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EAN : 9782866458508
559 pages
Le Félin (12/01/2017)
4.38/5   4 notes
Résumé :
C’est peu dire que le parcours de Daniel Bénédite entre 1940 et 1944 est peu ordinaire. Bras droit de Varian Fry au Centre américain de secours, prenant sa suite lorsqu’il est expulsé de France, il est l’un des principaux artisans de la « filière marseillaise » qui permet à des intellectuels, des savants, des artistes, des réfugiés antinazis souvent juifs de quitter l’Europe, légalement ou non. Il héberge ou côtoie Breton, Ernst, Brauner, Duchamp, Chagall, Matisse, ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
La lecture du Diable en France de Léon Feuchtwanger, de Planète sans visa de Jean Malaquais, des récits des républicains espagnols réfugiés en France ont mis un jour sur ma route les noms de Daniel Bénédite et Varian Fry. Ces deux hommes ont par conscience décidé de tracer tant bien que mal un chemin vers la liberté sous l'occupation pour les intellectuels et réfugiés antinazis de toutes nations, ceux qu'Arthur Koestler nomma à juste titre la lie de la terre. Ces indésirables atterrissent à Marseille dans l'espoir de quitter l'Europe. C'est la "filière marseillaise", une filière qui évolue au gré des contraintes financières, juridiques, diplomatiques, une filière tributaire des ordonnances de Vichy puis de l'invasion allemande de la zone libre, et qui atteint son paroxysme avec l'Opération Sultan. Cette ville est une épine dans le pied de l'occupant qui exècre son cosmopolitanisme et redoute qu'elle ne soit bientôt une porte d'entrée pour un débarquement allié.

