AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Citations sur Loin des bras (15)

-Que faire des souvenirs? demanda Vera
-Vous pensez à eux,et en même temps vous ne pensez pas à eux.
-En même temps?
-En même temps, Vera. C'est ça, la vie. Savoir qu'on ne peut pas oublier. Et faire comme si on avait oublié.
Commenter  J’apprécie          00
“Confier votre fils à l’Institut est un acte de courage, j’en suis consciente… Un sacrifice que vous faites pour son bien… Une confiance placée en sa capacité de devenir quelqu’un… Je le rappelle sans cesse à nos élèves : Vos parents misent sur vous. D’ailleurs, ajoutait-elle, notre devise le dit bien…” Elle laissait alors passer un silence, regardait dans les yeux l’un ou l’autre des parents, et d’une voix calme prononçait la devise de l’Institut comme on abat une carte gagnante : Tu deviendras.
Elle était imbattable. Vingt-cinq ans à la tête de l’Institut lui avaient appris à repérer les travers petits et grands de ceux avec lesquels sa vie se confondait. Élèves, professeurs, personnel de maison, tout le monde la craignait.
A première vue, cela pouvait surprendre. Très petite et très laide, Mme Alderson avait une bouche trop mince, un nez osseux, une denture irrégulière et une bosse à hauteur de l’omoplate, sur le côté gauche. Mais ses yeux pétillants, d’un bleu roi magnifique, et une vivacité d’esprit hors du commun lui donnaient un charme dont elle faisait un usage froid et maîtrisé. Elle aimait être au centre des attentions. Avec ses tenues aux couleurs éclatantes et son regard sans cesse sur le qui-vive, on aurait dit un oiseau exotique.
Je m’inquiète bêtement, se dit-elle. Bien sûr que tout ira bien.
Commenter  J’apprécie          20
— Je comprends, fit Mme Alderson.
Un flot de paroles continua de s’écouler du récepteur et, durant une seconde ou deux, elle se sentit désorientée. Puis elle se reprit et lança d’un ton sec :
— Je vous l’ai dit, je comprends. Au revoir, madame !
Après quoi elle resta de longues secondes l’appareil à la main, les yeux dans le vague.
Elle se faisait des illusions, Mme Marra. Son fils était nul. Nul en français. Nul en maths. Nul en tout. A une année de la maturité, elle pouvait le changer d’internat tant qu’elle voulait, ce n’était pas ça qui allait faire de lui un génie. Malgré tout, sa décision de le retirer arrivait à un très mauvais moment. Quatre désistements en une semaine, cela tournait au cauchemar.
Mme Alderson soupira et ferma les yeux. Du temps de Georges, les choses se seraient passées autrement. Mais voilà, Georges était mort. Tout le problème était là… Elle rouvrit les yeux et son regard tomba sur les murs du salon. Ils étaient couverts de livres rares, des traités de sciences naturelles (la passion de Georges), tous reliés dans des tons rouges, écarlates ou cramoisis, qui donnaient à la minuscule pièce tendue de rose un climat chaleureux et savant. Le Salon rose, comme chacun l’appelait. Le cœur de l’Institut. Mme Alderson y avait convaincu, grondé, mis au pas… Des victoires par centaines.
Commenter  J’apprécie          10
Le penchant se transforme en passion. On fait de plus en plus de photos, on achète un meilleur appareil... Et puis vient l'envie de développer soi-même. C'est encore autre chose. On fait ses premiers tirages. On n'en croit pas ses yeux, d'y être arrivé. Du coup on joue, on finasse, on fait tanguer le bain du révélateur, pour monter les gris et les noirs, par exemple. Et de fil en aiguille, on se retrouve photographe...
Commenter  J’apprécie          70
Ainsi la vie de l'Institut était l'objet d'une agitation fictive qui adoucissait la solitude de chacun et lui donnait le sentiment de vivre une vraie vie.
Commenter  J’apprécie          60
- Que faire des souvenirs ? demanda Vera.
- Vous pensez à eux, et en même temps vous ne pensez pas à eux.
- En même temps ?
- En même temps, Vera. C'est ça, la vie. Savoir qu'on ne peut pas oublier. Et faire comme si on avait oublié.
Commenter  J’apprécie          50
C'est ça, la consolation, fit Irène.
Elle laissa passer un silence et ajouta:
- C'est quand on est prêt à être blessé à nouveau. La voilure s'est déchirée, on l'a descendue, on l'a recousue et on l'a hissée. On reprend la mer.
Elle ajouta d'une voix à peine audible:
- Il a quelque chose de monstrueux, ce mot de consolation. Un beau jour, le passé se fait plus petit. Et on a honte de mieux vivre.
Commenter  J’apprécie          20
- C'est important d'attaquer avant la note, fit Gülgül. On n'est pas à l'école, n'est-ce pas? On est dans la vie... Dans la vie, on attaque la vie, n'est-ce pas? On saute sur la vie. Allez, on attaque juste un peu avant la note.
Commenter  J’apprécie          00
- Ici, c'est la foire aux voiles déchirées. Chacun a subi la tempête. C'est d'ailleurs ce qui nous rassemble. Les élèves, les professeurs, le personnel, Mme Aldersson... il y aurait du boulot pour une escouade de couturières... Du genre qui cousent sur des machines à gros fil! Des enfants qui, à sept, huit, dix ans, croisent à peine leurs parents... Qui des mois durant ne reçoivent aucune caresse... Qui restent à l'Institut des huit, dix, onze ans! Vous imaginez leur état à la sortie? Ces garçons resteront des mal-aimés toute leur vie.
Commenter  J’apprécie          00
Certains jours, je me dis : Vraiment, dans la vie, tout peut recommencer.
- Que faire des souvenirs ? demanda Vera.
- Vous pensez à eux, et en même temps vous ne pensez pas à eux.
- En même temps ?
- En même temps, Vera. C'est ça, la vie. Savoir qu'on ne peut pas oublier. Et faire comme si on avait oublié.
Commenter  J’apprécie          10






    Lecteurs (358) Voir plus



    Quiz Voir plus

    Retrouvez le bon adjectif dans le titre - (2 - littérature francophone )

    Françoise Sagan : "Le miroir ***"

    brisé
    fendu
    égaré
    perdu

    20 questions
    3665 lecteurs ont répondu
    Thèmes : littérature , littérature française , littérature francophoneCréer un quiz sur ce livre

    {* *}