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3,71

sur 244 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Ce livre est le portrait d'une jeunesse marocaine prête à tout pour "brûler"... Brûler ?... Brûler, signifie traverser la Méditerranée, brûler ses papiers, tout ce qui permettrait une identification de leur propriétaire et un renvoi à la case départ, dans ce Maroc qui ne leur propose pas d'avenir à la hauteur de leurs espérances, un Maroc gangréné par les petits trafics, la corruption de ses fonctionnaires, les fondamentalistes religieux . Et pour passer en Espagne, ces jeunes sont prêts à tous les sacrifices, toutes les compromissions. Ben Jelloun ne nous (leur) épargne rien : prostitution féminine ou masculine, scène de viol du héros dans un commissariat, drogue, mariage blanc.... Et malgré tout Ben Jelloun réussi l'exploit de ne jamais tomber dans le sordide, le vulgaire. Certes nous ne retrouvons pas sa poésie habituelle (à part peut-être dans le dernier chapitre) mais son écriture est toujours aussi fluide et agréable.
On sent que Ben Jelloun nous parle là d'un sujet qui lui tient à coeur, même s'il ne juge pas, s'il n'est pas là pour faire la morale, on le sent grave, triste, amer, il n'a aucune complaisance vis-àvis de ses compatriotes : " au Maroc, il faut faire comme tout le monde, égorger de ses propres mains le mouton de l'Aïd-el-Kébir, épouser une vierge, passer des heures au café à dire du mal des gens, ou dans le meilleur des cas comparer les prix des dernières voitures allemandes, parler de la télé, arrêter de boire de l'alcool trois jours avant et après le ramadan, cracher par terre, essayer de passer avant les autre, intervenir sur tout, dire oui quand on pense non, et ne pas oublier de ponctuer ses phrases par un " y'a pas de problème", makayene mouchkil, et puis rentrer le soir après avoir bu quelques bières avec les copains, s'installer devant la table et s'empiffrer comme un cochon. Pour bien finir sa journée, ce cochon se mettra au lit et attendra que sa femme termine de ranger pour la pénétrer, mais elle tardera un peu, il finira par s'endormir en ronflant."

Un grand écrivain, un grand livre, vite quelque chose de plus léger pour décompresser.
4,5/5
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Lorsque partir veut dire fuir des conditions de vie difficiles comme le chômage, le malaise politique, la corruption de la police, les humiliations et le manque de liberté, cela devient une obsession, une quête et une fin en soi. Partir au risque de sa vie…

Lorsque s'en aller c'est quitter ses origines, sa famille et ses racines, c'est aussi mourir un peu, c'est laisser un bout de son âme qui ne se recollera plus, un organe amputé qui ne se régénèrera jamais.

Lorsque quitter son pays natal est la seule alternative envisagée par les jeunes marocains désenchantés, cela donne un récit fort et poignant appuyé par une écriture sensible et poétique. L'auteur aborde des sujets tels l'homosexualité, l'Islam, l'hypocrisie liée à la religion, la condition de la femme et le décalage entre les croyances anciennes et les temps modernes.

C'est une descente un peu sombre dans un tunnel et au même temps c'est pétillant d'humanité et chargé d'un regard plein de chaleur empathique. Tahar Ben Jelloun déchire le voile des apparences ou des pudeurs pour plonger son regard au coeur d'une dure réalité avec une écriture parfois saignante, mais toujours préservée de facilité. le récit est rythmé de questions et alterne les chapitres concernant chacun des personnages.

La frontière est mince entre le Maroc et l'Espagne mais elle l'est tout autant entre espoir et désespoir, entre attente et déception, entre étouffer et se brûler, entre les questionnements sur l'identité et le désir de vivre libre, ailleurs.

