Mais quand arrive la vague orageuse des passions du jeune âge, que va devenir ce frêle esquif avec ses voiles qui se gonflent, et son pilote sans expérience ?
L’éducation américaine pare à ce danger : la jeune fille reçoit de bonne heure la révélation des embûches qu’elle trouvera sur ses pas. Ses instincts la défendraient mal : on la place sous la sauvegarde de sa raison ; ainsi éclairée sur les pièges qui l’environnent, elle n’a qu’elle seule pour les éviter. La prudence ne lui manque jamais.
Ces lumières données à l’adolescente sont une conséquence obligée de la liberté dont elle jouit ; mais elles lui font perdre deux qualités charmantes dans le jeune âge, la candeur et la naïveté. L’Américaine a besoin de science pour être sage : elle sait trop pour être innocente *.
Cette liberté précoce donne à ses réflexions un tour sérieux, et imprime quelque chose de mâle à son caractère. Je me rappelle avoir entendu une jeune fille de douze ans traiter dans une conversation et résoudre cette grande question : « Quel est de tous les gouvernements celui qui de sa nature est le meilleur ? » — Elle plaçait la république au-dessus de tous les autres.
Cette froideur des sens, cet empire de la tête, ces habitudes mâles chez les femmes, peuvent trouver grâce devant la raison ; mais elles ne contentent point le cœur. Tel fut le premier jugement que je portai sur les femmes d’Amérique ; cependant je rencontrai dans le monde une jeune personne dont le caractère, tout à la fois impétueux et tendre, vint ébranler cette impression.