Bien sûr, ce n'est pas donné, mais ce livre paru dans le cadre de l'exposition Alix-L'Art de
Jacques Martin de 2018, est formidable pour tous ceux qui ont parcouru l'Antiquité sur les traces de l'éternel adolescent dessiné par
Jacques Martin.
On y apprend ou découvre une foule d'informations.
Je ne savais pas par exemple, que Martin n'était pas Belge (né à Strasbourg, de père Français), ni qu'il se destinait à une carrière d'ingénieur, deux faits au fond, déterminants.
De son identité plurielle, de cette région tiraillée entre deux pays, naitra son héros ni gaulois ni romain.
De ses études, il gardera une passion pour la perspective.
Puis, vient l'installation à Bruxelles en 1946, ses années de formation influencées par
Hergé et Jacobs, des débuts compliqués, les critique n'étant pas tendres sur l'évolution de son dessin, venant d'
Hergé ("vous avez encore de sérieux progrès à faire" ou de Leblanc, directeur de Tintin (..."alléger certains traits, surveiller scrupuleusement l'orientation des ombres et musculatures", "les mains, les erreurs flagrantes de proportion, l'arrière-train du cheval est raté...").
Et puis, petit à petit, intégrant le studio Tintin au départ de Jacobs, dessinant à la chaîne les aventures d'Alix, il se fait un nom et produit l'oeuvre qu'on connait aujourd'hui, avec ses formidables qualités d'exposition des civilisations, son attirance constante pour le "perspectivisme" du trait et de l'histoire...et ses "défauts" récurrents comme l'absence de dynamisme du dessin, cette ignorance du sens du mouvement suggéré ou son héros paradoxal, qui ne rend jamais le monde meilleur ou plus sûr à la fin.
On apprend aussi que Martin n'était pas fan d'Enak (et on le comprend ô combien !), et que les dessinateurs de cette époque étaient de sacrés gentlemen.
Il faut lire les courriers adressés à Martin par Jacobs : "il s'agit du démarquage par trop flagrant de ma technique auquel vous vous livrez, ce qui vous a valu un succès auquel j'applaudis..." et la réponse de Martin "...si j'ai reconnu m'être inspiré de votre principe de découpage..", le tout dit avec beaucoup d'élégance et de respect.
L'album contient aussi quelques pages sur Lefranc baptisé "Un Alix des temps modernes". Mouais...
L'album en la forme est magnifique : 35 X 24,5 cm, 159 pages de papier épais de 130 g, fac-similés de toute beauté (et en particulier les tirages N&B)...Un bel investissement.