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4,12

sur 311 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Ce Journal qu'elle a tenu et dédié à son ami, qui, lui, avait quitté la France occupée et a survécu, aujourd'hui conservé au Mémorial de la Shoah, est un document exceptionnel sur la vie au jour le jour d'une étudiante juive dans le Paris de l'Occupation. Et d'une jeune femme très lucide sur le sort qui l'attend. Ses proches sont arrêtés les uns après les autres, et les rumeurs sur les traitements qui leur sont infligés sont de plus en plus alarmantes. « On a parlé aussi des gaz asphyxiants par lesquels on aurait passé les convois à la frontière polonaise. Il doit y avoir une origine vraie à ces bruits », rapporte ainsi la jeune femme en novembre 1943.
Et pourtant, ils ne partent pas... Hélène Berr, jusqu'à son arrestation et sa déportation à Bergen-Belsen où elle est morte du typhus en avril 45, a travaillé dans une association qui aidait à cacher dans des familles des enfants dont les familles étaient déportés.

C'est écrit sans plainte, sans pathos, simplement, de jour en jour on sent la tension monter dans les petites notes prises, les réflexions sur le mal, sur les motivations de cet acharnement , l'incompréhension grandissante entre juifs et non juifs, et puis le désarroi de plus en plus grand qui lui fit finalement arrêter même la musique , mais garder ,dans sa dernière lettre à sa soeur, encore un peu d'humour.
C'est bouleversant de lucidité et d'analyse .

Extrait, très long, mais tellement.. représentatif du texte lui-même:

"La Mort pleut sur le monde. de ceux qui sont tués à la guerre, on dit qu'ils sont des héros. Ils sont morts pourquoi? Ceux qui étaient de l'autre côté se sont figurés qu'ils mouraient pour la même chose. Alors que chaque vie a tant de prix en elle-même.
The pity of it, Iago! O Iago, the pity of it, Iago!
Ce que j'écris scandaliserait beaucoup de gens. Et pourtant, s'ils réfléchissaient, s'ils cherchaient au fond de leur coeur, que trouveraient-ils d'autre? Je ne crois pas être lâche donc je me permets d'écrire ces choses. Ceux qui, au nom de la "bravoure", du "courage", du "patriotisme" pousseraient les hauts cris en m'entendant , ne sont au fond que sous l'empire de passions erronées. Ils se trompent, ils sont aveugles.
D'ailleurs, ceux qui ont combattu au front après deux ans, pendant l'autre guerre, n'ont-ils pas connu ce qu'ils croyaient être une " désillusion" , et qui, au fond, n'était que la disparition de ces passions erronées? Quand ils avouent qu'ils n'avaient même plus de haine pour le boche, qu'ils ne savaient plus ce qu'il en était. Dans La vie des martyrs de Duhamel, dans l'Epilogue des Thibault, dans La Pêche miraculeuse de Pourtales.
Seulement, ils se considéraient alors comme dépassées par une fatalité trop lourde pour se révolter contre elle. Alors qu'à l'origine, cette "fatalité" avait été mise en branle par des hommes, qu'elle était une oeuvre humaine.
J'ai parlé de la Vie des martyrs, ce cadeau de fête de Mme Schwartz. Ma fête, elle était déjà incomplète sans Jean,mais j'avais eu de la douceur tout de même, mes amies, et ses lettres aussi. Maintenant, j'ai l'impression d'être dépouillée de tout, nue, naked to the awaited stroke

