AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
3,73

sur 28 notes
5
4 avis
4
6 avis
3
2 avis
2
0 avis
1
0 avis

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
J'ai eu la chance de rencontrer l'auteur à la Comédie du livre de Montpellier de 2018 et la façon de parler de son livre m'a poussé à l'acheter.

J'y ai trouvé ce qui était annoncé, un livre polymorphe: autobiographie partielle mais aussi roman, émaillé de poèmes, d'hommages à ces grandes figures qui ont fait de l'Algérie ce qu'elle est (Kahina, Abd el Kader, Saint-Augustin), de réflexions sur ce que ce pays est devenu, sur ce que la décennie noire du terrorisme et l'influence grandissante du religieux en ont fait.

On est parfois perdu dans ces changements de style, mais il faut savoir se laisser emporter par les mots sans vouloir toujours chercher à tout comprendre. D'abord l'auteur parle à demi-mot et on le comprend quand on sait que la plupart de ceux qui parlent aussi librement sur ce pays ont été finalement poussés à l'exil. Mais vers la fin, les mots se font plus durs, les dénonciations plus claires, le positionnement plus affirmé. Là où l'enfance et l'adolescence d'Amray pouvaient parfois confiner à la naïveté, l'âge adulte lui amène la totale conscience de la réalité, âpre, violente, crue. La poésie reste omniprésente mais elle se fait plus désabusée, l'espoir est là mais ne semble plus se matérialiser dans une réalité concrètement vivable.

Finalement, sans jamais la nommer, ce livre est une ode à l'Algérie qui, on l'espère, renaîtra à elle-même, tel le phoenix de culture et d'ouverture qu'elle n'aurait jamais dû cesser d'être.
Commenter  J’apprécie          170
Amray nait dans un foyer sans amour. Sa mère a 13 ans quand elle est mariée à son père qui en a 36. Comme les femmes de son époque, elle n'a rien à dire, n'a aucun droit. On lui demande seulement de procréer et de servir. Quand il nait, au coeur d'une famille nombreuse, son père a 60 ans et a passé la majeure partie de sa vie à combattre : deux guerres mondiales sous le drapeau français et puis la guerre sur son sol. Sa mère, sans instruction, simple et d'une grande sagesse, l'aimera comme elle n'a pu aimer ses autres enfants.

« le livre d'Amray » nous plonge dans l'histoire d'un pays jamais nommé mais dont on comprend très vite qu'il s'agit de l'Algérie. A travers les tourments de l'Histoire, Yahia Belaskri nous raconte la vie d'Amray – dont le nom signifie l'amoureux en berbère. Très jeune, le narrateur a la fraîcheur de l'innocence, la candeur de l'enfance. Il nous décrit avec force détails son quotidien, ce monde qui change, ses amis qui disparaissent de l'école et de sa vie, les regards qui se font fuyants ou au contraire appuyés… Son histoire se confond avec celle de son pays, faite d'espoir et de rêves au coeur des années 60 et 70 puis d'illusions perdues et de trahison. Solitaire, il vole des livres – avec la bienveillance du libraire - car il ne peut les acheter. Il s'instruit, se construit, grandit et devient à son tour mari et père. Mais un autre danger guète et la violence refait surface au coeur de son pays et de sa famille.

A travers Amray, c'est l'histoire de l'Algérie qui se dessine et de la lutte incessante qu'elle a menée pour sa liberté, lutte marquée par des figures héroïques comme Saint Augustin, la Kahina ou Abd-el-Kader. Tous trois berbères, ils sont les piliers de ce roman, et les fondements de l'identité algérienne.

D'une grande puissance poétique, ce récit de violence et de guerre, retrace l'histoire d'Amray mais est aussi un réquisitoire contre l'autoritarisme, l'intégrisme, la dictature qui enferment l'homme. Jamais nommée, l'Algérie est pourtant bien présence à chaque page, dans chaque mot célébrant avec mélancolie cette terre natale de l'auteur. C'est un chant d'amour à un pays dur, fier, meurtri dont l'auteur espère encore le renouveau, la renaissance. C'est une fresque onirique, celle d'un pays souffrant, écartelé entre mythes, souvenirs heureux et tragédies.
Commenter  J’apprécie          150
Ce livre plein de poésie, de verve, d'innocence mais de violence aussi, c'est l'histoire magnifique que nous conte Yahia Belaskri avec "la vie d'Amray", celui qui commande, qui suit ses propres idées (mais aussi "l'amoureux" en berbère selon Wikipedia)....

Né en Algérie pendant la guerre d'indépendance au sein d'une famille nombreuse, son père (qui a fait deux guerres sous les drapeaux français puis enfin celle pour son pays) a 60 ans quand sa mère en a 37. Mariée sans amour à 13 ans, celle-ci n'a pas son mot à dire. Elle est destinée à assurer la descendance et servir son mari. Elle aura de nombreuses fausses couches, d'autres parviendront à survivre, mais Amray restera toujours le "préféré" de la famille jusqu'à son dernier souffle.

Amray dans ce livre parle plus volontiers de ses ami(e)s que de sa fratrie. Il nommera vaguement quelques soeurs, quelques frères et s'attardera un peu sur l'histoire de ses parents mais surtout restera proche de sa mère jusqu'au bout, même en "exil". Il se reprochera cependant d'arriver toujours "trop tard": pour la mort de son père, de sa mère, celle de ses frères et de ses soeurs. Il sera celui qui arrive "après" les évènements... Il aura pourtant à coeur de porter toujours hommage aux uns et aux autres.

Alors, quoique jamais nommée, L'Algérie flamboie ici, de toutes ses lumières, de toutes ses images, de toutes ses odeurs et de toutes ses couleurs.

