Rimbaud rangé, embourgeoisé, dirigeant une carrière, prenant femme, et père de famille... ?
Impossible, dites-vous !
Rimbaud est mort à 37 ans, d'une infection ramassée en Afrique, lors de ses pérégrinations marchandes au Harar, notamment.
Rimbaud rangé ? Que nenni ! Cet adolescent au regard clair et à la mèche rebelle ne se rangera jamais dans cette catégorie de gens raisonnables...
Eh bien si ! du moins par la magie de l'imagination de
Thierry Beinstingel.
A partir d'un quiproquo autour de sa prétendue mort (on se trompe de cadavre et le directeur de la clinique de Marseille où il gisait ne veut pas que l'affaire s'ébruite),
Rimbaud bénéficie d'une seconde vie, cachée. Sa mère et sa soeur Isabelle l'enterrent, enfin, celui qu'on croit être lui.
Arthur Rimbaud devient Nicolas Cabanis et surtout, ne veut plus entendre parler de sa vie de poète. Pour lui, c'est du passé. C'est l'Afrique, plutôt, qui l'obsède, du moins son ami Djami qui hante ses nuits.
Amputé d'une jambe, il se reconstruit en retournant vers le Nord.
Nous assistons par petites touches à ses actions raisonnables, quoique...
Nous l'accompagnons dans son autre vie, mêlée à son siècle. Il met son intelligence et son goût des sciences au service du progrès. Et si l'affaire Dreyfus ne le touche guère, la guerre 14-18, elle, l'emmènera là où on ne s'y attend pas.
Nous retrouvons également les écrivains et les écrivaillons (notamment
Paterne Berrichon, le mari d'
Isabelle Rimbaud) qui se disputent ses écrits, et nous vivons en direct l'émergence de sa gloire à laquelle il ne s'intéresse absolument pas.
Rêves et vérités s'entremêlent dans ce roman un peu long mais tellement bien écrit, parsemé d'allusions aux poèmes ainsi qu'aux écrivains réputés de cette période.
Mélancolie, émotion, sourires, et à certains moments énervement..., c'est ce que j'ai éprouvé à cette lecture.
Rimbaud et ses «
Illuminations »,
Rimbaud et sa « saison en enfer » ...Et s'il avait vécu davantage que 37 ans, aurait-il encore écrit ? « Une saison au paradis », peut-être ?