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Critique de 4bis


Il se passe des choses vraiment étranges dans ma bibliothèque.
Il faut que je confesse d'abord être de ces femmes qui trouvent qu'un nouveau sujet ne peut (ne doit ?) s'appréhender qu'avec l'aide de livres. Comment préparer une marinade ? Mitonner un plat de lasagnes ? des bouquins ! Comment rendre les enfants propres ? Les ados épanouis et accortes ? Des livres ! Les carrés potagers ? La souffrance au travail ? Les robes en jersey, les oiseaux des jardins ? Des livres, des livres, des livres ! Il m'en faut aussi, c'est plus reconnu, pour la critique littéraire, la philosophie. La poésie, les romans, les bandes dessinées… Vous voyez le tableau ? Malgré d'incessants désherbages, de nombreux dons, des dépôts en boîtes à livres, des prêts que je ne reverrai pas, j'en suis au point qu'on pourrait presque étalonner la classification Dewey d'après mon salon...
Pour m'y retrouver, j'ai adopté un rangement par genres, et à l'intérieur de chacun, selon l'ordre alphabétique du nom des auteurs. Comme ça, à défaut de me souvenir toujours (hmm… presque jamais…) de ce que j'ai lu, j'ai au moins la facilité de savoir rapidement si l'ouvrage se trouve dans mes murs.
Ce préambule pour vous expliquer que La souris bleue, de Kate Atkinson, je l'ai rangée à côté de Transcription et L'homme est un dieu en ruine. Pas très loin d'Austen et d'Atwood. Est-ce que ceci explique cela ? J'avais acheté à ma libraire un roman policier. Il était réputé contenir 1°) un détective privé (Jackson Brodie), 2°) une enquête à Cambridge, 3°) une ou deux disparitions inquiétantes 4°) un assassinat non élucidé. Et puis, liste non exhaustive : des suspects, des preuves à charge, des alibis, des témoins, etc.
Est-ce que c'est la contagion qui a joué ? Est-ce qu'il existe un principe de porosité entre des oeuvres placées côte à côte sur une étagère ?
Comme si un sortilège s'était emparé de mon roman, l'intrigue policière qui s'y déroulait s'est ouverte de mille micro bifurcations, lardée de fantaisistes digressions n'apportant absolument rien à l'enquête mais tout au charme de ce livre. Ainsi la petite Olivia, trois ans, disparait une nuit d'été caniculaire tandis qu'elle dort sous la tente avec sa soeur Amélia. Pensez-vous que de connaître le motif du papier peint de sa chambre soit essentiel à l'enquête qui s'en suivra ?
Pour les curieux, il est orné de Humpty-Dumpty et de Little Miss Muffet, plutôt mal raccordés de l'aveu même du narrateur. Et il aurait pu être remplacé, toute chose égale par ailleurs, ce qui n'est jamais le cas, évidemment, surtout quand il s'agit d'une disparition sans doute mortelle, par « quelque chose de plus adulte – des fleurs ou peut-être des poneys, encore que n'importe quoi eût été préférable au rose sparadrap de la chambre partagée par Julia et Amélia, une couleur qui leur avait paru si prometteuse sur le nuancier et qui s'était avérée si inquiétante une fois au mur, et que leur mère avait déclaré n'avoir ni le temps, ni l'argent (ni surtout l'énergie) de changer. »
Vous voyez le truc ? Une malicieuse petite bonne femme a truffé mon polar de digressions sans queue ni tête ! Les fantasmes sexuels d'Amélie, les rêves du vieux chien de Victor, les pensées secrètes de Caroline à propos des enfants de son mari, les raisons qui ont poussé la vieille voisine à appeler son chat Niger, les goûts de Jackson pour la country désespérée, sa haine du salopard qui baise son ex-femme, tout ce qui ne se rapporte à aucune intrigue policière, nous le saurons !
Mais les choses ne s'arrêtent pas là. Il y a même, dans la Souris bleue, des personnages imaginaires… qui n'existent pas. Comprenez-moi bien, je sais que les personnages n'ont pas de réalité effective, qu'ils sont de papier. Mais je parle ici d'un protagoniste qui aura été inventé par un personnage de fiction. Et qui, malgré son inexistante patente, aura pourtant des personnalités différentes selon les individus auxquels on parlera de lui… Qu'il n'existe pas n'empêchera ainsi pas Henry de posséder une chatte du nom de Molly, de boire de la bière et de perdre ses cheveux. Allez mener une enquête policière avec ça !
Toutefois, cherchant à élucider ce nouveau mystère, je me suis avisée que La Souris bleue avait été rangée à l'aplomb de l'Affaire Jane Eyre duquel émanait un faible éclat quelques rayons plus bas (F comme Fforde, Jasper Fforde, entre Fielding – son Journal de Bridget Jones - et Flaubert, euh tout).
Là-voilà la clé de mon énigme ! Eureka ! tout s'explique !
Reste désormais à tenter de nouvelles expériences. Peut-être que mettre l'Ethique de Spinoza au contact des recettes d'Ottolenghi pourra donner quelque chose d'intéressant. le dernier jour d'un condamné avec Astérix chez les Bretons ? Ca supposerait de fiche en l'air ma fastidieuse organisation alphabétique mais si les résultats sont aussi enthousiasmants que ceux produits dans La Souris bleue, ça en vaut largement la peine. A suivre, les amis, à suivre !
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