Suite à un attentat la visant pour ses idées féministes, Viviana la présidente de la république fictive de Faguas, située en Amérique latine, se retrouve placée dans le coma. Son esprit erre dans une réserve remplie d'objets perdus qui la font se replonger dans ses souvenirs et la genèse de la création de son parti politique, le PIE (« pied » en espagnol), le Parti de la gauche érotique.
Viviana et ses acolytes politiques ont décidé de se jouer des stéréotypes sexistes pour que des femmes, uniquement des femmes, accèdent au pouvoir, et ça fonctionne. Leur plan ? Promettre de nettoyer le pays et utiliser leurs attributs dits féminins pour séduire un électorat masculin. Leur programme tourne autour des inégalités sexistes dans la sphère domestique et qui empêchent les femmes d'accéder à la sphère publique.
Les membres du PIE ont beau avoir l'impression d'avoir été aidées dans leur accès au pouvoir par l'éruption du volcan Mitre, qui a réduit le taux de testostérone sur l'île, je me permets de les contredire. Je suis persuadée que c'est l'aide qu'elles ont apportée aux sinistrés de l'éruption volcanique qui a joué en leur faveur, tandis que l'élite masculine corrompue ne levait pas le petit doigt.
Cette vision maternelle et « maternante » du pouvoir m'a immédiatement fait penser à l'actualité, à la manière dont la presse a assimilé la réussite de la gestion de la crise du Covid19 aux pays gouvernés par des femmes. On est en droit de juger cette approche essentialiste, mais pour ma part je m'interroge : que se passerait-il si on éduquait les garçons comme on éduque les filles aujourd'hui ? le monde ne s'en porterait-il pas mieux ?
«
La République des femmes » est un livre très créatif grâce à l'imagination foisonnante de son autrice qui s'exprime jusque dans la construction du roman.
Gioconda Belli alterne chapitres très courts et documents, extraits de discours, articles de presse, etc. qui rendent la lecture plaisante et fluide.
Certains éléments du livre m'ont déplu, notamment la manière dont l'avortement et l'Islam (même si la religion en général en prend pour son grade dans ce livre à la société conservatrice, il y a pour moi amalgame entre religion et fanatisme religieux) sont évoqués dans le chapitre du point de vue d'Emir, le compagnon de Viviana. Cette dernière fait en effet tourner sa campagne pour la légalisation de l'avortement autour de l'idée que si la maternité était facilitée, plus personne n'avorterait. Or, vouloir des enfants ou pas n'est pas toujours une question de moyens financiers. de plus, les descriptions de corps féminins sont imprégnées de male gaze.
Il y a par contre une belle diversité dans les opinions : les différents membres du gouvernement se complétent et attaquent le sexisme sous différents prismes. J'ai beaucoup aimé Martina qui a décidé de s'attaquer au sexisme dans le langage, ainsi que les références à des ouvrages féministes.
Un livre débordant d'idées à lire sous un certain prisme : il a été écrit il y a dix ans dans un pays d'Amérique centrale où les violences sexistes consistent en viols et féminicides mais aussi trafic sexuel et illettrisme chez les femmes. Je n'avais jamais lu de roman nicaraguayen avant et je remercie les éditions Yovana pour cette découverte ! Au final, dans l'exercice de création littéraire d'un état gouverné par des femmes, il n'y a pas de bonne ou de mauvaise réponse. Et la proposition de
Gioconda Belli est audacieuse et mordante.