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Critique de Alzie


Alzie
13 novembre 2022
Très remonté Jean Christophe Bailly ; les dossiers fâcheux dénaturant ce qu'il nomme le « texte parisien » sont trop nombreux pour être tous énumérés ici et les habitués des rues et du ciel de Paris lecteurs de ce petit essai d'humeur y trouveront au-delà du verbe parfois polémique les éléments d'une réflexion critique intéressante sur la ville développée ailleurs (La phrase urbaine, Seuil, 2013). Colère de l'auteur (à laquelle on s'accorde) quand il constate qu'à la brutalité des années soixante - refonte destructrice des Halles (dont la dernière mouture n'est pas mieux réussie que les précédentes), des berges de la Seine, de la Place des fêtes pour ne citer que ces trois exemples -, succèdent de nouvelles formes d'atteintes à l'espace parisien d'aujourd'hui qu'il dénonce en les répertoriant au fil de haltes en courts chapitres (37 en tout) à travers les rues, les monuments et les arrondissements de la capitale. S'arrêtant devant la Samaritaine dont la façade a été conservée mais le bâtiment complètement évidé au profit d'un hôtel de luxe, regrettant l'ambiance perdue du passage Véro-Dodat ou imaginant voir scié en deux le Panthéon par son milieu comme l'avait proposé jadis T. Tzara, racontant la démolition du théâtre de l'Ambigu, la métamorphose ratée de la bourse du commerce, ancienne halle aux grains, jusqu'à sa dévolution actuelle à la collection d'art du richissime collectionneur que l'on sait. Exemples emblématiques de dénaturation du patrimoine par effacement et dévitalisation de bâtiments, voire d'ilots entiers, ou par restauration abusive à des fins privées gommant toute imprégnation du passé. Formes destructrices plus récentes, coups bas ou coups tordus (tours Duo ou Triangle), mais plus insidieuses qu'auparavant, selon lui, confiscatoires de lieux autrefois ouverts ou dédiés à tous (l'ancien hôpital Laennec).

D'où sa charge à l'encontre de la nouvelle « smart city » qu'il voit poindre grâce à l'alliance d'édiles paresseux, de mécènes trop voraces (seul le baron Taylor échappe à son ire) et d'architectes narcissiques. Mais à côté des endroits qu'il ne fréquente jamais ou plus, de ceux qu'il évite, ce que je préfère retenir de ma lecture sont les lieux qui restent nombreux où ses pas le ramènent toujours. C'est « L'intact ou le sauf » du « texte parisien », façon J. C. Bailly et la qualité d'un « livre errant » célébrant un Paris de toujours avec ce que ses pages délivrent d'infinie poésie, de mémoire, de liens anciens noués entre la ville et la littérature, avec Villon, Rousseau, et De Balzac à Modiano. L'envolée du génie dans le ciel de la Bastille, les dames de pierres qu'il affectionne au Luxembourg, le silence hors du temps de la rue des Archives au milieu du fracas de la guerre en Ukraine, le souvenir de quelques livres (« le Murmure de Paris », A. M. Ortese ; « Les tours de Notre Dame », H. Thomas), ou de lieux délaissés, ces charbonniers et marchands de glace qu'il fait revivre lâchant leurs charges sur le pavé des cours maintenant interdites par les digicodes, une petite place oubliée (Hébert), le Paris des boulevards, des romantiques, celui de Baudelaire puis des Surréalistes et son épicentre de la Porte Saint-Martin (Paris surréaliste qu'il estime volontairement effacé de la mémoire parisienne). Millefeuille littéraire et archéologique, avec juste ce qu'il faut de nostalgie, qui s'inscrit, des toits aux comptoirs des cafés (de moins en moins nombreux malheureusement), à la liste d'un patrimoine inaliénable, indissociable du zinc et de la couleur de la ville, gris-bleu, dont J. C. Bailly parle très bien.


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