Citations sur Le Deuxième Sexe, tome 1 : Les faits et les mythes (235)
Pour tous ceux qui souffrent de complexe d'infériorité, il y a là un liniment miraculeux : nul n'est plus arrogant à l'égard des femmes, agressif ou dédaigneux, qu'un homme inquiet de sa virilité.
Il est toujours difficile de décrire un mythe; il ne se laisse pas saisir ni cerner, il hante les consciences sans jamais être posé en face d'elles comme un objet figé. Celui-ci est si ondoyant, si contradictoire qu'on n'en décèle pas d'abord l'unité: Dalila et Judith, Aspasie et Lucrèce, Pandore et Athéné, la femme est à la fois Eve et la Vierge Marie. Elle est une idole, une servante, la source de la vie, une puissance des ténèbres; elle est le silence élémentaire de la vérité, elle est artifice, bavardage et mensonge; elle est la guérisseuse et la sorcière; elle est la proie de l'homme, elle est sa perte, elle est tout ce qu'il n'est pas et qu'il veut avoir, sa négation et sa raison d'être.
Vénérant la femme en Dieu, on la traitera en ce monde comme une servante: et même, plus on exigera d'elle une soumission entière, plus sûrement on l'acheminera sur la voie de son salut. Se dévouer aux enfants, au mari, au foyer, au domaine, à la Patrie, à l’Église, c'est son lot, le lot que la bourgeoisie lui a toujours assigné; l'homme donne son activité, la femme sa personne; sanctifier cette hiérarchie au nom de la volonté divine, ce n'est en rien la modifier, mais au contraire prétendre la figer dans l'éternel.
Pour tous ceux qui souffrent de complexe d'infériorité, il y a là un liniment miraculeux: nul n'est plus arrogant à l'égard des femmes, agressif ou dédaigneux, qu'un homme inquiet de sa virilité.
Législateurs, prêtres, philosophes, écrivains, savants se sont acharnés à démontrer que la condition subordonnée de la femme était voulue dans le ciel et profitable à la terre. Les religions forgées par les hommes reflètent cette volonté de domination: dans les légendes d'Eve, de Pandore, ils ont puisé des armes.
Les femmes ne sont pas solidaires en tant que sexe : elles sont d'abord liées à leur classe; les intérêts des bourgeoises et ceux des femmes prolétaires ne se recoupent pas.
Ce n'est pas la nature qui définit la femme : c'est celle-ci qui se définit en reprenant la nature à son compte dans son affectivité.
Le principe mâle crée pour maintenir, le principe femelle maintient pour créer.
La femme, comme l'homme, est son corps : mais son corps est autre chose qu'elle.
Tout ce qui a été écrit par les hommes sur les femmes doit être suspect, car ils sont à la fois juges et partie.