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Azel et Kenza, comme tant d'autres jeunes, ne rêvent que de quitter le Maroc, d'échapper à la pauvreté, à la cruauté et à la mafia locale. le pays perd ses forces vives au profit d'une Espagne aux airs d'El Dorado. « Quitter le pays. C'était une obsession, une sorte de folie qui le travaillait jour et nuit. Comment s'en sortir, comment en finir avec l'humiliation ? Partir, quitter cette terre qui ne veut plus de ses enfants, tourner le dos à un pays si beau et revenir un jour, fier et peut-être riche, partir pour sauver sa peau, même en risquant de la perdre… » (p. 25) Nombreux sont ceux qui tentent de traverser le bras de mer entre l'Espagne et le Maroc. Au matin, on retrouve leurs corps gonflés sur les plages. Au Maroc, on dit que traverser la mer et partir, c'est « brûler ». le départ, c'est un peu un suicide. Et pour ceux qui gagnent les côtes espagnoles, la solitude de l'immigré est une autre mort.

Pour Azel, le départ prend les traits de Miguel, un riche Espagnol homosexuel. le jeune homme se soumet aux désirs de son protecteur et espère mener la vie dont il rêvait dans ce nouveau pays. Dès qu'il le peut, il écrit une lettre. Son destinataire n'est autre que son pays d'origine : au Maroc, il déclare son amour, il confie ses espoirs et adresse ses reproches. « Soigner les apparences et faire des cochonneries en douce, c'est ça le Maroc qui m'énerve. » (p. 97) Hélas, Azel laisse s'échapper ses rêves et se perd lui-même. Finalement, quitter le Maroc semble moins prometteur que d'affronter ses vicissitudes.

Il y a différentes façons de partir : certains échappent au pays, d'autres quittent une identité, d'autres encore courent après un rêve. Mais tous les immigrés le savent, le départ n'est jamais une fin en soi. « Nous partons, mais toujours pour revenir. » (p. 269) Ce roman polyphonique mêle des voix furtives et des voix récurrentes. le Maroc parle au travers de ses enfants, il pleure leur départ et attend leur retour. Cette galerie de portraits parle d'Islam, de sexualité, de péché et surtout d'humanité. « Vous savez, il vaut mieux partir du principe que l'homme est bon, s'il se révèle mauvais, c'est lui qui se fait mal. C'est une question de sagesse. » (p. 273) Pas de manichéisme dans ce roman, ni de leçon de morale. C'est plutôt une troublante élégie et un puissant hommage à la jeunesse et à la terre natale.
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Il y aurait beaucoup à dire sur ce roman. Tout d'abord c'est le premier livre de Ben Jelloun que je lis, je le connaissais pour avoir apprécié plusieurs citations et extraits, j'aimais déjà son écriture mais je n'avais pas eu l'occasion de le lire vraiment. Voilà qui est fait et je ne suis pas déçue, juste surprise. Ben Jelloun nous fait découvrir une face cachée, honteuse de ce Maroc qu'il aime, il écrit sans détours et sans jugement, je ne m'attendais pas à cela. L'écriture est belle mais avec beaucoup de contradictions. Des passages pleins de poésie et de sensibilité et d'autres violents et crus. On y découvre une jeunesse marocaine désespérée, la tête remplie de rêves et le coeur épris de liberté. Ici il est question de choix, à faire et à assumer. Il est surtout question de départs, partir pour fuir une trop dure réalité, partir pour tenter de réaliser des rêves, partir pour se construire, ...partir à nimporte quel prix! et le prix à payer est toujours bien cher, trop cher! Les destins se croisent et se recroisent...on suit des personnages hauts en couleurs, auxquels on a du mal à s'attacher réellement tant ils sont pleins de contradictions eux aussi...Sauf pour moi Miguel qui est un personnage complexe que l'on découvre peu à peu et qu'on apprend à apprécier, c'est pour moi une figure centrale de ce roman. Un livre à lire assurément, un auteur à découvrir si cela n'est pas déjà fait!
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14 kilomètres séparent Tanger de l'Espagne. 14 petits kilomètres à « brûler » pour atteindre l' Eldorado. Partir, quitter cette ville sans avenir, sans espoir de trouver un travail, de construire une vie. Ils sont chaque jour des centaines à s'engager dans des embarcations de fortunes pour gagner l'autre rive.
39 chapitres pour sonder l'intime d'une vingtaine de personnages. Tahar BEN JELLOUN avec sensibilité et humour nous laisse percevoir la désespérance de ces jeunes marocains, prêts à tout quitter pour réaliser leur rêve.
Sorti en 2006, ce roman aborde déjà le prosélytisme des Frères Musulmans. Les mirages et les pièges de l'immigration sont finement décrits. Homosexualité, sexe, sensualité, amour, corruption, violence policière, dévoilent une société marocaine en pleine mutation.
Le dernier chapitre intitulé « Revenir »est très beau…
Encore un excellent BEN JELLOUN.

