Le Serment de Maria, de
Marie-Odile Ascher n'est pas un roman à l'eau de rose, bien au contraire, c'est, en dépit du style de l'auteure, alerte et joyeux, un roman à l'eau amère.
Maria, donne tout, s'oublie elle-même, renie les siens, sa culture polonaise, sa famille, tire un trait sur ses ambitions les plus légitimes, gâche ses talents et ses possibilités, le tout pour l'amour d'un bel officier russe. Celui-ci aime Maria, cela ne fait aucun doute, mais dans un égoïsme monstrueux dont il n'a même pas conscience. Avant de la mettre dans son lit, il oublie même de lui signaler un détail de sa biographie: il a déjà une épouse légitime, à Moscou, ce que Maria découvrira plus tard. Il empêche très naturellement sa compagne de travailler comme institutrice, une profession qu'elle aime, au nom de l'amour toujours. Quel piège pour Maria, qui ainsi aliène pour toujours non seulement sa sécurité financière mais aussi sa liberté personnelle !
Les personnages sont de leur époque, la fin du XIX°siècle et le début du XX° jusqu'en 1920. L'environnement social, les circonstances historiques particulièrement bouleversées, pèsent de tout leur poids sur leurs épaules, ce qui explique en partie leur comportement. En fait, ils sont aussi une femme et un homme de tous les temps : je gage que beaucoup de lectrices douées d'un altruisme en béton se reconnaîtront dans le personnage de Maria. Nombreuses encore aujourd'hui sont celles qui s'oublient elles-mêmes au nom de l'amour, alors que notre société actuelle tend à l'épanouissement individuel. Et des « Igor ,» hommes ou femmes, à l'égoïsme si profondément naturel qu'il ne leur vient pas à l'idée de se poser des questions, qui n'en a jamais rencontrés ?
L'autre intérêt du roman de
Marie-Odile Ascher est le contexte historique, bien documenté, avec une foule détails de la vie quotidienne, et jamais pesant. Il y a la vie à Varsovie sous occupation russe, l'esprit de résistance des Polonais, puis la lointaine Tachkent où on croise le chemin d'un grand duc en exil et celui d'un chaman aux pouvoirs mystérieux. . En 1914, le couple vit à Saint-Pétersbourg, Maria avale courageusement les couleuvres que lui vaut sa situation mais le pire guette : la première guerre mondiale éclate puis les bouleversements de la révolution Bolchevique. le roman nous fait assister à la révolution d'Octobre par les yeux d'une famille de la bourgeoisie déchirée en deux, le fils étudiant qui applaudit alors que le père est tsariste. On se réfugie en Crimée avec les Sandansky, dans des conditions rocambolesques, mais la guerre civile nous rattrape. On tremble en suivant les événements en spectateur, on apprend une foule de chose sans s'en rendre compte. Je connaissais la fin pour avoir lu, avec un grand intérêt,le passionnant
Pain Amer du même auteur, qui raconte l'histoire de la petite fille de Maria, un premier roman, très remarqué, récompensé de plusieurs prix.