. ne pas oublier que les gens ne vous pardonneront jamais le bien que vous leur avez fait. C'est là une constante de la loi d'ingratitude... Un bienfait ne reste jamais impuni
J’aime la langue française comme seule une étrangère peut l’aimer ; je l’aime pour sa tendresse et pour son exceptionnelle mémoire historique. Mais elle ne se laisse pas facilement habiter ; elle réclame un certain temps avant de permettre à l’étranger de s’y installer.
Rien ne console parce que rien ne remplace.
L'autre jour, alors qu'il recevait un écrivain qui s'est bizarrement mis en tête de voir ce que mes yeux ont vu, je l'ai entendu lui confier :
"Ce temps est révolu et ce n'est pas sans mal. La seule nostalgie qui m'anime est celle du Ferrières de mon enfance, une image toute de légèreté, d'insouscience et de bonheur dans un décor féerique. Le passé est le passé, les traditions doivent être adaptées."
… je ne m’explique pas que pour nous nos parents n’avaient que des certitudes alors que pour nos enfants nous n’avons que des inquiétudes. Pourquoi sommes-nous toujours en état de veille pour nos enfants quel que soit leur âge?
(Gallimard, p.201)
J'aime dans le présent le lien secret qu'il entretient avec le passé, et la douceur avec laquelle il nous renvoie aux instants les mieux enfouis d'une vie.
Il est indifférent de ne plus habiter une maison dès lors qu’elle vous habite.
Heinrich Heine était du premier cercle de nos intimes, partageant même notre table avec nos enfants. C'était un poète: là où un écrivain parlait d'une "robe verte", il évoquait "une robe d'herbe".
Il était à mes yeux le plus grand poète allemand vivant, mais pas le mieux placé pour le décréter et le premier d'origine juive.
Lui aussi changea de prénom, passant de Harry à Heinrich, allant jusqu'à se convertir sans trop y croire.
Etre invisible au monde, écouter dire et médire ceux qui vous croient éteinte à jamais, les regarder vivre est une joie plus intense encore que de voler dans le ciel à l'égal d'un oiseau.
Au fond, je ne saurai peut-être jamais ce qui m’embarrasse le plus lorsque je suis exposée à la vue du tout-venant, en l’occurrence plus de cinq mille personnes par jour, de l’ignorance au pas de course des visiteurs en troupeau, ou de la tyrannie des raffinés qui se donnent pour une élite.