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Partir, c'est le rêve d'un bon nombre de Marocains de Tanger, qui peuvent apercevoir la nuit les lumières de l'Espagne, située à quatorze petits kilomètres seulement et porteur de tant d'espoir.

Car au pays, la situation n'est pas brillante : les jeunes diplômés ne savent que faire de leur diplôme durement acquis, la corruption est présente à tous les niveaux, la justice est souvent inexistante, épisodiquement sévère et implacable pour «nettoyer» le territoire de ses mauvais éléments.

Certains jeunes tentent la traversée, dans des conditions déplorables, même si peu passe à travers les mailles du filet. Pour les autres, retour au pays, ou pour les plus malchanceux, noyade dans les eaux de la Méditerranée. D'autres se laissent tenter par les promesses de l'islamisme, et disparaissent dans des réseaux souterrains. Azel a choisi la prostitution : Miguel, un riche espagnol, profite de sa situation, et bien qu'Azel ne soit pas homosexuel, il accepte de devenir l'amant de ce personnage qui peut l'aider à obtenir ses papiers. le prix est pourtant dur à payer : destruction de son identité, honte, humiliation. de plus, il se rend compte que l'Europe est loin d'être le paradis fantasmé.

Le roman dresse un tableau assez sombre de la société marocaine, sans toutefois tomber dans le sentimentalisme. On suit le parcours de plusieurs jeunes, coincés entre le manque d'avenir dans leur pays et les rêves européens qui se brisent trop vite. Un beau roman, triste, mais qui constitue un témoignage important sur les dures réalités de l'émigration.
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Le thème de la nostalgie revient pratiquement dans tous les romans du grand écrivain marocain, Tahar Ben Jelloun, mais c'est la première fois que cet auteur lui consacre entièrement un livre. Peut-on vraiment oublier son pays natal, une fois le succès réalisé à Paris et même quand la fortune tant recherchée par certains est accumulée? La réponse de Ben Jelloun est catégorique : “Non”. L'écrivain va plus loin en déconseillant à ceux qui ne sont pas encore partis de ne pas le faire sauf en cas d'extrême besoin. Car en vivant ailleurs, on porte tout le temps le pays natal dans le coeur et la souffrance de l'éloignement de son milieu naturel est impossible à évacuer. "Partir est un verbe plus fort qu'" émigrer " ou "s'exiler" : il exprime le mouvement, la détermination, laisse imaginer le non-retour. C'est une idée fixe dans la tête de beaucoup de jeunes marocains : toute une jeune génération, qui a fait des études mais ne trouve pas de travail, se met à regarder de l'autre côté de la Méditerranée, espérant résoudre le problème de son destin en traversant le détroit de Gibraltar".C'est avec une infinie nostalgie qu'il évoque la ville de Tanger qui l'a tant envoûté: "De jour, par beau temps, on voit les côtes espagnoles et la petite ville de Tarifa ; de nuit, on voit les lumières scintiller. L'inverse est vrai aussi : de Tarifa, on voit Tanger. Avec cette différence énorme que les Espagnols ne s'installent pas dans des cafés pour regarder les côtes marocaines !". Ce roman de tahar ben jelloun se déroule dans les années 1990.Il commence en 1994-1995, avec l'assainissement décidé par Hassan II et son ministre de l'Intérieur pour lutter contre le trafic de drogue, et se termine sur une lueur d'espoir, avec l'arrivée du jeune roi Mohammed VI en 1999:" cet " assainissement " a été fait en dépit du bon sens : les grands mafieux n'ont pas été vraiment inquiétés, mais on s'est acharné sur des petits trafiquants, parfois sur des innocents. Ce grand coup médiatique a fait beaucoup de dégâts, notamment en matière de respect des droits de l'Homme", son style d'écriture est unique en son genre, car alliant la simplicité du vocabulaire au lyrisme des expressions : "Il s'attache à montrer des personnages qui vivent dans la clandestinité, sauf ses deux personnages principaux, Azel et sa soeur. Eux ont migré légalement mais, au fond, restent des clandestins, puisque leur immigration a été obtenue de manière quasi illégale – surtout pour Azel, qui n'aurait jamais pu obtenir son visa sans la main tendue de Miguel, ce dandy espagnol. Mais ce n'est pas une main désintéressée ou altruiste : Azel découvrira vite qu'il a préjugé de sa résistance, il ne pourra pas supporter la situation".L'émigration est un enfer mais qu'est ce qui poussent les gens à partir. Les raisons sont multiples. Ben Jelloun en sait quelque chose puisque lui aussi est parti: "L'immigration a généré des richesses de part et d'autre, mais aussi des déchirements, des conflits… Sur le long terme, ce n'est pas toujours une belle aventure : l'arrachement est douloureux, ce qu'on quitte ne pourra pas être reconstruit. Il ne reprocherais jamais à quelqu'un de vouloir s'en sortir par l'immigration, mais si son pays avait les moyens de le retenir, ce serait bien mieux pour tout le monde. Dans ces départs, c'est le retour qui est important : on part pour revenir dans des conditions bien meilleures – quitte à frimer, à louer une voiture sublime pour quelques semaines… Car on ne revient jamais pour soi, toujours pour les autres".
Un roman poignant et saisissant
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Partir est une obsession pour la jeunesse du Maghreb. Quitter cette terre qui ne veut plus de ses enfants, traverser la Méditerranée sur des barques de fortune pour sauver sa peau, même en risquant de la perdre, c'est le risque pris par ces immigrés clandestins appelés en arabe dialectal ‘les Harragas', ce qui signifie littéralement ‘les brûleurs'.
Ils brûlent le pays, la mer, leurs papiers pour brûler toutes les preuves de leur identité afin de rendre impossible leur renvoi dans leur pays.