Oui, la Vie des Martyrs est un livre qui m'a désespérée, car il atteint à cette impartialité que j'estime plus que tout, mais de cette hauteur là, on ne voit que désolation. Où est la solution? Peut-être ceux qui sont partiaux sont-ils plus heureux, parce qu'ils trouvent une solution, si erronée soit-elle, ils ont un but: un objet de haine, c'est beaucoup moins angoissant que de ne pas avoir de haine.
Je pense maintenant que le plus grand degré de perfection auquel l'humanité soit en mesure d'aspirer, c'est cette impartialité. Après... je ne sais pas encore; je ne vois pas la solution; je ne peux pas en parler, c'est comme de la vie future. J'ai simplement un pressentiment que c'est dans cette voie là, une fois ce stade atteint, que se trouve la solution.
C'est pour cela que malgré tout, malgré l'absence de jugement prononcé, la Vie des martyrs reste une magnifique leçon. Duhamel ne se prononce pas: il donne les faits, impartialement, les résultats de cette chose furieuse, folle, aveugle qu'est la guerre, et en tout cas il dévoile dans toute sa nudité l'erreur terrible qui est à la base de cette chose.
Je me souviens d'avoir été étonnée, presque irritée par cette absence de passion. "Où voulait-il en venir?" symbolise à peu près mon état d'esprit. Après, à la longue, j'ai compris quelle immense leçon était implicitement contenue dans ces pages, et elle s'est dégagée pour moi.
" "Rien ne devient réel avant qu'on en ait eu l'expérience- même un proverbe n'est pas un proverbe avant que votre vie n'en ait donné un exemple." Keats
J''écris cette phrase qui n'a aucun rapport avec ce qui précède, parce qu'elle m'a frappée ce matin, elle résume le principal problème qui se pose à moi: celui de la compréhension humaine et de la sympathie. Il semble que tout découle de cela..."

1er novembre 1943




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Lecture difficile, non pas à cause de l'écriture, mais en raison du contexte.
On suit à partir de 1942, Hélène, à travers son journal, dans sa vie de tous les jours. Hélène habite Paris, étudie à la Sorbonne, joue de la musique, tombe amoureuse… La vie normale d'une jeune fille, sauf qu'Hélène est juive et que c'est la seconde guerre mondiale. le port de l'Etoile jaune sera imposé, son père sera arrêté une première fois, puis libéré sous caution versée par son employeur. Elle verra peu à peu ses connaissances, amis proches ou parents, déportés par les Allemands… Elle exprimera à travers son journal son incompréhension de la situation et de la méchanceté de l'espèce humaine. Comment comprendre que la plupart des gens aient pu fermer les yeux et laisser les juifs se faire exterminer ?
A lire et à relire pour ne pas oublier…
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J'ai entendu parler de ce journal grâce aux Bibliomaniacs, qui était un des coups de coeur de l'une d'entre elles (Léo je crois), en commençant la lecture je savais donc où je mettais mes yeux et j'ai attendu le bon moment pour le lire. La préface, émouvante et juste de Patrick Modiano donne le ton de ce que je vais découvrir ensuite. Il la compare à une plume similaire à celle de Katherine Mainsfield. Quel beau compliment pour elle qui aimait tant la littérature anglaise…..

Le livre est près de mon clavier et il est rempli de marque-pages, autant de repères dans ce livre où je me suis arrêtée si souvent émue ou interpellée, où j'ai pris le temps de réfléchir à ce qu'Hélène Berr nous transmet, c'est tellement profond, émouvant que je sais d'avance que je ne pourrai pas tout vous relater car il n'y a parfois aucun mot pour le dire.

Elle met en évidence tellement de questionnements, de façon objective, argumentée que l'on ne peut que noter, arrêter sa lecture pour réfléchir, remettre en question certains aspects sous un autre jour. Bien sûr c'est une lecture où la gorge se noue, où les larmes montent aux yeux tant pour les faits que pour la femme qui écrivait.

1942 – Paris, Hélène Berr commence à tenir un journal car elle a comme un pressentiment que sa vie ne va plus être la même désormais. Elle est à un moment de sa vie où tout se bouscule : études, guerre, amour. Elle devrait ne penser qu'à vivre, à aimer, à sourire mais depuis quelques semaines l'étau se resserre sur les juifs, le port de l'étoile devient obligatoire, elle refuse de s'y plier dans un premier temps puis la porte :

Seulement si je la porte, je veux toujours être très élégante et très digne, pour que les gens voient ce que c'est. Je veux faire la chose la plus courageuse. Ce soir je crois que c'est de la porter. (p54)

les discriminations envers les juifs sont de plus en plus nombreuses, sanctionnées en cas de violation et surtout les rafles sont de plus en plus fréquentes. Les appartements des voisins, amis se vident de leurs occupants et leurs contenus sont pillés.

