C'est depuis la chambre du garçon avec qui elle vient de faire l'amour pour la première fois que Judith, étudiante de dix-sept ans, pense et se souvient : nue sur le lit, tout contre lui, elle se remémore leur rencontre, ses débuts à la fac, son envol loin du foyer familial et de l'autorité du père, ses peurs ancrées depuis toujours. La jeune femme raconte son histoire, à elle, à nous, à lui, elle se dévoile par fragments, cherchant sa place dans le monde en tant que femme libre, une sensation nouvelle jamais éprouvée auparavant. Plus tard elle découvrira à ses cotés la lutte politique et les revendications étudiantes, et goûtera grâce à lui à la liberté.
Ce récit tout intérieur nous ouvre les portes des pensées d'une jeune femme qui s'émancipe peu à peu du noyau familial, perçu comme un carcan et une oppression, et qui fait ses premiers pas dans la vie d'adulte. Elle y découvre l'amour d'un homme, fait connaissance avec son propre corps de femme et la sensualité qui en émane, qu'elle avait jusque là ignorés, se nourrit de littérature et explore ses convictions personnelles à la lumière des événements politiques qui secouent encore le monde étudiant au lendemain de mai 68.
Par la particularité de l'écriture, aux phrases courtes, révélatrices, à la quasi absence de ponctuation, au style presque oral qui n'est pas sans rappeler l'écriture spontanée d'un journal intime où l'on couche rapidement ses sentiments sur le papier, le lecteur se trouve accueilli au sein de l'intimité de la narratrice. Comme une confidence il reçoit ses pensées, ses émotions, ses sensations, partage avec elle son vécu, la transformation de l'adolescente en femme, la révolte qui la secoue et la conduit à enfin se libérer de l'oppression exercée par son père depuis qu'elle est enfant.
Cette expérience intime parlera sans doute aux grandes adolescentes, qui y retrouveront les émotions qui les envahissent peut-être elles aussi : la révolte contre l'entourage familial, l'envie de hurler, celle de tout quitter pour suivre l'être aimé, la vague extraordinaire qui submerge les sens lors des premiers contacts charnels avec l'autre. Mais si ces émotions universelles pourront encore toucher les adolescentes d'aujourd'hui, il est moins certain que la lutte et les convictions politiques étudiantes de ces années là les interpellent beaucoup.
Pour ma part j'ai trouvé ce récit trop court, je reste toujours un peu sur ma faim avec les livres d'une centaine de pages. J'aurais aimé voir le contexte des années 70 et la vie étudiante davantage développés, mais là n'était sans doute pas l'objectif principal de l'auteur, qui s'attache moins à nous raconter une histoire qu'à déployer les pensées intimes d'une jeune femme qui s'éveille à la vie. L'introspection de la narratrice ne m'a pas particulièrement emportée, même si elle m'a effectivement rappelé les sensations si particulières propres à cet âge, où toutes les émotions sont décuplées, mais qui est désormais un peu loin derrière moi...
Commenter  J’apprécie         40