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EAN : 9782377690985
248 pages
Deuxième époque (12/05/2022)
4.33/5   3 notes
Résumé :
L'esprit du temps , Zeitgeist, c'est ce qui se dégage à un moment donné et que certains artistes pressentent grâce à une sensibilité toute particulière ; L'esprit du temps - c'est ce qui ne s'est pas encore affirmé de manière explicite mais qui entraînera des mutations dans le monde et l’art . Le défi consiste à le saisir dans sa dynamique première avant qu'ils s'immobilise et se constitue en mode qui, elle, tient plutôt de l’esprit de l’instant. L'esprit du temps s... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
« Ni myope ni presbyte ! » Georges Banu nous propose des réflexions et des pistes de réflexion fort intéressantes, que résume si bien la phrase de Guy Freixe directeur de la collection « à la croisée des arts » et préfacier de cet ouvrage : « Le “même” et le “différent” pour retrouver ce qui perdure et se réjouir de ce qui se transforme ».

Nous avons ici, tout d'abord, (et je tiens à le souligner) un très bel objet livresque : un ouvrage édité avec le plus grand soin qui mentionne à la fin y compris les noms des correcteurs, qui comporte plusieurs photos de spectacles sur papier glacé et une belle couverture évocatrice précisément de cette dialectique de la permanence de la transformation, symbole de l'esprit du temps.

Je tiens aussi à préciser que dans les 275 pages rédigées dans un style à la fois élégant, érudit et néanmoins clair, je n'ai repéré qu'une seule coquille (minuscule imperfection qui rend le corpus de textes si attachant !) à la page 7 : le premier e de Georges manque.

Remarquable est également la structure de ses trente chapitres dont une moitié totalement inédite divisée en quatre parties comportant respectivement les titres « préliminaires théoriques », « défis esthétiques » « mutations pratiques » et « interrogations finales ».

Parmi les problématiques que l'auteur et critique de théâtre maîtrise à la perfection, j'ai beaucoup apprécié le questionnement sur l'exil et le metteur en scène : « Un écrivain et un musicien ne se confrontent pas aux mêmes écueils à l'étranger et ne sont pas appelés à surmonter des épreuves similaires. Il en va de même pour un sculpteur ou un plasticien guère dépendant des mots et de leur syntaxe… » (p. 213). Si « l'exil implique une douleur, un arrachement et un face-à-face sans concessions avec le contexte d'accueil érigé en destin » Georges Banu opère naturellement une « distinction entre l'exil comme condition, imposée ou décidée, mais toujours à long terme, et le fait de travailler à l'étranger pour honorer des contrats ». Parmi ce qu'il appelle « des héros singuliers » il évoque l'exemple du Roumain Andrei Șerban et d'autres de ses compatriotes avec la même lucidité : « La mouvance romaine fut reconnue, mais elle resta diffuse ! » ou « Les artistes roumains à l'étranger ne sont pas parvenus à imposer une école, à affirmer un style ou à dégager une identité » (p. 226).

La photo de l'auteur prise en mai 2022 devant « La Colonne sans fin » de Constantin Brancusi, à Târgi Jiu, en Roumanie, prend tout son sens grâce au texte « Le théâtre et ses mouvements rythmiques » : « La figure qui cristallise avec génie cette succession des losanges que j'assimile au processus alternatif propre à l'art occidental, c'est “La Colonne sans fin” de Brancusi qui la représente. Alors que je la regardais un jour, couché à son pied, elle s'est imposée comme graphe visuel qui relie le même et le différent. » (p. 28). La succession infinie des rhombes comme image de la répétition, Georges Banu nous « convie » à « l'intégrer » « dans l'art aussi bien que dans la vie ».

La même proximité entre l'auteur et son lecteur je l'ai ressentie à plusieurs reprises comme dans cet autre passage sur « Le Zeitgeist et l'âge » (p. 20) : « percevoir l'esprit du temps implique une certaine ouverture à ce qui advient, et cela se manifeste comme un symptôme de jeunesse » et de ce que j'ai éprouvé à la lecture des trois titres lus de cet auteur, son âme était restée éternellement jeune, malgré le poids des années, et de l'expérience théâtrale.