Son père, polytechnicien, sera une première fois arrêté et interné à Drancy d'où il sera libéré grâce à une « rançon » payée par ses employeurs,

En échange de Papa, ils nous prennent ce que nous estimions le plus : notre fierté, notre dignité, notre esprit de résistance. Non lâcheté. Les autres gens croient que nous jouissons de cette lâcheté. Jouir ! Mon Dieu. Et au fond, ils seront contents de ne plus avoir à nous admirer et à nous respecter. (p92)

certains membres de sa famille partiront s'exiler en zone dite libre, mais Hélène et ses parents, après moult hésitations, décident de rester dans l'appartement qu'ils occupent à Paris jusqu'en Mars 1944 vivant dans la peur jusqu'à leur arrestation et leur déportation.

Au cours des trois années où ce journal est tenu, le ton va évoluer.

En 1942 Hélène raconte par le menu ses sorties, ses activités, elle fréquente la Sorbonne, prépare une agrégation d'anglais, a fait des études de philosophie, elle joue du violon, a de nombreux amis, s'évade souvent dans la maison familiale qu'ils possèdentà Aubergenville où pendant quelques heures elle goutte au bonheur simple de cueillir et manger des fruits. La guerre semble parfois lointaine. le ton est assez léger même si on sent poindre ça et là les craintes, les observations, les doutes d'Hélène. Elle se révolte sur le port de l'étoile mais elle ne peut résister longtemps, elle ne fait pas le poids. Au mois de Juillet la rafle du Veld'hiv et les arrestations massives mettent la famille face à la réalité de ce qui arrive. Les rumeurs sont fondées et par déduction Hélène comprend que les trains qui partent de Drancy sont des voyages sans retour…..

Je veux rester encore, pour connaître à fond ce qui s'est passé cette semaine, je le veux, pour pouvoir prêcher et secouer les indifférents. (p107)

En 1943 le ton et le contenu changent totalement, Hélène commence à imaginer ce qui les attend : elle anayse les faits, elle tente de trouver des réponses aux questions qui se posent à elle, sur l'homme, la religion, le mal, la peur, la mort. Il y a de la révolte en elle, de la colère parfois, de la rebellion. Elle n'a pas peur pour elle, mais pour ceux qu'elles aiment et les autres, pour tous ces enfants dont elle s'occupe dans une association de placement d'enfants juifs sans parents et le travail est énorme.

Biens et personnes disparaissent, certaines situations sont absurdes, certains dénoncent, d'autres protègent, certains refusent les évidences et Hélène arpente les rues de Paris pour ne pas rester à subir : elle s'active, est bénévole dans une bibliothèque, vient en aide, prépare des colis, attend, tremble, espère……

1944 : les choses s'accélèrent, la vie de la famille devient très compliquée, les menaces d'arrestation se font de plus en plus précises, proches et ils passent sur la fin leurs nuits ailleurs, comme si les arrestations ne pouvaient avoir lieu le jour, jusqu'à ce jour de Mars, le jour de son 23ème anniversaire où ils seront arrêtés et partiront pour un voyage sans retour.

Comme pour le journal d'Anne Frank, autre témoignage bouleversant,on est saisi par la volonté de transmettre, de témoigner de leur quotidien, de la lucidité et du courage dont elles ont fait preuve. Toutes deux découvraient l'amour, Hélène vient de croiser la route de Jean (JM ou il) dans le journal, le garçon qu'elle aime et dont elle parle de façon si touchante, très mystérieuse, comme un trésor caché (la chose dit-elle) et auquel elle destine ce journal comme une prescience qu'elle peut disparaître :

J'ai un devoir à accomplir en écrivant, car il faut que les autres sachent. (p185)

J'ai trouvé beaucoup de profondeur dans ses questionnements sur ses ressentis, sa clairvoyance par rapport aux faits et ses tentatives pour comprendre l'attitude des français, de l'ennemi, des chrétiens face à cette tragédie que fût l'arrestation et la déportation des juifs.

