Formée auprès de ses aînés et restée sous leur influence, ta génération est captive du mythe de l'inaccessibilité des auteurs. Tout auteur se doit d'avoir son Olympe, sa caverne, son île lointaine où nul ne peut accéder s'il n'a auparavant traversé un labyrinthe aux mille et une galeries. Vous êtes pleins d'admiration envers vos précurseurs qui rejetaient l'idée même de se faire photographier et vous ridiculisez vos contemporains qui ne cessent de s'afficher en public et ne voient aucun mal à faire la couverture des magazines. Pour vous, l'auteur qui se laisse approcher par son lecteur ne peut pas être quelqu'un de crédible, de sérieux, de solide.
Je ne sais pas ce qu'il en est pour toi, mais moi, cela me déplaît d'apercevoir sur un livre, ne serait-ce qu'au dos, le visage de l'auteur : je n'aime pas qu'une figure s'interpose entre le texte que je compte lire et moi, fût-ce celle de son auteur. Il va sans dire que j'évite de parcourir la notice qui fournit des "renseignements" sur lui en quatrième de couverture, surtout avant que je sois entré dans son livre. Je n'irais toutefois pas jusqu'à regretter la présence du nom de l'auteur sur la couverture d'un livre qui accroche mon regard à la vitrine d'un libraire, on me jugerait excessif.