"Consternés par l'effondrement de la France, un petit groupe d'intellectuels américains libéraux et d'antifascistes allemands fixés aux Etats-Unis avait été profondément choqué en prenant connaissance du texte de la Convention d'armistice et, plus particulièrement, d'un court paragraphe de son article 19 qui précisait que le gouvernement français s'engageait à livrer aux nazis, à la demande de ceux-ci, tout Allemand se trouvant en France aussi bien que dans les possessions françaises, colonies, protectorats et territoires sous mandat. » Parmi ces hommes, il y a le journaliste américain Varian Fry, l'administrateur du Centre américain de secours, qui va s'adjoindre les talents du Français Daniel Bénédite, ancien agent de liaison auprès des Britanniques pendant la guerre, qui lui succèdera après son expulsion en 1941. Ces initiatives individuelles vont bientôt prendre une importance considérable et sauver des milliers de vies.
Dans Un chemin vers la liberté sous l'occupation, Daniel Bénédicte nous livre son témoignage sur cette période particulièrement intense de sa vie, de 1940 à 1944, au cours de laquelle il croisa des figures majeures de la littérature mondiale (Malraux, Orwell, Breton…), de la peinture, et de la politique. Surveillé par Vichy, arrêté, il participe à la création d'un réseau de renseignement, organise une coopérative pour faire transiter des réfugiés, et entre dans la clandestinité au sein du groupe Franc-Tireur.
Un ouvrage à lire lorsque l'on s'intéresse à la vie intellectuelle et artistique sous l'occupation. Il fourmille d'anecdotes et de portraits d'hommes et de femmes qui ont marqué l'histoire de l'art et de la littérature. Il est aussi un témoignage sur la "drôle de guerre »- Bénédicte est un sous-officier cantonné en Lorraine et rescapé de Dunkerque- puis la libération de la Provence. Ce chemin de la liberté est aussi celui des nombreux républicains espagnols et brigadistes, et on y trouve de très nombreuses lignes consacrées à la Retirada, aux camps du sud de la France, et à la guerre civile. "Une nouvelle alarmante nous attendait à Marseille: le gouvernement espagnol insistait auprès de Vichy pour que Francisco Largo Caballero lui soit livré. le vieux « Paco », pour qui l'hospitalité offerte par le Mexique pouvait être assimilée à une véritable assurance-vie, avait été arrêté et la chambre des mises en accusation de la cour d'appel d'Aix-en-Provence devait statuer sur la demande d'extradition. Dans l'immédiat, on ne pouvait envisager qu'une seule intervention: faire, autant que possible, traîner en longueur de procédure ».
Un chemin vers la liberté trace le parcours d'un homme d'honneur, et permet au lecteur de se faire une idée plus juste de la Filière marseillaise et des trésors de ressources qu'elle mobilisa pour sauver des vies, dans une période sombre où les initiatives individuelles vinrent se substituer à l'inertie des états.
Je remercie les Editions le Félin, Collection Liberté-Mémoire pour l'envoi de cet ouvrage passionnant.
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Dans « Oppède » (Editions Brentano's 1945) j'avais appris que Consuelo de Saint- Exupéry avait été prise en charge à Marseille, quelque temps, par le comité Fry, hébergée au « château Air Bel » sorte de phalanstère hétéroclite , et j'étais restée avec l'envie d'en savoir plus sur cette organisation et son histoire.
Voilà qui est fait avec le livre "Un chemin vers la liberté sous l'occupation" de Daniel Bénédite, que j'ai reçu dans le cadre de la Masse critique. Cet ouvrage, dense, généreux en informations, résulte, en grande partie, des rapports, des notes prises par Bénédite, au jour le jour entre 1941 et 1944.
L'auteur (né Undemacht), rescapé de Dunkerque en 1940, démobilisé, ne reprit pas son poste de fonctionnaire dans les services préfectoraux de Paris et se replia sur Marseille. Il deviendra ainsi, le collaborateur puis le bras droit de Varian Fry qui dirigeait le Centre américain de secours (CAS) fondé en septembre 1940 ayant pour but officiel d'offrir une aide aux réfugiés, notamment aux intellectuels et artistes (sculpteurs, musiciens, universitaires, romanciers, poètes, journalistes… »
Il prendra sa suite quand Fry sera expulsé de France en septembre 1941.
Cette structure deviendra rapidement une filière clandestine pour soustraire les réfugiés politiques allemands, autrichiens, républicains espagnols… les juifs aussi de toutes nationalités , menacés d'être livrés aux nazis en vertu de l'article 19, 2e alinéa de la Convention d'armistice du 22 juin 1940.
« le gouvernement français est tenu de livrer sur demande tous les ressortissants allemands désignés par le gouvernement du Riech et qui se trouvent en France… »
Pour cela, elle organisera, légalement ou clandestinement, le départ mûrement préparé ou la fuite dans l'urgence hors de France de ces personnes, condamnées, à brève échéance. (On peut citer André Breton, Marc Chagall, Marcel Duchamp, Marx Ernst, Lion Feuchtwanger - l'auteur du Juif Süss- , Stéphane Hessel, von Hildebrand Franz, Otto Hirschman, Heinrich Mann, Mehring Walter, Otto Meyerhof, Anna Seghers, l'illustre professeur de neurologie Bruno Strauss, elle s'occupera aussi de Frans Maserel, artiste pacifiste qui vivait à Avignon, et de bien d'autres encore – Il n'y a pas eu de décompte exhaustif, on peut estimer que plus de 2 500 personnes furent ainsi sauvées ).
Avec moult détails, Bénédite raconte cette période difficile où il fallait afficher une activité officielle et légale : interventions et démarches d'assistance aux réfugiés, tenue de la comptabilité idoine mais aussi oeuvrer clandestinement en trouvant des lieux de refuge " hiding," « le nerf de la guerre », l'argent indispensable à cette « résistance sauvage », les passeurs ( il y en eu quelques-uns de sûrs, d'autres mafieux, hâbleur aigrefins (La pègre marseillaise est, ici, fidèle à sa renommée !) qui mirent, plusieurs fois, l'organisation en péril), faire fabriquer et acheter de faux passeports, corrompre certains fonctionnaires, jongler avec les comptes d'une trésorerie occulte en effectuant , notamment, des transactions financières à base de trafics de devises. ..
Il explique aussi les difficultés rencontrées avec certaines personnalités qui refusaient de quitter la France dans des conditions précaires (voyage en troisième classe, sur des cargos surchargés) Certains à en vouloir trop, y laissèrent leur vie, au grand dam de l'organisation.
C'est cette tâche, souvent pharaonique et bien sûr très dangereuse qu'il tentera d'assumer au mieux jusqu'à ce 2 juin 1942 où la Police viendra lui signifier son accusation pour « atteinte à la sûreté de l'Etat ». Gaston Defferre son jeune avocat le fera sortir de prison.
Après le départ forcé de Varian Fry, l'entrée en guerre des Etats-Unis, le CAS pourra encore fonctionner sans trop de difficulté.
Mais, pour lui aussi, viendra le temps de « se mettre au vert » avec une "autre tête", muni de faux papier, d'une nouvelle identité, il est , Marcel Corblet, originaire d'Amiens . Il ira travailler sur un chantier forestier au nord de Draguignan, puis dans le Var dans la forêt du Pélenq, avec un autre patronyme , Jean-Daniel Benetti, cette-fois , natif de Corse, où il côtoiera des réfractaires, des juifs, des républicains espagnols. Il deviendra responsable ce chantier un peu particulier, en lien avec le maquis . Mais la Gestapo resserre les mailles. Il sera arrêté pour détention de faux papiers. Emprisonné à Brignoles, puis à Draguignan, enfin aux Baumettes à Marseille, il sera libéré par les FFI le 16 août 44.

