" Ainsi vont les choses aujourd'hui. La société du spectacle a envahi nos vies.Nous sommes écrasés par le rouleau compresseur des informations et des drames à la télévision . Pourtant nous réclamons toujours plus , jusqu'à fournir nos propres image en pâture au médias ... "
Il est exceptionnel de rencontrer le Mal.
Le Mal véritable. Absolu.
Pourtant il existe.
Certaines créatures rôdent à la lisière de votre champ de vision. Elles portent un visage humain mais il s’agit d’un masque, d’un déguisement. Cela peut être n’importe qui. Cette personne qui vous sourit, là-bas, depuis l’intérieur de sa camionnette blanche. La nounou qui garde sagement votre enfant pendant que vous êtes au travail. La gentille infirmière qui remplit votre seringue.
Pourquoi accomplir le Mal ? À quel moment en devient-on l’incarnation ?
Les scientifiques n’ont pas de véritable explication à ce sujet.
Le Chien écoute tranquillement la suite de la conversation.
Il est parvenu à se cacher à l’intérieur d’un corbillard stationné à dix mètres du café. À l’abri des rideaux, il les espionne, au calme.
Son micro parabole Telinga fabriqué en Suède est une petite merveille de technologie : il capte le moindre mot des deux zigues, qui sont revenus à table et qui discutent à présent autour d’un bol de chips. Il peut même entendre le bruit de leur mastication.
Le Chien est fier de son travail. Planquer à l’intérieur d’un corbillard est une super idée. Personne n’ose jamais vous déranger, ni toquer à votre fenêtre. Ce serait carrément indécent, non ? En plus il y a des croix partout. Il adore.
Nous marchons encore un peu, et je finis par lui poser la question qui me brûle les lèvres depuis un moment.
– Audrey, vous avez déjà entendu parler de moi ?
– Pardon ?
– Vous vouliez me rencontrer.
– Juste pour vous dire merci.
– Rien d’autre ?
– Quoi, vous pensez que je vous drague ?
– Non.
– De toute façon, vous portez une alliance.
– Ce n’est qu’un souvenir. Ma femme est morte.
Vlan. Comme ça. Direct. J’ai envie de voir sa réaction. Et ça ne loupe pas : son visage trahit sa surprise, voire son malaise.
Donc elle n’est pas au courant.
Ou alors c’est une sacrée bonne comédienne.
– Je suis désolée, dit-elle. Une… une maladie grave ?
– Non.
Je l’observe toujours.
Son adjointe l’attend déjà avec un nouveau dossier. Il s’essuie le front et déboutonne sa chemise.
– C’est quoi ?
– L’affaire Djeen Kovak.
– Je vois bien. Pourquoi sa photo est-elle sur mon bureau ?
– On nous l’a fait parvenir.
– L’enquête est bouclée depuis trois ans.
– Il y a du nouveau. Lisez l’e-mail qui l’accompagne.
Batista se penche.
– Nom de Dieu.
– C’est exactement ce que j’ai dit.
Je suis là, debout à la fenêtre. Il fait frais. Je regarde pâlir le ciel. C’est beau et triste à la fois.
L’aube se lève. Mais ce matin, je ne crois plus en rien.
Parfois je me prends à rêver d’une époque moins connectée. J’aime l’idée qu’on puisse rester dans son coin, anonyme. Respirer. Les grands espaces.
Dans chaque goutte d'eau se trouve l'océan tout entier.
Alors la vie, ça n'est que ça en définitive ? La lumière vous éclaire, on s'avance sur la piste, un tour de danse, on virevolte, le temps de boire une coupe de champagne, la tête vous tourne un peu, et hop, c'est déjà fini ?
Audrey est partie d'un coup. Brusquement. Crise cardiaque. Syndrome du coeur brisé. (...) Le syndrome du coeur brisé est une cardiopathie qui frappe plus particulièrement les femmes soumises à un stress émotionnel puissant. Dans sa phase aigüe, ses symptômes sont similaires à ceux d'un infarctus du myocarde.