Hana Belohradska (1929-2005) est une écrivaine tchèque, qui a eu la malchance de vivre dans un régime communiste qui ne l'a pas seulement renvoyé de l'université de Prague, parce que trop "bourgeoise", mais de qui l'oeuvre littéraire a également été boudée et contrariée pendant des décennies. Il aura fallu attendre 1989 avant qu'elle pourra vivre de sa plume en non plus de traductions clandestines de l'Anglais et de son boulot de femme de ménage et après laborantine dans un hôpital pour enfants.
Cet ouvrage a été porté à l'écran avec un succès certain par le réalisateur tchèque Zbynek Brynych avec le titre : "Et le cinquième cavalier, c'est la peur". Pour nos ami-e-s tchèques, je signale que le rôle du Dr. Braun a été interprété par Miroslav Machaček.
Armín Braun est toubib à Prague sous contrôle nazi et comme Juif sait que ses jours sont comptés. Il vit seul et dans la peur. Il appréhende tout, et la haine encore plus que tout. Nous sommes en 1941 et lorsque l'occupant lui ferme son cabinet, il réalise que les trois quarts de ses patients étaient des aryens
Sans ressources propres, il vit de l'aumône de quelques voisins qu'il continue épisodiquement de soigner de l'asthme ou de l'une ou l'autre plaie contre un peu de soupe ou une assiette de goulasch. Une voisine, qui ressent de la pitié pour le pauvre docteur, essaie de le consoler en lui disant : "Vous savez, Heine aussi était juif".
Quoiqu'il en soit le docteur décide qu'il n'admettrait jamais le moindre espoir.
Le Dr. Braun, qui vit seul dans une pièce entre des caisses, a pourtant énormément de temps pour réfléchir et passer sa vie mentalement en revue. Pourquoi son épouse l'a-t-elle abandonné un beau jour ? Son fils Arnošt, qui se trouve au Portugal, réussira-t-il à obtenir des papiers pour le nouveau monde ?
La solitude de sa laide demeure est encore ce qu'il y a de mieux, car "partager une angoisse ne fait que la multiplier". de toute façon raisonne-t-il "senectus ipse morbus" (la vieillesse est une maladie en soi).
Déambuler comme Juif dans les rues est dangereux et prendre le tramway équivaut à une expérience périlleuse, mais qu'est-ce qu'on ne fait pas pour dénicher un médicament susceptible de réduire les douleurs et souffrances d'un voisin ?
Bien que le sujet et l'ambiance du récit n'ont, bien entendu, rien d'agréable, le lecteur reste fasciné par la profondeur des sentiments et la complexité des relations humaines.
Si
Hana Belohradska n'a pas eu la carrière littéraire à laquelle elle aurait pu logiquement prétendre, ce n'est sûrement pas faute de talent littéraire. Elle a un style qui m'a vraiment fasciné et une connaissance de la pauvre espèce humaine qui frappe (hélas) par sa précision et exactitude.
La traduction du Tchèque par Marie Nagy-Tumlir est absolument admirable.
Conclusion : Il est regrettable que le régime pourri exporté de force par Staline en 1948 en Tchécoslovaque ait empêché
Hana Belohradska de publier beaucoup plus de perles.