Ce livre fourmille de renseignements particulièrement intéressants. Les photographies annexées sont aussi des témoignages fort.
Jean-Marie Guillon, professeur émérite en histoire contemporaine et Jean-Michel Guiraud , agrégé d'histoire ont enrichi ce récit par de très nombreuses annotations pertinentes et ont amender quelques points (peu) pour mieux respecter l'authenticité de cette période de l'Histoire .
Cette lecture a pris du temps, car au fur et à mesure des informations que je découvrais je n'avais de cesse de les exploiter et d'opérer d'autres investigations tant ce que je lisais me captivait.
Cet ouvrage est éditer dans la collection « Résistance » -liberté mémoire- que je ne connaissais pas ,
Il me reste d'autres titres tout aussi intéressants à découvrir !
Mes remerciements les plus chaleureux aux Editions le Felin et à Babelio.
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Je remercie Babelio et les éditions du Félin pour m'avoir offert ce livre dans le cadre d'une opération "masse critique".

J'ai trouvé ce livre sur la Résistance durant l'Occupation nazie très intéressant par la singularité du parcours de résistant de Daniel Bénédite.

Dans une courte introduction et à travers 3 flash back l'auteur nous fait part de ses souvenirs des trois cent trois jours qui se sont écoulés entre sa mobilisation et la signature de l'armistice. Il nous fait ainsi part de l'absence de sens moral de l'armée française durant la "drôle de guerre", ensuite de la supériorité militaire des Allemands puis une fois la défaite consommée le désir de se révolter.

Mais l'essentiel de ce récit est narré en deux parties.
La première concerne la filière marseillaise de 1940 à 1942. Daniel Bénédite devient le collaborateur de Varian Fry au Centre américain de secours avant d'en prendre la direction. Ce dernier a pour but de permettre à des intellectuels, savants, artistes antinazis très souvent juifs de quitter la France. L'ouvrage très factuel fourmille des péripéties légales ou illégales pour permettre à ces personnes traquées d'échapper à Vichy et aux Allemands. On côtoie Breton, Victor Serge, Duchamp, Chagall, Malraux et bien d'autres.

Plusieurs fois arrêtés, défendu par Gaston Deferre, le Comité en sommeil, Daniel Bénédite part dans le Var fonder un chantier forestier avec pour but de devenir un maquis armé. C'est l'objet de la 2ème partie.
Dans un premier temps le chantier permet d'accueillir des réfugiés espagnols, juifs ou français menacés. L'auteur intellectuel urbain vit dans un environnement rural, rude et rustique. Il raconte les difficultés de toutes sortes pour trouver de la nourriture, économique pour faire fonctionner le chantier où l'on fabrique du charbon de bois. Puis c'est l'excitation avec les défaites allemandes et les forces alliées qui s'approchent de la France, les parachutages d'armes et les combats après le débarquement de Provence.

L'intérêt de ce livre réside dans un parcours et un thème bien différent des livres témoignages de la Résistance.

L'ouvrage est accompagné de photos et de correspondances entre l'auteur et Varian Fry.
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Citations et extraits (6) Voir plus Ajouter une citation
Pages 199/200…

« Un soir, (19 mars 1941) quelques jours avant le départ des vedettes du "château" Varian consulte l’assemblée :

-André Malraux est de passage à Marseille, dit-il. Que diriez-vous si je l’invitais à dîner ici avec nous ?

