C'est un roman porté par la grâce.
Un roman dont la lenteur et la minutie vous imprègnent d'une doux ravissement, et de l'envie que cela ne s'arrête jamais.
Un roman qui vous enveloppe et vous envoûte, phrase après phrase, sans que vous sachiez où il vous emmène, mais ce n'est pas la destination qui importe, ici, ce sont les chemins empruntés.
Les jours clairs, ce sont ceux de l'enfance, plus précisément l'enfance d'Aja, de Karl et de Seri, la narratrice, dont la voix nous replonge dans les souvenirs de leurs jeunes années passées à Kirchblüt, petite ville d'Allemagne du sud, où ils avaient noué une amitié solaire.
Au centre du trio, Aja, petite fille dont la singularité attire et séduit, et Evi, sa mère, une maman pas comme les autres, aussi grande qu'Aja est petite, qui parle avec un accent et ne prend même pas la peine de camoufler les bleus que sa maladresse parsème sur ses jambes, qui marche comme si le monde devait naturellement s'écarter devant elle. Evi la bienveillante et la discrète, sans cesse préoccupée du bien-être des autres, dont la simplicité et la gaieté agissent comme un aimant sur tous les enfants de Kirchblüt, qui se retrouvent immanquablement, aux beaux jours, devant le portail branlant de sa bicoque pourtant située aux confins de la ville.
Les jours clairs, ce sont ceux du bonheur, dont l'écrin fut le jardin d'Evi, avec ses tilleuls entre les branches desquels avaient été tendus des draps pour que les enfants s'y balancent, ses poiriers et ses coquelicots, et surtout, les échos laissés par les rires et les cris des trois jeunes amis, par le souffle de leurs silhouettes bondissantes. Un bonheur à son comble lorsque Zigi, le père d'Aja, était de retour. Travaillant le reste de l'année dans un cirque, de l'autre côté de l'atlantique, le printemps le faisait rentrer à Kirchblüt, le temps de retaper vaguement la maisonnette familiale, d'apprendre à Aja à faire du vélo, d'émerveiller tous les enfants de la bourgade en jonglant avec des assiettes ou en marchant sur les mains. A l'automne, il repartait sur une dernière pirouette, les pieds glissés dans ses chaussures sans chaussettes, semant dans le coeur de sa petite fille une amère tristesse.
Les mères s'apprivoisent elles aussi peu à peu, font céder cette distance inconnue des enfants, mais que s'imposent les adultes face à l'inconnu, et à la différence. Evi, Ellen et Maria forment ainsi un second trio, placé sous les auspices de l'entraide et de la sollicitude, unissant leurs solitudes sans jamais se montrer intrusives. A eux tous, ils forment comme un microcosme protégé des agressions extérieures par l'indéfectible solidarité qui les unit, et qui leur permettra de surmonter les tragédies passées ou à venir.
Avec une pudeur et une délicatesse qui confèrent au texte son ensorcelante douceur,
Zsuzsa Bánk fait affleurer, sous la lumière de la candeur enfantine, le retentissement des drames qui touchent ses personnages, et parvient à nous faire toucher l'indicible du doigt, la capacité des êtres à recomposer le monde et le temps pour surmonter leurs fêlures, la façon dont les acquis de l'enfance -les amitiés, les moments de joie, mais aussi de douleur- constituent les fondations qui vous portent et vous déterminent.
Un grand moment de beauté et d'émotion...
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