«
Le murmure de Paris» est composé de récits de voyage effectués en train par
Anna Maria Ortese, récits qui relatent ses impressions et ses rencontres dans le train et dans cinq villes : Paris, Londres, Palerme, Gênes. A les parcourir on va d'enchantements en enchantements.
Car
Anna Maria Ortese c'est avant tout un regard qui a su garder une candeur enfantine, étonnée et bouleversée par la beauté fugace, toujours renouvelée du monde qu'elle décrit comme dans un rêve coloré.
Paris :
p 31« L'eau et l'air s'en allaient par-dessous ses trente ponts, et des barques coloriées, et des péniches peintes avec des pavillons, et la foule, et des lumières. Et tout autour, quand l'oeil réussissait à embrasser les deux rives à la fois, il y avait des arbres transparents sous la nouvelle lune, une lune verte, et Paris s'élevait (ou avait l'air de s'élever ?), oui, petit à petit il s'élevait, quittait la terre, se perdait dans le ciel.»
Arrivée à Palerme
p 84 «La ville qui, le matin, depuis la mer, m'était apparue modeste, quelconque, sans même élever un cri, une voix, s'étaient merveilleusement animée. de forts beaux jeunes gens et des femmes allaient et venaient, continuellement, sur les trottoirs, en conversant sur un ton vague et bas, avec une langueur de cygnes. Et les cloches ! Et ce parfum aigu de vanille, d'amande, de mandarine ! La ville ressemblait à une tarte lisse, blanche, verte et jaune de durs fruits confits. Oui, elle est peut-être trop sucrée.»
Elle est aussi attentive aux êtres qu'elle croise qu'ils partagent un compartiment de train ou qu'elles les côtoient dans la rue, dans un café, chez des amis. Elle sait deviner leur souffrance et elle les entourent, les caressent en employant des mots bouleversants de douceur et de délicatesse et empreints de bonté ; oui, de bonté un mot qui n'est plus beaucoup utilisé par les temps qui courent.
Ainsi de Roger qu‘elle entrevoit dans la cuisine chez son ancien professeur de piano, Roger un coeur simple qui, à trente ans, reste un enfant.
«Roger n'avait pas beaucoup grandi, il était resté un petit garçon ; un enfant du Paradis, tout simplement.
Sa petite silhouette (celle d'un garçon de douze ans) s'achevait par une tête presque rouge, fine, avec deux yeux plein de joie et de silence, pleins d'un rire humble et d'une antique stupeur. Des yeux gais, sans histoire, et avec toutes les histoires possibles ; sans espoir, et cependant brillants de paix, d'amour. Comment cela pouvait se faire, je ne le comprenais pas.»p 44
Je laisse la parole à Claude Schmitt qui préface ce livre pour qu'il achève de vous convaincre de lire
Anna Maria Ortese, une grande dame solitaire et humble.
«Nuages. Des diverses hallucinations dont les récits d'
Anna Maria Ortese sont le recueil infiniment troublant, la mutabilité du ciel est le plus souvent cause. le livre est comme parcouru de nuées qui métamorphosent sans cesse les lieux, les objets, les êtres, l'âme du narrateur, son regard sur les choses, sa confiance dans l'être humain, sa peur. Rien de confortable, rien d'assuré pour cet éternel voyageur sur la terre.