Le chagrin de la guerre
Si à propos de la guerre et des retours des combattants, des survivants, tu veux t'en prendre plein le coeur, plein en tous tes organes, ouvre les pages de ce livre.
Et lis, l'histoire de Kien dont la mémoire se dilue, se disperse, se dilate, se rétracte, se consume, Kien qui survit à dix années de guerre et qui meurt à ces dix années. Sur ce plan, le livre m'a forcément ramené à «
Après » de
E.M. Remarque. Mais, là, c'est pire… (quel terme). Car non seulement Kien vit ces dix années entre 1965 et 1975… mais ensuite il est ramasseur d'os…On ne peut imaginer ce qu'il a vécu. Et pourtant, il a survécu, il est revenu.
Le livre raconte la vie de Kien. Avec des ruptures dans le temps qui sont autant de fractures dans la mémoire de Kien, et autant de blessures dans sa vie émotive.
La lecture est parfois compliquée. Une fois qu'on a compris ces fractures et le « jeu » de la mémoire de Kien, on entre dans les méandres de cette mémoire, et on souffre. Oui, car la beauté de ce roman est qu'il réussit à emmener le lecteur dans la souffrance de la mémoire. Atrocement racontée par le père de Kien qui avant de mourir, brûle toutes ses peintures, toute son oeuvre, efface ainsi toute sa vie, comme si cela suffisait à enlever la mémoire.
A travers le labyrinthe de la mémoire de Kien, une mémoire, souffrante, pathologique, douloureuse, torturée, tortueuse, nous suivons, une histoire de la guerre, la seconde, du Vietnam. Celle qui a détruit les Vietnamiens pour dix ans, encore, entre 1965 et 1975.
L'oeuvre est malheureusement universelle… toute guerre, et toute guerre pour l'indépendance et la souveraineté, est terrible mais légitime.
Toute emprise colonisatrice est violente, illégitime et condamnable et mérite d'être combattue.
C'est ce que nous rappelle, à travers une guerre déjà oubliée, l'auteur.
ET c'est bien écrit, l'auteur sait remuer les émotions, sait remettre les choses en ordre, sait montrer que la guerre c'est atroce, c'est le déchirement des chairs, l'odeur des chairs brûlées, il est nécessaire de rappeler cela. Il n'y a pas de guerres propres. Tout est dégoûtant dans la guerre.