- Pourquoi pas dit Victor, j’aimerais assez lui dire ce que je pense de sa collusion avec les staliniens en Espagne

Mais André (Breton) manque visiblement d’enthousiasme:

-Si vous y tenez Varian… Mais je ne vois pas, moi, ce que je pourrais bien dire à ce Monsieur Malraux…

Tenant compte de cette réserve, Fry estime qu’un dîner en petit comité conviendrait mieux pour cette rencontre. Nous ne sommes donc que Théo (épouse de Bénédite), Victor (Serge Victor dit Viktor Lvovitch Kibaltchine 1890-1947) auteur de l’Affaire Toulaèv 1948, Mémoires d’un révolutionnaire 1951) Varian et moi avec Malraux, le 19 mars, autour d’une table du restaurant Le Dantesque. Je trouve notre hôte très changé depuis que je l’avais rencontré, six ans auparavant, à un meeting du Comité de Vigilance des Intellectuels Antifascistes, salle Bullier, où je participais au service de l’ordre. Il est affecté de tics gênants, souffle violemment par le nez en secouant la tête et, poussant des « hon » sonores, il ramène constamment en arrière, d’une main fébrile, la mèche qui lui tombe sur le front et son regard est, à certains moments, celui d’un halluciné. Mais l’ambiance est assez détendue. Malraux qui a pris ses distances avec les communistes, écoute attentivement les reproches de Victor est convient que "beaucoup d’erreurs ont été commises, lors de la répression de mai 1937 en Catalogne" . Après dîner, il nous emmène dans une salle aménagée en cinéma clandestin, où il présente à quelques amis des bandes de son film Sierra de Teruel tiré de son roman L’Espoir (1.)
Je suis bouleversé par la dernière séquence, quand toute la population valide d’un village aragonais accompagnant les civières des aviateurs internationaux blessés, et que, à l’arrivée au premières maisons, les vieillards et les infirmes se redressent pour saluer le cortège, poing levé. Ces images restent pour moi les plus belles du cinéma français.

(1 )Publié fin 1937, c'est le roman français, qui, par excellence, fait partager les espérances et le sort des Républicains espagnols. Le film que Malraux en tire sort en 1939, mais sa diffusion a été interrompue par la guerre.
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Il vit ensuite un autre écrivain antifasciste de choc, Lion Feuchtwanger, l'auteur du Juif Süss (que Goebbels trafiqua pour en tirer un film violemment antisémite). Il avait été libéré d'un camp d'internement sur l'intervention personnelle d'un vice-consul des Etats-Unis. Hiram Bingham, qui n'hésitait pas à se compromettre au point d'héberger le suspect à son domicile.
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(…) Consuelo est amusante et met bien de l’humour à raconter sa jeunesse centre-américaine et ses rapports conjugaux avec « Tonio ». Elle grimpe aux arbres comme un singe et en fait son salon de lecture favori : « Si vous voulez me rendre une petite visite, disait-elle, je suis sur la deuxième grosse branche du platane de gauche ».
page 553 :
Saint-Exupéry (de) Consuelo, née Consuelo de Suncin Sandoval (Armenia, Salvador, 1901, Grasse, Alpes-Maritimes 1979) Artiste-peine et sculpteur, épouse d’Antoine de Saint-Exupéry en 1931 à Nice, réfugiée à Marseille en 1940, dans l’attente d’un visa tandis que son mari est aux Etats-Unis, elle est abritée quelques temps à la villa Air-Bel, où elle retrouve les artistes surréalistes. Elle rejoint par la suite la communauté d’artistes installée dans le Luberon, à Oppède-le-Vieux, autour de l’architecte Bernard Zehrfuss. En décembre 1941, elle réussit à s’embarquer pour l’Amérique où elle publiera ses souvenirs de 1940-41 (Kingdom of the Rocks, Memories of Oppède, New York, 1945.)

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La guerre d’Espagne joua pour moi le rôle d’un révélateur. Jusque-là pacifiste autant qu’antimilitariste, je devins, du coup, partisan convaincu de l’aide massive aux républicains d’Outre-Pyrénées, une aide pouvant comporter éventuellement, surtout après l’échec patent des efforts de Léon Blum pour éviter l’internationalisation du conflit, même une intervention directe (1) Je pensais qu’il fallait aller combattre le fascisme sur le terrain qu’il avait choisi pour éprouver sa force Pendant plusieurs mois, j’ai sérieusement envisagé de partir m’engager dans les milices confédérales et je l’aurais probablement fait si je n’avais pas été jeune marié.
(1) Allusion à la politique de non-intervention du gouvernement de Front populaire dirigé par Léon Blum.

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C'est à notre retour à Marseille, le 9 novembre 1942, que nous apprenons le débarquement anglo-américain en Afrique du Nord. Ce jour-là , le quai des Belges paraît très animé. Des hommes, des femmes vont et viennent, sans perdre de vue l'entrée du Vieux-Port, par-delà le pont transbordeur. Je demande à un de ces promeneurs ce qu'il fait là. "On attann les Américaings qui vonnt arriver d'un momann t'à l'otre(1) Ah, bon !
1 L'anecdote relève de la galéjade
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