Je ne sais pas vraiment quoi dire. Je suis ressortie à la fois triste et songeuse après la lecture.
Je peux commencer par souligner la très grande qualité d'écriture. Nous alternons entre le présent de François en 2019 et les souvenirs consignés de Roxanne de sa rentrée de 2017 jusqu'en janvier 2018, jusqu'à "l'accident". Et si la narration du côté de François est classique (mais tout aussi qualitative), du côté de Roxanne il y a un bel exercice puisque cette dernière écrit en slam/rap, absolument tout est en rimes, il a dû falloir un temps fou pour travailler ces parties là sans compter qu'il aura fallu rentrer dans la peau d'une adolescente et, je crois, que c'est une phase de notre vie dont on finit un peu par oublier les réelles aspérités. On finit par oublier les blessures à vifs pour en garder un souvenir ému (plus ou moins selon les expériences), flou, distancié.
Vanessa Bamberger ravive les souvenirs des angoisses de la réussite pour ceux d'entre nous qui ont été concernés par elles et, l'ayant subit dans une moindre mesure par rapport à Roxanne, je ne peux qu'éprouver de la compassion. L'autrice essaye de se coller à une jeunesse qui vit avec un monde de travers, qui se meurt tout doucement par tous les côtés, dont les violences se multiplient, l'avenir incertain mais l'objectif de l'excellence quoi qu'il en coûte parce qu'aujourd'hui la société a échoué : il ne reste plus que les riches et tous les autres.
Elle ravive aussi l'insécurité, les changements, l'acné, comment la moindre différence, la plus petite singularité (ici son nez) peut générer de souffrance dans une jeunesse ou tout n'est que paraître.
Finalement elle oppose ces mal-être adolescent à la vision biaisé des adultes qui minimisent, désacralisent, par le biais de leur propre expérience, réussie puisqu'eux sont là.
Ces adultes qui, à l'image de François, reproduisent parfois une maltraitance qu'ils ont eux-mêmes subie sans s'en rendre compte. Des adultes aveugles à la dérive de toute une génération qui ne comprend pas bien où on l'emmène et si elle doit véritablement y aller.
Et François, cet homme droit, carré, honnête qui, le temps d'un instant, a dérogé à ses principes pour rendre service, pour aider, se retrouve confronté à devoir rendre des comptes sur ce qui pouvait arriver de pire.
A qui la faute ? Une négligence relative puisqu'il a posé toutes les questions qu'il pouvait et mis en garde ? le père qui a mentit sciemment pour "aider" sa fille lui aussi ? La mère qui s'est peut-être trop interposée sans écouter réellement les besoins de l'adolescente ? Les deux parents et leurs sacro-sainte vision de la réussite avec l'objectif impératif de rentrer en prépa ? La pression des profs ? Méprisants, belliqueux, humiliants on les a tous connu ces profs là aussi. Les amis qui trahissent, la première relation amoureuse qui défaille.
La justice devra trancher mais finalement, tout l'intérêt du livre est de démontrer comme il est écrit dans le livre à un moment donné : les causes sont plurielles, les gestes désespérés n'ont jamais une seule raison, un seul facteur. J'en retiens surtout qu'il faut se concentrer sur l'essentiel : la bienveillance, l'écoute de nos proches et un travail sur soi essentiel : ne pas transposer nos désirs et notre vision sur les autres, même en pensant faire bien. Croire qu'on sait mieux que l'autre ce dont il a besoin, même quand c'est son enfant, est une erreur tragique et trop commune.
Ce livre m'a personnellement rappelé à quel point j'avais eu de la chance d'avoir des parents qui m'ont écouté, qui n'ont pas eu d'ambition à ma place et ont su m'aimer telle que j'étais : leur fille tout simplement. L'ouvrage s'achève d'ailleurs ainsi, sur François qui attend encore l'issu des procès mais qui a su tirer la seule leçon qu'il fallait retenir : son fils est là, il est vivant et tout ce qu'il peut faire pour lui c'est l'aimer.