Et ceux-ci ne sont que des hommes faibles et souvent lâches ou bornés. Est-ce que si le monde chrétien s'était levé en masse contre les persécutions, il n'aurait pas réussi ? J'en suis sûre.(…) Est-e que le pape est digne d'avoir le mandat de Dieu sur la Terre, lui qui reste impuissant devant la violation la plus flagrante des lois du Christ. (p189)

On est frappé par la lucidité dont elle fait preuve face aux événements, aux regards portés sur eux, à ses inquiétudes pour ceux qu'elle aime, pour ceux qui souffrent. Elle se donne sans compter jusqu'au dernier jour trouvant le réconfort dont elle a besoin dans la musique et la littérature en particulier Shelley et Keats qui lui apportent parfois du réconfort et des réponses à ses questionnements.

Je ne peux que conseiller la lecture d'un tel ouvrage, il faut s'y préparer car la plume de l'auteure transmet tout son amour de la vie, des autres, il faut parfois poser le livre, laisser passer les émotions puis réfléchir à ce qu'elle nous transmet. Bien sûr cette guerre est finie mais il y en a d'autres, ailleurs et nous ne pouvons pas dire que l'on ne sait pas, que l'on ne voit pas, que l'on entend pas.

On peut imaginer le brillant avenir qui s'offrait à elle, ses capacités d'analyse et la monstruosité de ce qui s'est passé ici, il n'y a pas si longtemps.

Il faut donc que j'écrive pour pouvoir plus tard montrer aux hommes ce qu'a été cette époque (…) chacun dans sa petite sphère peut faire quelque chose. Et s'il le peut, il le doit. (p187)

Les feuillets de son journal ont été remis à Andrée, leur cuisinière pour qu'elles les transmettent à Jean, son amour au cas où elle ne reviendrait pas. C'est sa nièce qui les a récupérés et fait publier en 2008, comme un devoir de mémoire.

C'était une jeune femme comme les autres passionnée, intelligente, qui voulait vivre auprès de Jean, qui a aidé jusqu'à son dernier souffle les femmes déportées avec elle à Bergen-Belsen, où elle s'éteint sous les coups d'une gardienne, car atteinte du typhus elle n'a pas pu se rendre à l'appel, 5 jours avant la libération du camp en 1945.

C'est une lecture, comme celle du Journal d'Anne Frank qui va m'accompagner longtemps, pas seulement par la narration des événements mais surtout pour la qualité de son écriture et la justesse de ses raisonnements, son refuge dans la littérature et la musique dans les jours les plus sombres, la générosité dont elle a fait preuve.
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En temps de guerre, les femmes savent-elles mieux écrire leur journal ? Sont-elles celles qui expriment le mieux les sentiments humains et lucides face à un monde dominé par la force masculine?
Dans celui d'Hélène Berr qui sera déportée et gazée, on ressent avec elle les instants, les moments de solitude face à une histoire qui vous dépasse, l'envie malgré tout de vivre et l'espoir qui permet de survivre chaque jour.
On sait dès le début sa fin, on lit avec un recul qu'elle n'avait pas et on souffre d'autant plus. le texte est simplement écrit mais avec une émotion particulière. Un bel exemple de journal en temps de guerre, un outil utile également pour les historiens.
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Hélène Berr est une brillante étudiante (agrégation d'anglais) d'origine juive de souche français.Elle va tenir un journal de 1942 à 1944 ou elle nous conte ses envies, ses désirs mais aussi l'effroyable peur qui se rapproche d'elle, alors que les nazis sèment l'horreur. Arrêtée à Drancy elle sera déportée à Auschwiz puis Bergen-Belsen ou elle mourat vraisemblament du typhus en avril 1945, quelques jours avant la libération du camp.
Le récit d'Hélène Berr d'une grande sensibilité, vous étreint avec une émotion inimaginable, il est bouleversant de bout en bout alors que l'étau se resserre sur sa famille.Comment la folie barbare nazie a anéantie des millions de personnes qui n'avaient pour seul prérogatives de vivre et d'être heureux. Un témoignage historique indispensable à l'heure ou le nationalisme revient sur la scène politique. le manuscrit du journal d'Hélène Berr se trouve au mémorial de la Shoah.
Lisez le journal de d'Hélère Berr, c'est un devoir de mémoire.
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Difficile de commenter "le Journal d'Hélène Berr", car cette diariste m'a bouleversé. Son intelligence, son acuité, son sens moral, son courage m'a tout simplement sidéré. Elle décrit avec justesse son impuissance à témoigner de la barbarie. Un abîme va se creuser entre elle et ses amis car ils refusent de tout simplement entendre l'horreur qui commence, les arrestations, les humiliations, l'innommable. Pourtant, on dirait que les lois racistes et anti juives ont peu de prise sur elle.
Ce journal est un miracle. Conservé après la guerre par la famille d'Hélène Berr, il a été déposé en 2002 au Mémorial de la Shoah. Après cette lecture j'ai eu envie de marcher à ses côtés larmes aux yeux, tête haute et braver par l'intelligence et l'amour les heures noires de cette histoire où la haine et la barbarie terrorisaient.
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La quatrième page de couverture :