Beaucoup d'autres passages se lisent « à travers les lames » et leur pouvoir poétique, comme cette confession sur la « sécurité identitaire » que procure la langue, dans « Le mur lézardé des langues » : « à travers l'errance, la langue est la seule patrie intérieure ! Exilé de Roumanie, à l'heure du retour, vingt ans plus tard, à une kiosque de journaux, en parlant avec la marchande, j'ai éprouvé l'appartenance à l'identité première, identité confirmée par le maniement de la langue », ou bien cet autre aveu « le critique, de même que l'écrivain ou le metteur en scène avaient droit à la biographie et qu'il lui revenait, par honnêteté, d'en témoigner. le double mouvement d'un sujet qui change et d'un objet qui se modifie, d'un je inscrit dans le temps et d'une scène soumise aux métamorphoses entretient la vie du discours critique » (p. 251).

Une magnifique invitation à aimer le théâtre, que je conseille les yeux fermés.
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Georges Banut né en Roumanie, et décédé à l'âge de 80 ans, il y a quelques mois est un des meilleurs connaisseurs et commentateurs du théâtre contemporain, par les différentes responsabilités qu'il a assurées dans le monde du théâtre. Ni acteur, ni metteur en scène, mais « spectateur éclairé »,lié à une culture et une mémoire exceptionnelles, il tire cette riche expérience et une réflexion originale et pertinente du fait de ses contacts avec tous les grands maitres du théâtre contemporain, en Europe. Il était professeur à la Sorbonne, Paris III (études théâtrales) et a publié une cinquantaine d'ouvrages, nourris de cette expérience. Parmi ceux-là, il faut rappeler des essais très remarqués sur Shakespeare, Tchekhov, Brecht, Yannis Kokkos, le Nô japonais (l'acteur qui ne revient pas)… J'avais particulièrement apprécié son livre sur l'historique des différentes mises en scène de « La Cerisaie »,qui est une belle illustration de l'histoire de la représentation théâtrale, telle qu'elle est proposée au public et inspirée par une époque. Il y a un peu plus d'un an est paru « Les récits d'Horacio : portraits et aveux des maitres du théâtre contemporain », comme des mémoires de toutes ses rencontres privilégiées. L'ouvrage récent, qui est posthume s'inscrit dans la même veine, reprend quelques articles déjà publiés, mais très largement complétés par des apports originaux, pour donner une vue en surplomb des grandes lignes de continuité dans la mise en scène du théâtre contemporain, mais en faisant aussi apparaitre les points de rupture imposées par le contexte social, politique et par les avancées techniques. Ainsi, en une trentaine de chapitres, on verra présentés et débattus, avec fascination souvent, avec critique parfois les grands thèmes de cette modernité, par exemple :l'importance du collectif dans la création, le rôle incertain de la dramaturgie, le mélange des langues sur la scène, le corps travesti ou malade, l'impact des guerres, la mise en théâtre des romans, l'intervention du cinéma, de la musique au théâtre…Toute cette réflexion est argumentée par l'évocation des grands maitres :plus anciens comme Jerzy Grotowski, Michael Gruber, Tadeusz Kantor, Peter Stein, Patrice Chéreau, Giorgio Strehler, ou plus contemporains :Ariane Mnouchkine, Ivo van Hove, Thomas Ostermeier, Stéphane Braunschweig, et bien sûr le grand Peter Brook dont il fut le familier.
Le dernier chapitre est intitulé : Mettre un terme et consacré à la décision de la mise en retrait des créateurs (la retraite ?), avec les derniers mots :
« Et moi, qui ne suis pas artiste, quand vais-je mettre un terme ? » …
Merci à l'auteur d'avoir pris le temps de ce livre testamentaire, qui devrait intéresser le monde du théâtre et le grand public.
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Dans le cadre de masse critique, j'ai souhaité recevoir ce livre en tant qu'élève d'un cours de théâtre dans l'académie de ma région.
Je remercie Babélio ainsi que "Deuxième époque" de m'avoir choisie.
J'avoue que je ne connaissais pas l'auteur. Il est décrit, sur internet, comme un expert des arts de la scène. Un monsieur d'une grande érudition doublée d'une grande bienveillance.
Et cela transparait au travers de son essai.
En effet, il est indéniable que ce monsieur sait de quoi il parle. Il analyse l'évolution du théâtre sous toutes ses facettes : le théâtre du dedans, celui du dehors, le théâtre du grand, celui du petit, les pratiques théâtrales.... Tout y passe.
Pour une néophyte comme moi, la compréhension de l'analyse est à ce point précise qu'elle n'est pas facilement accessible. Même si, évidement, je vois la différence entre le théâtre classique et le théâtre contemporain et, qu'en effet, ce que Georges Banu décrit comme "l'esprit du temps" est tout à fait perceptible.
En tout cas, même si cet essai est réservé à un public "formé", il n'en reste pas moins qu'il est tout à fait intéressant pour des profanes.
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Citations et extraits (18) Voir plus Ajouter une citation
Cet exercice [un monologue et non pas un récit à plusieurs voix] peut se dissocier du registre dramatique, et surprendre autrement, car le grand acteur roumain Marcel Iureș, mis en scène par Alexandru Dabija, a ébloui lorsqu’il a conté les histoires d’Ion Creangă, en conviant des personnages, en conservant les commentaires de l’auteur, en suscitant un rire libérateur grâce, justement, à l’irrespect de toute frontière. Seul en scène, il animait un monde ! Non pas un monde avec des héros mythiques, mais un monde de gens ordinaires qui, successivement, s’animaient devant nous prenait vie par la force détonante des mots et du génie d’un acteur… seul, conteur parfait !

