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Critique de Pecosa


La lecture du Diable en France de Léon Feuchtwanger, de Planète sans visa de Jean Malaquais, des récits des républicains espagnols réfugiés en France ont mis un jour sur ma route les noms de Daniel Bénédite et Varian Fry. Ces deux hommes ont par conscience décidé de tracer tant bien que mal un chemin vers la liberté sous l'occupation pour les intellectuels et réfugiés antinazis de toutes nations, ceux qu'Arthur Koestler nomma à juste titre la lie de la terre. Ces indésirables atterrissent à Marseille dans l'espoir de quitter l'Europe. C'est la "filière marseillaise", une filière qui évolue au gré des contraintes financières, juridiques, diplomatiques, une filière tributaire des ordonnances de Vichy puis de l'invasion allemande de la zone libre, et qui atteint son paroxysme avec l'Opération Sultan. Cette ville est une épine dans le pied de l'occupant qui exècre son cosmopolitanisme et redoute qu'elle ne soit bientôt une porte d'entrée pour un débarquement allié.

"Consternés par l'effondrement de la France, un petit groupe d'intellectuels américains libéraux et d'antifascistes allemands fixés aux Etats-Unis avait été profondément choqué en prenant connaissance du texte de la Convention d'armistice et, plus particulièrement, d'un court paragraphe de son article 19 qui précisait que le gouvernement français s'engageait à livrer aux nazis, à la demande de ceux-ci, tout Allemand se trouvant en France aussi bien que dans les possessions françaises, colonies, protectorats et territoires sous mandat. » Parmi ces hommes, il y a le journaliste américain Varian Fry, l'administrateur du Centre américain de secours, qui va s'adjoindre les talents du Français Daniel Bénédite, ancien agent de liaison auprès des Britanniques pendant la guerre, qui lui succèdera après son expulsion en 1941. Ces initiatives individuelles vont bientôt prendre une importance considérable et sauver des milliers de vies.
Dans Un chemin vers la liberté sous l'occupation, Daniel Bénédicte nous livre son témoignage sur cette période particulièrement intense de sa vie, de 1940 à 1944, au cours de laquelle il croisa des figures majeures de la littérature mondiale (Malraux, Orwell, Breton…), de la peinture, et de la politique. Surveillé par Vichy, arrêté, il participe à la création d'un réseau de renseignement, organise une coopérative pour faire transiter des réfugiés, et entre dans la clandestinité au sein du groupe Franc-Tireur.
Un ouvrage à lire lorsque l'on s'intéresse à la vie intellectuelle et artistique sous l'occupation. Il fourmille d'anecdotes et de portraits d'hommes et de femmes qui ont marqué l'histoire de l'art et de la littérature. Il est aussi un témoignage sur la "drôle de guerre »- Bénédicte est un sous-officier cantonné en Lorraine et rescapé de Dunkerque- puis la libération de la Provence. Ce chemin de la liberté est aussi celui des nombreux républicains espagnols et brigadistes, et on y trouve de très nombreuses lignes consacrées à la Retirada, aux camps du sud de la France, et à la guerre civile. "Une nouvelle alarmante nous attendait à Marseille: le gouvernement espagnol insistait auprès de Vichy pour que Francisco Largo Caballero lui soit livré. le vieux « Paco », pour qui l'hospitalité offerte par le Mexique pouvait être assimilée à une véritable assurance-vie, avait été arrêté et la chambre des mises en accusation de la cour d'appel d'Aix-en-Provence devait statuer sur la demande d'extradition. Dans l'immédiat, on ne pouvait envisager qu'une seule intervention: faire, autant que possible, traîner en longueur de procédure ».
Un chemin vers la liberté trace le parcours d'un homme d'honneur, et permet au lecteur de se faire une idée plus juste de la Filière marseillaise et des trésors de ressources qu'elle mobilisa pour sauver des vies, dans une période sombre où les initiatives individuelles vinrent se substituer à l'inertie des états.
Je remercie les Editions le Félin, Collection Liberté-Mémoire pour l'envoi de cet ouvrage passionnant.
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