AZEL est un jeune diplômé en droit qui vit à Tanger. Il est beau, il aime la vie. Mais son avenir est compromis dans un pays miné par la corruption, l'humiliation, l'injustice et les inégalités. Pas de travail sans piston. Il vivote de petits boulots, au crochet de sa soeur, infirmière et de sa mère.
L'idée de prendre le large, ne le quitte plus. Il regarde souvent la mer qui le sépare de l'Espagne ; une mer qui le sépare de la vie, la belle vie, ou la mort ; une mer qui rejette les cadavres de quelques uns et qui dévore d'autres.
Un jour, il croise le chemin de Miguel, un artiste peintre; ce dernier tombé sous son charme, lui propose de le rejoindre à Barcelone. Miguel a une dette envers le Maroc, un pays qui avait accueilli sa famille et beaucoup d'espagnols qui fuyaient la dictature de Franco.
AZEL accepte de jouer l'amant, son unique chance de partir et d'obtenir des papiers en Espagne.
Rassurez-vous, la suite n'est pas une histoire de sexe ou de vice. C'est une immersion dans le destin incertain de ces jeunes qui espèrent trouver une vie meilleure en Europe.

Ce roman écrit en 2006, est d'une actualité ‘brûlante', inquiétante.
Un roman poignant, un sujet qui fâche la bien-pensance et le politiquement correct des sociétés du Maghreb. Un Ben Jelloun égal à lui même.

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Texte résolument moderne tant par le thème : immigration, les Eldorado, que par l'écriture. Des personnages d'aujourd'hui confrontés à l'exil. Superbe
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Le désir d'être ailleurs des marocains et l'appel du large pour un monde qu'ilscroient plus facile est poignant. L'écriture est pure et réaliste, sans misérabilisme bien que le sujet soit brûlant d'actualité.
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