Georges Banut né en Roumanie, et décédé à l'âge de 80 ans, il y a quelques mois est un des meilleurs connaisseurs et commentateurs du
théâtre contemporain, par les différentes responsabilités qu'il a assurées dans le monde du
théâtre. Ni acteur, ni metteur en scène, mais « spectateur éclairé »,lié à une culture et une mémoire exceptionnelles, il tire cette riche expérience et une réflexion originale et pertinente du fait de ses contacts avec tous les grands maitres du
théâtre contemporain, en Europe. Il était professeur à la Sorbonne, Paris III (études théâtrales) et a publié une cinquantaine d'ouvrages, nourris de cette expérience. Parmi ceux-là, il faut rappeler des essais très remarqués sur
Shakespeare,
Tchekhov,
Brecht, Yannis Kokkos, le Nô japonais (l'acteur qui ne revient pas)… J'avais particulièrement apprécié son livre sur l'historique des différentes mises en scène de «
La Cerisaie »,qui est une belle illustration de l'histoire de la représentation théâtrale, telle qu'elle est proposée au public et inspirée par une époque. Il y a un peu plus d'un an est paru « Les récits d'Horacio : portraits et aveux des maitres du
théâtre contemporain », comme des mémoires de toutes ses rencontres privilégiées. L'ouvrage récent, qui est posthume s'inscrit dans la même veine, reprend quelques articles déjà publiés, mais très largement complétés par des apports originaux, pour donner une vue en surplomb des grandes lignes de continuité dans la mise en scène du
théâtre contemporain, mais en faisant aussi apparaitre les points de rupture imposées par le contexte social, politique et par les avancées techniques. Ainsi, en une trentaine de chapitres, on verra présentés et débattus, avec fascination souvent, avec critique parfois les grands thèmes de cette modernité, par exemple :l'importance du collectif dans la création, le rôle incertain de la dramaturgie, le mélange des langues sur la scène, le corps travesti ou malade, l'impact des guerres, la mise en
théâtre des romans, l'intervention du cinéma, de la musique au
théâtre…Toute cette réflexion est argumentée par l'évocation des grands maitres :plus anciens comme
Jerzy Grotowski, Michael Gruber,
Tadeusz Kantor,
Peter Stein,
Patrice Chéreau,
Giorgio Strehler, ou plus contemporains :
Ariane Mnouchkine,
Ivo van Hove,
Thomas Ostermeier, Stéphane Braunschweig, et bien sûr le grand
Peter Brook dont il fut le familier.
Le dernier chapitre est intitulé : Mettre un terme et consacré à la décision de la mise en retrait des créateurs (la retraite ?), avec les derniers mots :
« Et moi, qui ne suis pas artiste, quand vais-je mettre un terme ? » …
Merci à l'auteur d'avoir pris le temps de ce livre testamentaire, qui devrait intéresser le monde du
théâtre et le grand public.