadow knows", jeu de mot sur le slogan d'un personnage de pulp).

Au fil des pages, le lecteur aura également la surprise de voir apparaître en creux l'évolution de la société américaine. Dans les années 1960, l'image de la femme dans la société était essentiellement celle de la mère au foyer, ce qui va évoluer au fil des gags et des décennies. Il y aura également le passage en revue de plusieurs phénomènes de mode ou d'événement de nature culturelle : Woodstock, la conservation du patrimoine architectural, les rejets de polluants en rivière, Jaws de Steven Spielberg, Star Wars, la génération hippie convertie au capitalisme, le service militaire, les jeux olympiques, le harcèlement sexuel, la libre détention d'armes à feu, les accros aux jeux vidéo, etc.

Ce recueil bénéfice également d'un grand format (identique à celui du magazine MAD) et un beau papier épais. Il s'agit donc d'un plaisir de lecture d'une forme différente susceptible de plaire pour plusieurs raisons, en fonction des lecteurs. C'est une occasion exceptionnelle de découvrir le talent d'un monsieur modeste à l'expressivité exceptionnelle : Sergio Aragonés.
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critiques presse (1)
Bedeo
14 janvier 2013
Cet ouvrage offre un pan complet de ce que peut être l’identité artistique de Sergio Aragones à savoir la diversité des thèmes, son imagination féconde et son "trait bondissant".
Lire la critique sur le site : Bedeo

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