Je me baladais dans le 20è arrondissement de Paris et je suis passé devant la librairie le Monte-en-l'air. J'y passe de temps en temps et je sais que l'on y trouve souvent une très belle sélection d'ouvrages. Je me balade donc entre les rayons et j'arrive à l'espace littérature hispanique, je pensais regarder les nouveautés et notamment
Juan Gabriel Vasquez. Une couverture attire mon oeil, très jolie, très colorée, le titre ensuite «
La république des femmes ». Je lis le quatrième de couverture, les quelques lignes attise ma curiosité et je vois que l'auteure est nicaraguayenne. Voilà un petit pays que je ne situe pas très bien, entre l'Amérique centrale et l'Amérique du Sud, et surtout un pays dont je n'ai jamais lu d'écrivain. Banco !
Je n'ai pas été déçu par mon choix. Je referme un livre tout aussi divertissant qu'intelligent. L'auteure,
Gioconda Belli, nous pousse à réfléchir, parfois par l'absurde à la politique et à la place des femmes en politique dans le monde. Qu'est-ce que serait un monde dirigé par des femmes ? Pourquoi après des siècles de gouvernance masculine, ayant abouti à une réussite totale (oui oui c'est de l'ironie), ne pourrait-on pas essayer de laisser les femmes tenter leur chance ?
Dans ce livre, nous suivons un petit groupe de femmes qui, derrière Viviana Sansón, va décider qu'il est temps de changer la vie de leurs concitoyennes et concitoyens. Face à une offre politique ne favorisant que la corruption et la violence dans ce petit pays imaginaire qu'est Faguas, elles vont créer leur partie, le PIE. C'est presque une blague au départ, une décision de fin de soirée, quand au petit matin après avoir refait le monde toute la nuit entre amis et avec quelques bons verres de vin, on se dit et si je me lançais. Et puis, rapidement le petit parti va se structurer, sortir un programme avec des choses concrètes, faire des actions et se lancer dans la course à la présidentielle.
Je ne révèle rien, c'est annoncé dès le début, Viviana Sansón devient présidente de Faguas. Et elle va être victime d'un attentat la plongeant dans un coma dont on ne sait pas si elle sortira ou dans quel état elle en sortira. C'est là que commence le livre.
L'auteure met alors en place son ouvrage avec des chapitres assez courts qui se succèdent et dans lesquels on navigue entre la situation du pays et l'enquête sur l'attentat pendant l'hospitalisation de la présidente et un voyage dans le cerveau de Viviana revoyant sa vie et son parcours politique.
Les flashbacks, dont je ne suis pas toujours fan, sont assez bien gérés avec une idée simple permettant de voir la construction et l'ascension de cette femme. Elle est dans une pièce remplie d'objets, ce sont des objets qu'elle a perdu au fil des années. Et dès qu'elle en touche un, elle est immédiatement replongée dans le souvenir qui lui est associé.
Il y a donc en parallèle la vie qui continue en apnée dans le petit état et l'enquête menée pour retrouver les coupables de l'attentat.
L'ensemble des chapitres permettent sous une forme assez légère de disséminer des idées politiques, peut-être en partie de l'auteure, sur comment améliorer la vie quotidienne des populations.
Bien entendu, il y a un côté un peu idyllique de tout cela avec des actions simples voir simplistes qui se succèdent et qui à chaque fois ou presque sont couronnées de succès et permettent une amélioration immédiate de la qualité de vie des habitants de Faguas ainsi qu'une amélioration du PIB.
J'ai également été un peu perturbé par le côté réducteur des femmes. Elles sont beaucoup associées au ménage, à l'éducation des enfants, à la cuisine. Il y a aussi le côté "guerre des sexes" avec une opposition et une quasi impossibilité de travail ensemble pour le bien commun entre hommes et femmes.
Je ne sais pas si ces scories sont le reflet de la pensée profonde de l'auteure ou un raisonnement par l'absurde permettant de montrer l'absurdité de nombreuses situations, mais ça permet aussi de se questionner et de travailler son esprit critique.
Si l'on fait abstraction de ces points, il y a une vraie réflexion qui se met en place avec cette question qui revient régulièrement, pourquoi les femmes ne pourraient pas essayer, juste pour voir.
Ce livre est sans doute en partie lié au parcours de l'auteure, investit en politique, ayant été dans l'opposition à la dictature de son pays, exilée au Mexique et entrée pleinement en politique après la chute du régime de Somoza. Elle est depuis 2023 privée de sa nationalité nicaraguayenne par une décision de justice. C'est aussi le cas de 93 autres opposants au régime du couple Ortega-Murillo.
Je n'en dis pas plus, à vous de lire ce livre.
J'ajoute juste que j'ai également beaucoup aimé la forme et l'objet livre, notamment ces différentes typographies utilisées dans certains chapitres selon les moments de l'histoire. Un beau travail de l'éditeur Yovana que je ne connaissais pas non plus.