Une Algérie transcendée par la douceur et la fraîcheur du récit: Amray alors enfant, ne perçoit pas toute l'étendue des ravages de la guerre. Il la survole - il n'a alors que 10 ans en 62- avec ses yeux d'enfants et ne perçoit ses effets que lorsque ses amis, Shlomo et Paquito ne réapparaissent plus en début d'année et qu'Octavia finisse elle-aussi par s'en aller. Il comprendra qu'une partie de son passé est alors révolu mais sans pour autant en saisir la raison.

On ne voit donc pas vraiment les violences, les arrestations, les combats, la déchirure des premiers départs; on les devine seulement et c'est ce qui fait toute la force du récit. C'est seulement quand Octavia, restée plus tard que les autres, sera insultée et traitée "d'étrangère" à l'école par ses propres camarades de classe et qu'elle quittera à jamais ce sol qui l'a pourtant vu naitre ainsi que ses parents qu'Amray comprendra que "rien ne sera plus comme avant" et que tout est définitivement bouleversé.

Bien plus tard, devenu un homme, après s'être instruit en parti par lui-même, c'est face à l'intégrisme montant qu'il devra faire face: fanatisme religieux mais aussi dictature naissante. Traité lui aussi "d'étranger" car il aura dû quitter son village pour travailler "à la ville", il finira par ne plus comprendre le monde dans lequel il vit.

Il ira travailler de ville en ville, puis devenu mari et père, Il finira par se réfugier alors dans la mythologie, L Histoire passée, ses souvenirs et sa rêverie. Seul son ami Anzar le suivra et, à la fin et sans préavis c'est lui qui terminera l'histoire. le terme de ce récit reste d'ailleurs pour moi des plus mystérieux. Je ne sais si Amray devient fou ou non ou s'il rêve simplement son pays comme il ne le sera jamais plus, entre réalité et nostalgie.

Cette ode à la liberté, de geste et de pensée, écrit à la première personne du singulier présent, est néanmoins ponctuée de quelques pages "d'histoire": celle de l'Algérie, de la Kahina, d'Abd-el-Kader ou de Saint Augustin. Bref un beau récit, majestueux, fier, digne et droit: entier en somme, tout comme l'est le personnage d'Amray, amoureux des mots, de la vie, de son pays, épris de justice et de liberté.
Commenter  J’apprécie          70
143 pages délivrées comme un cri de rage par Amray, l'amoureux, le fils de Saint Augustin et de la Kahina. Il crie son coeur et ses tripes face à l'obscurantisme, face à cette guerre d'Algérie qui lui a tout pris. Et quand l'armée envahit les rues et que les armes font feu, il y a cette phrase extraordinaire qui illustre le propos : "Le mouvement s'amplifie et les jeunes, poitrine offerte, défiant ceux qui saignent leurs rêves."
Cette guerre lui a enlevé Octavia qu'il appelle "Ma joie". Oui Octavia est algérienne mais pas d'origine alors elle doit quitter cette terre comme Shlomo, comme Paco les amis d'Amray. Octavia, pour qui il aurait voulu "Une baie sur son ventre chaud" et depuis quelle est partie elle est son "utopie et le roman qu'il écrit".
Amray abat les mots comme des haches brillantes et prophétiques, il prévient : "Rappelez vous de moi, le fou qui hante vos esprits et vos mémoires. Vous m'avez cru mort, mais je suis vivant". Amray, le poète, exilé, que la barbarie, l'ignorance crasse des fous de Dieu, va lui faire perdre la raison mais pas le coeur, pas la poésie, pas l'amour.
Le roman de Yahia Belaskri est doté d'une langue riche et poétique, d'une langue de rage merveilleuse et douloureuse.
J'ai su que quelques personnes en ont fait une lecture à voix haute, à priori mieux adaptée. Ce n'est pas mon cas, j'avais besoin de silence pour en goûter toute l'intensité.
Commenter  J’apprécie          30
Magnifique ode à l'âme profonde de la terre algérienne au travers de figures d'Augustin, de la Kahina, d'Abd-el-Kader et de l'auteur lui-même.
Quelle tristesse devant ce constat froid, lucide et réaliste de ces si nombreuses années de gâchis depuis l'indépendance de 1962.
Yahia Belaskri rejoint des écrivains engagés tels que Kamel Daoud et Boualam Sansal dans l'espoir et le rêve d'un avenir meilleur pour l'Algérie.
Commenter  J’apprécie          30
Direction l'Algérie avec un roman particulièrement envoûtant.
Un roman qui entremêle l'histoire d'un homme et les légendes de son pays. Amray porte en lui l'histoire de sa terre ; de ses personnages les plus illustres à celle de ses parents. Sa mère et son amour exceptionnel. Son père qui a vécu trois guerre - tout comme Amray aura son lot de peur et de chagrin.

L'histoire est forte, l'écriture splendide : je suis totalement sous le charme. Envoûtée en quelques pages, je n'en sortirai plus jusqu'à la fin. Une fin qui porte à son paroxysme la confusion latente jusqu'ici.
J'ai vécu un moment de lecture assez étrange finalement, brassée par la douceur initiale et la violence qui surgit, immergée dans les récits du fond des âges et les tourments du quotidien.
Un roman fait de poésie et de cauchemars, et la garantie d'une lecture troublante.
Commenter  J’apprécie          10


Lecteurs (60) Voir plus



Quiz Voir plus

Petit quiz sur la littérature arabe

Quel est l'unique auteur arabe à avoir obtenu le Prix Nobel de littérature ?

Gibran Khalil Gibran
Al-Mutannabbi
Naghib Mahfouz
Adonis

7 questions
64 lecteurs ont répondu
Thèmes : arabe , littérature arabeCréer un quiz sur ce livre

{* *}