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Critique de gerardmuller


La faim du tigre/René Barjavel
Après avoir lu et relu dans ma jeunesse les oeuvres les plus connues de René Barjavel, « Ravage », « La nuit des temps », « le voyageur imprudent », « le diable l'emporte », « le grand secret », je relis aujourd'hui cette suite de réflexions sur la vie qui m'avait enthousiasmé naguère.
Publié en 1966, ce recueil allie candeur et réflexion profonde : les questions essentielles sont posées ; les réponses échappent il faut bien le reconnaître.
Avec un certain humour, Barjavel nous livre ici quelques belles pages toutes simples qui nous rappellent que « la matière vivante ne semble pas avoir d'autre raison d'être que de s'étendre dans l'espace et se perpétuer dans le temps… »
En particulier, « l'homme doit donner la vie qu'il a reçue, il ne sert qu'à cela, il naît, pense, travaille, se bat, souffre uniquement pour cela, et s'il meurt sans l'avoir fait, d'autres l'ont fait autour de lui, son existence inutile ne compte pas plus que son existence utile, ce qui compte, c'est la vie de l'espèce. »
Une arme toute puissante va interférer chez l'humain : le plaisir de l'amour. Et l'amour, c'est l'oubli de soi. le piège n'est pas loin qui va se refermer.
L'auteur aborde ensuite la question sous l'angle de la nécessité puis du hasard: « l'organisation du vivant ne s'est pas faire par nécessité pour défendre la vie. » La cellule initiale était mieux armée pour se défendre qu'un organisme multicellulaire. Et cette progression dans la complexification de la vie « ne peut pas être le fait du hasard, car hasard et progrès ne sont pas compatibles. »
Pour l'auteur, l'évolution était déjà tout entière contenue dans la première cellule.
Paradoxalement, plus les conditions sont effroyables pour l'espèce, plus elle est prolifique.
La vie reste un miracle et Barjavel se demande « s'il existe une fin vers laquelle tendent l'énergie prodigieuse, l'organisation impitoyable, les perpétuels et éblouissants miracles de la vie. »
Il prend comme exemple la parfaite conception d'une oreille, son anatomie et sa physiologie. Un outil d'une perfection inouïe. Et il ajoute :
« Il faut être singulièrement facile à contenter pour accepter de voir dans la simplification harmonieuse de son aménagement général, le raffinement de ses détails, la diversité de son fonctionnement mécanique, acoustique, électrique, chimique, séreux, sanguin, conjonctif, osseux, musculaire, nerveux, liquide, solide, gazeux…le résultat chanceux de mutations hasardeuses…Le hasard ne conçoit pas, n'ajuste pas, n'organise pas….L'examen de notre univers sans parti pris impose à notre logique la conclusion qu'il est le fruit d'une intelligence inventive et d'une volonté planificatrice. »
Attention, le mot Dieu est banni et les religions exécrées par l'auteur. Son regard anticlérical porte plus loin.
Si la première loi de notre univers c'est l'équilibre, force est de constater que l'homme met à mal cet équilibre depuis quelques décennies.
Le suicide collectif des lemmings en Scandinavie et des bobacs en Sibérie narré par l'auteur et par Giono nous rappelle que l'équilibre biologique sait user de tous les procédés pour qu'une espèce ne prolifère pas outre mesure. Les déséquilibres provoqués par la disparition des rapaces et des loups expliquent cela. Un étonnant passage du livre…
Pour l'Homme, ce sera l'Homme lui-même le prédateur. Les guerres, la bombe, les armes…Et comme « chaque camp est persuadé qu'il n'y a qu'une façon pour l'homme d'être heureux : la sienne, il est prêt à imposer ce bonheur à l'autre camp par la force. »
Bien sûr il est dur de lire : « L'individu n'est rien. L'espèce le commande. Et la loi d'équilibre commande les espèces.» Et pourtant !
Plus loin, Barjavel aborde en toute simplicité les questions cosmologiques, univers, expansion et infini.
Les religions n'ont pas su entrouvrir la porte vers la compréhension de ce monde affirme Barjavel qui analyse ensuite le rôle de Moïse une fois redescendu du Sinaï. Et d'ajouter : « Comme celui de Moïse, le visage de Jésus a reçu son voile. » Les religions ont faussé la donne : elles ne répondent pas aux questions.
A la fin, Barjavel se pose en philosophe, s'interroge et nous questionne : « Est-ce cela le rôle du vivant ? Donner une existence à L Univers en le percevant ? »
Pour conclure, je dirai que j'ai bien aimé la phrase qui suit dont je fais souvent une devise : « Ma famille protestante m'avait appris à respecter et honorer mes ancêtres huguenots qui s'étaient battus pendant des siècles pour la liberté de leur culte et de leur pensée. Je me sentais solidaire d'eux… » Mais c'est une autre histoire … !
En bref, un très bon livre qui fourmille d'anecdotes amenant chacun à son niveau à se poser des questions.
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