(p. 235)
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Georges Banu a été pour nous, gens de théâtre, un éclaireur qui a su, avec finesse et perspicacité, restituer le récit de la scène moderne dont il a été plus qu'un spectateur-témoin, un de ses fervents acteurs, sur la ligne de crête entre théâtre et vie. Il en a brillamment décrypté les arcanes, exalté sa grandeur sans en méconnaître les misères, analysé ses pouvoirs et ses séductions, scruté ses paradoxes les plus subtiles.
Il avait accompagné depuis tant d'années la scène contemporaine de son regard pénétrant qu'on a du mal à imaginer une « Cerisaie » qui ne soit pas relayée par sa réflexion critique, un Shakespeare qui ne soit pas mis en dialogue avec les grandes créations du passé dont il était la mémoire. À lui seul, Georges Banu était une bibliothèque du théâtre !

(p. 7, extrait de la préface de Guy Freixe)
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L'écrivain et l'acteur en exil procèdent à des choix individuels et leurs défis s'apparentent. Ils livrent combat avec la langue ! Aussi bien celle d'accueil que celle de départ qui, souterrainement, repousse pareille à « une mauvaise herbe », m'a mis en garde un jour Emil Cioran. Comment jouer ? Comment écrire à l'étranger ? Comment se débrouiller en « Arlequin valet de deux langues » ?

(p. 217)
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Le théâtre, pour agir, et non pas pour s’exposer seulement, aura à jamais besoin des mots et, forcément, de la langue. Le mur des langues, il ne s’agit pas de l’anéantir, mais de l’intégrer. Nous parvenons au comble du théâtre lorsque, sans l’abandonner, celui-ci parvient à le surmonter. Alors, réunis, nous nous retrouvons non pas autour d’un corps muet, mais autour des acteurs éloquents nous nous suivons la pensée et nous éprouvons les émotions. La langue permet au théâtre de s’affirmer comme une expérience de la complétude. Double de la vie.

(p. 143)
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Une émotion s’est emparée de moi lorsque, dans le jury de sélection organisé par un ami, Andrei Șerban, créateur de la célèbre « Trilogie antique », a invité les candidats à passer « de la parole aux chants : sous l’emprise de cette découverte, le glissement révélateur constitua l’objet de l’un des événements les plus accomplis organisés dans les années quatre-vingt-dix par l’Académie expérimentale des théâtres.
[…]
Les mots et les chants s’épousent et permettent le passage d’une rive à l’autre en entraînant le spectateur sur le fleuve de l’émotion suscitée par ce frottement, par l’incertitude du bord à bord qui permet la traversée si subtilement pratiquée.

(p. 153)
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Videos de Georges Banu (12) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Georges Banu
Rencontre avec Wajdi Mouawad et Marcel BozonnetÀ l'heure où le rôle et l'avenir de l'Europe font l'objet de nombreuses controverses et où le spectacle vivant subit de plein fouet la crise sanitaire, un nouveau cycle de conférences donne la parole à des figures emblématiques de la scène contemporaine.Georges Banu, professeur émérite à l'université Sorbonne Nouvelle Paris 3 et Joël Huthwohl, directeur du département des Arts du spectacle de la BnF, reçoivent les metteurs en scène Wajdi Mouawad et Marcel Bozonnet.Rencontre enregistrée le 16 février 2022 à la BnF I François-Mitterrand
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