C'est pourquoi tous les remèdes qu'on propose pour pallier la détresse des vieillards sont si dérisoires : aucun d'eux ne saurait réparer la systématique destruction dont les hommes ont été victimes pendant toute leur existence. Même si on les soigne, on ne leur rendra pas la santé. Si on leur bâtit des résidences décentes, on ne leur inventera pas la culture, les intérêts, les responsabilités qui donneraient un sens à leur vie. Je ne dis pas qu'il soit tout à fait vain d'améliorer, au présent, leur condition : mais cela n'apporte aucune solution au véritable problème du dernier âge : que devrait être une société pour que dans sa vieillesse un homme demeure un homme ?
Pour la société, la vieillesse apparaît comme une sorte de secret honteux dont il est indécent de parler.
Avant qu'elle ne fonde sur nous, la vieillesse est une chose qui ne concerne que les autres.
« La parole ne représente parfois qu’une manière , plus adroite que le silence , de se taire » ...
La déchéance sénile n'est pas seulement en soi pénible à supporter, mais elle met l'homme âgé en danger dans le monde. On l'a vu : il végète au bord de la maladie, au bord de la misère. Il éprouve un sentiment angoissant d'insécurité qu'exaspère son impuissance.
Parmi les facteurs contribuant le plus au développement affectif chez nos concitoyens âgés, il faut ranger l'ostracisme social dont il sont l'objet, la réduction du cercle de leurs amis, l'intense solitude, la diminution et la perte du respect humain et le sentiment de dégoût à l'égard d'eux-mêmes. (p. 262)
[...] à la fin du XIXème siècle, le vieux travailleur chassé de son emploi avait été dramatiquement abandonné à lui-même. Les collectivités se virent obligées de prendre en main le problème. Elles ne le firent pas sans résistance.
La pension fut d'abord conçue comme une récompense. Dès 1796, Tom Paine suggérait de récompenser par une pension les travailleurs de 50 ans. En Belgique, en Hollande, des pensions furent accordées dans le secteur public à partir de 1844. En France, au XIXème siècle, les militaires et les fonctionnaires furent aussi les premiers à recevoir des pensions ; le second Empire en attribua ensuite aux mineurs, aux marins, aux ouvriers des arsenaux, aux cheminots. On considérait qu'elles récompensaient, dans des professions dangereuses, une longue période de loyaux services. L'attribution en devint organisée et habituelle, sous deux conditions : de longues années de travail et un âge déterminé.
La vie garde un prix tant qu'on en accorde à celle des autres, à travers l'amour, l'amitié, l'indignation, la compassion. (p.567)
De l'ensemble des tests et des statistiques ressort une importante conséquence : plus le niveau intellectuel du sujet est élevé, plus la décroissance de ses facultés est faible et lente. S'il continue à exercer sa mémoire et son intelligence, il peut les conserver intactes. (p. 41)
Pour que la vieillesse ne soit pas une dérisoire parodie de notre existence antérieure, il n’y a qu’une solution, c’est de continuer à poursuivre des fins qui donnent un sens à notre vie : dévouement à des individus, des collectivités, des causes¸travail social ou politique, intellectuel, créateur…