Petit craquage en librairie car la couverture m'avait attirée… mais je ne connaissais pas du tout cet auteur qui semble pourtant pas mal productif : je n'ai pu résister à me l'offrir. Et waouh ! je suis bluffée ! On a là un thriller psychologique intense et surprenant.
L'histoire commence directement sur les chapeaux de roue, et ne laisse quasi jamais le lecteur respirer, sans pour autant l'asphyxier non plus. Il y a une tension constante et qui va même crescendo, mais pas de scène spectaculaire, et pourtant ce n'est jamais lassant. Je dirais même que la plus grande partie du livre (les deux premiers tiers, voire un peu plus) raconte une histoire relativement linéaire : on suit le cheminement de Paul avec un intérêt croissant ; on s'interroge sur les indices semés çà et là et on se fait peu à peu une idée de qui pourrait être en cause, mais sans jamais aucune certitude, car d'autres éléments semblent indiquer le contraire…
C'est un peu comme si l'auteur jouait avec le lecteur : devinera, devinera pas ? mais au final c'est lui, et lui seul, qui tient toutes les ficelles, et nous mène par le bout du nez… pour notre plus grand plaisir !
A mes yeux (de simple lectrice, je n'ai rien d'une spécialiste), la réussite de ce livre tient à deux éléments principaux. D'une part, l'analyse des relations entre les personnages est ciselée avec une grande finesse alors que, paradoxalement, je n'ai pas trouvé les personnages en tant que tels extrêmement fouillés. On prend leur histoire au moment M, on a quelques vagues éléments de leur biographie, juste ce qu'il faut pour qu'on les considère comme des gens normaux, le type d'à côté qu'on croise tous les jours et à qui on dit bonjour car on le trouve sympa, mais dont on ne sait rien au final. En revanche, les interactions des uns avec les autres sont présentées avec une minutie extraordinaire : on joue un peu au voyeur, on les regarde avec un bout de sourire aux lèvres ou avec des frissons ; on est entré chez eux dans leur quotidien, dans leur maison, dans leur voiture. L'auteur nous invite vraiment au milieu d'eux comme un personnage invisible qui compte les points, qui mène l'enquête avec Paul, qui se demande s'il va finir par craquer pour sa psy un peu fragile (et réciproquement) et aurait presque envie que la réponse soit oui… mais au final on se perd quand même. C'est du grand art !
D'autre part, l'écriture est très rythmée, et bénéficie d'effets qui accentuent ce tempo. Je pense notamment au fait que tout est présenté par un narrateur omniscient, mais qui se penche tour à tour sur les différents personnages (essentiellement sur Paul, sur son épouse Charlotte ou sur Anna la psy, mais aussi sur plusieurs autres) avec une telle « proximité » à chaque fois, qu'on a l'impression de lire un véritable roman choral. Or, ce sentiment d'avoir le point de vue des uns et des autres à tour de rôle donne une dynamique incontestable au roman. Et je pense aussi à cette façon de raconter les événements :
Linwood Barclay alterne des scènes où il « montre » les événements (comme je disais plus haut : on a vraiment l'impression d'y être avec les protagonistes), avec des dialogues entre ces personnages, où ils parlent entre eux d'un quelconque événement marquant qui s'est passé dans leur passé plus ou moins récent. Et là, l'effet est au moins aussi marquant, car ces personnages parlent alors forcément de quelque chose qu'ils connaissent – mais le lecteur pas encore ! Dès lors, on se fait des conjectures, on suit le dialogue avec l'avidité de l'enquêteur sur le point de résoudre son énigme, et tout à coup, au détour d'un mot, d'une phrase, paf on a compris et on est tout content… pour que la phrase suivante démente aussitôt le schéma qu'on s'était fait. Alors on continue pour en savoir plus, et on ne peut plus s'arrêter.
Ce livre est un page-turner au sens littéral du terme - mon traducteur en ligne préféré propose « livre passionnant », ah ah ! ce n'est pas faux mais c'est plus que ça : on ne peut plus s'arrêter de tourner les pages, et à force de les faire défiler on a presque la sensation de cette encore qui colle aux doigts… comme j'ai parfois eu autrefois avec cette vieille machine à écrire sur laquelle ma maman écrivait ses lettres officielles. Cette vieille machine sur laquelle j'ai usé mes doigts lors de mes tout premiers cours de dactylo, avant que mes parents me fassent le cadeau d'une « machine électronique », une révolution à l'époque ! Cette machine qui, dans le livre, devient vraiment un personnage à part entière – mention, d'ailleurs, pour la rencontre de l'antiquité avec le gamin de 9 ans : non seulement c'était « montré » avec cette excellence déjà relevée, mais en plus je voyais tellement mon petit de 8 ans (ou même mes ados) dans une situation similaire, à mourir de rire !
Ainsi donc, on est très loin d'un thriller angoissant ou ultra-palpitant, ceux qui espèrent du sang et des boyaux (même s'il y en a un peu), passez votre chemin ! Mais l'auteur mène un jeu psychologique endiablé et soutenu, à la façon d'un marionnettiste surdoué un peu fou, dont on attend une nouvelle surprise au détour de chaque page… car au final le lecteur est l'un de ses pantins au même titre que les personnages du livre. Un régal !