Les voix ancestrales prophétisaient la guerre parce que les voix ancestrales ne se taisent jamais, qu'elles ont horreur d'avoir tort et que la guerre est une chose inévitable, tôt ou tard.
Sur une impulsion, il pourrait peut-être mourir pour elle, mais vivre pour elle serait tout à fait différent.
Les enfants se croient plus ou moins responsables de toutes les mauvaises choses et, en cela je ne faisais pas exception à la règle ; mais ils croient aussi aux dénouements heureux, même si tout penche en faveur du contraire et, en cela non plus je ne faisais pas exception à la règle.
Une guerre est un immense brasier ; les cendres qu’elle engendre sont entraînées très loin et redescendent très lentement.
Quand on est jeune, on croit que tout ce qu’on fait est jetable. On va de maintenant en maintenant, en froissant le temps qu’on a en main, en s’en débarrassant. On est son propre bolide. On croit qu’on peut se défaire des choses et des gens aussi - les laisser. On ne sait pas encore qu’ils ont la manie de revenir.
L’amour, c’est se regarder soi-même à travers une vitre couverte de buée. L’amour, c’est écarter certaines choses : là où la vie grogne et renifle, l’amour se contente de soupirer.
Je vois mon coeur tel le compagnon d’une interminable marche forcée où nous serions tous deux ligotés l’un à l’autre, conspirateurs malgré nous dans quelque complot ou tactique auxquels nous ne comprendrions rien. Où allons-nous ? Vers le jour suivant. Il ne m’échappe pas que l’objet qui me tient en vie est le même que celui qui me tuera. En ce sens, ça ressemble à de l’amour, ou à une certaine forme d’amour.
Les adieux peuvent être bouleversants, mais les retours sont sûrement pires. Jamais l’être de chair et de sang ne peut se mesurer à l’ombre vivre qu’a projetée son absence.
Chaque vie est un dépotoir déjà du temps où elle est vécue, et ça devient encore pire après.
Comment ai-je pu être aussi ignorante? se demande-t-elle. Aussi stupide, aussi aveugle, aussi portée à l’insouciance. Mais sans cette ignorance, sans cette insouciance, comment pourrions-nous vivre? Si on savait ce qu’il va se passer, si on savait tout ce qu’il va se passer ensuite – si on connaissait d’avance les conséquences de ses actes –, on serait condamné. On ne mangerait ni ne boirait ni ne rirait ni ne sortirait jamais de son lit le matin. On n’aimerait jamais personne, on n’aimerait jamais une seconde fois. On n’oserait jamais.
Tout ce qu’il lui reste, à présent, c’est la photo. Et l’histoire de la photo.