Citations sur Le jour du chien (69)
Elles se trouvaient aux Galeries Lafayette, l'un des hauts lieux de pèlerinage parisien, pour peu que l'on s'intéresse au shopping. Audrey y avait amené Rosa dans le but de lui dénicher un cadeau pour la fête des Mères.
Une mission délicate. Offrez un cadeau à Rosa et elle se plaint, assurant que tout cela est bien inutile, c'est pour les gogos, faire marcher le commerce, de toute façon elle n'a besoin d'aucune fantaisie. Mais ne lui offrez rien, et elle soupire durant des jours, se traînant tel un animal blessé, ravie de se faire plaindre par ses amies et voisines. « Ma fille a tellement de travail, que voulez-vous, c'est à peine si elle a du temps pour s'occuper d'elle-même, alors moi pensez donc, mais je ne vais pas m'en plaindre à mon âge, tout cela n'a plus d'importance. »
(p. 296-297)
- Fénétylline ? Qu'est-ce que c'est ?
- On l'appelle aussi Captagon. Certains terroristes en consomment avant de commettre leurs attentats, du coup on l'a surnommée 'drogue des djihadistes'. Sa production a explosé depuis le conflit en Syrie en 2011, mais elle n'est pas récente. C'est une drogue ancienne revenue à la mode.
[...]
- On en trouve en France ?
Le biologiste hausse les épaules.
- En principe, non. Mais le Captagon circule en Europe de l'Est et dans tout le Proche-Orient. Fabrication artisanale, pas cher à produire, ça ne doit pas être bien difficile d'en commander sur Internet.
- Quels sont les effets ?
- Un sentiment de puissance. Résistance à la fatigue, vigilance accrue, perte de jugement. Et agressivité aussi, si on en consomme en trop grande quantité. On a l'impression d'être le roi du Monde. A la base, il s'agit d'une drogue récréative, les footballeurs en prenaient régulièrement dans les années 80, tout le milieu artistique y a goûté.
(p. 283-284)
Les années de formation en médecine ne sont pas faciles. On raconte que les étudiants sont cool, que tout le monde couche avec tout le monde, mais c'est faux. La coolitude s'arrête à l'entrée du service, quand le vieux patron fait sa visite et vous interroge. A l'entrée de la salle de staff, quand vingt chirurgiens attendent de savoir comment vous allez résoudre le prochain cas. A l'entrée de la salle de garde, quand il faut faire comme les autres internes : gentiment harceler les filles, rigoler des blagues graveleuses, et montrer son cul. Le monde médical est peut-être cool, mais la sexualité y est régie par des codes, comme partout, et l'homosexualité n'en fait pas partie. Sam ne compte plus le nombre de ses amis qui ont préféré se marier avec une femme pour vivre leur double vie tranquille.
(p. 146-147)
[ veuvage ]
- Tu avais promis de ficher en l'air tout ce bazar, dit-il sur un ton réprobateur.
Vieille conversation entre nous. Il pose sa main sur mon épaule.
- Chris, le fantôme de ma soeur vit dans ton sous-sol. Tu en as conscience ?
- Ouais.
- Tu vois d'autres femmes ?
- Des tonnes.
- Je ne te parle pas que de YouPorn.
- Pourquoi se limiter à YouPorn ? Il y a PornHub, Brazzers...
(p. 79)
Vous connaissez les mots pour désigner la douleur, la souffrance sous toutes ses formes, ses variantes les plus atroces décrites avec minutie. Un nom pour chaque chose. Sauf que ça fait une putain de différence lorsqu’on l’éprouve, la douleur, au lieu de la décrire comme dans un manuel.
La prochaine fois, vous serez plus gentil avec un patient lorsqu'il a mal. Promis juré.
(p. 26-27)
Les laboratoires pharmaceutiques ne sont pas nombreux. Ils sont puissants et tentaculaires, leurs ramifications internationales vont bien au-delà de ce que vous pouvez imaginer. Aujourd'hui, on lance une maladie, et le traitement qui va avec, comme on lance une marque de jeans. (...)
Mais ce serait complètement idiot de diaboliser les laboratoires. La vérité est que si vous voulez des médicaments performants, novateurs, qui vont vous soigner pour de bon, il faut investir, et donc gagner de l'argent et faire du commerce. C'est comme ça. Ou bien retourner à l'âge des cavernes et se soigner avec des feuilles d'ortie. Bienvenue au XXIe siècle.
L'été, en France, tout est mort. Il n'y a jamais eu d'exception. Le pays fonctionne au ralenti quoi qu'il arrive. Le pire des drames ne résiste pas plus de quelques semaines aux vacances de ses concitoyens. C'est leur force, ou leur faiblesse, mais l'art de vivre à la française finit toujours par avoir le dessus. La plage, l'apéritif, l'amour et le farniente auront toujours le dernier mot. C'est ainsi.
Et il culpabilisera, bien entendu, mais il n'en montrera rien. Batista est un homme. Si un homme commence à révéler ses faiblesses, où va-t-on ?
Je regarde la vue sur Paris et les tours de la Défense. Ces lumières nous faisaient rêver. Comme dans le refrain de Téléphone, on chantait "Un jour j'irai là-bas". Sauf qu'on ne parlait pas de New York. Nos rêves n'allaient pas aussi loin.
- Tu as entendu parler de Notre-Dame des Sept Douleurs ? Son culte, dans sa version antique, est intéressant. Il y a un rituel avec sept cierges. Chaque fois que j'en allume un, ça veut dire que toi, tu franchis une nouvelle étape. Cheminer sur la voie de la lumière prend du temps. Il faut beaucoup de patience. Alors tu sais quoi, Gary ? On va dire que ta main tranchée, ça comptait pour le premier des sept cierges. C'est cadeau.
Le Chien déverse le contenu de sa boîte à outils sur le sol.
- Pour les suivants, je ne vais pas te parler de la Dame des Douleurs, je vais te la faire apparaître. C'est comme une vision céleste, tu vas voir, au bout d'un certain temps, c'est fou : on l'aperçoit.