Avril 1942. Hélène Berr débute l'écriture de son journal. Elle y décrit, avec une pudeur et une sensibilité extrêmes, son quotidien de jeune juive parisienne : cours à la Sorbonne, lectures et promenades, amours naissantes. le port de l'étoile jaune, l'application des lois anti-juives et la peur des rafles envahissent brutalement sa vie. Jusqu'à son arrestation en mars 1944. La lucidité et le talent littéraire d'Hélène Berr font de ce témoignage un document exceptionnel.


L'opinion de Miss Léo :

Parlons peu mais parlons bien.

Ce Journal est une oeuvre admirable. Comment ne pas être ému(e) aux larmes par le témoignage bouleversant de lucidité de cette jeune femme exceptionnelle à plus d'un titre ? La personnalité attachante d'Hélène Berr facilite le processus d'identification. Agrégative d'anglais et violoniste, férue de littérature et de poésie, "tiraillée entre un irrésistible désir de bonheur et la conscience de la tragédie en cours d'accomplissement" (dixit Télérama), Hélène arpente les rues de Paris, achète ses livres chez Galignani (l'une de mes librairies préférées), répète des oeuvres de musique de chambre, tombe amoureuse de Jean Morawiecki, et truffe son journal de citations de Keats et de Shakespeare.

Les premières pages de son journal sont optimistes et ensoleillées, et l'on en viendrait presque à oublier que l'histoire se déroule dans un Paris occupé et malmené par les premières lois antijuives. La première rupture intervient lorsque Hélène se voit contrainte de porter l'étoile jaune.

"A ce moment-là, j'étais décidée à ne pas le porter. Je considérais cela comme une infamie et une preuve d'obéissance aux lois allemandes.
Ce soir, tout a changé de nouveau : je trouve que c'est une lâcheté de ne pas le faire, vis-à-vis de ceux qui le feront." (p.54)

Suivra l'arrestation de son père, polytechnicien et ingénieur des Mines, interné quelque temps à Drancy avant d'être libéré. le Mal touche de plein fouet la famille Berr. Les mois passent, et les arrestations se succèdent dans l'entourage d'Hélène.

En 1943, un nouveau changement de ton s'opère : Hélène reprend l'écriture de son journal après un an d'interruption, et prend conscience de la nécessité de transcrire la réalité des choses, de rédiger un témoignage qui sera peut-être lu par d'autres si elle venait à être arrêtée. Son récit s'empreint alors de réflexions philosophiques et métaphysiques. Il est frappant de constater à quel point ses propos sont sensés et lucides, alors que certains peinent encore à réaliser l'ampleur et la nature du drame vécu par les milliers de familles déportées.

"Les gendarmes ont obéi à des ordres leur enjoignant d'aller arrêter un bébé de 2 ans [...] pour l'interner. Mais c'est la preuve la plus navrante de l'état d'abrutissement, de la perte totale de conscience morale où nous sommes tombés. [...] Qu'on soit arrivé à concevoir le devoir comme une chose indépendante de la conscience, indépendante de la justice, de la bonté, de la charité, c'est là la preuve de l'inanité de notre prétendue civilisation." (p.233)

"Le pianiste qui faisait de la musique d'ensemble avec nous a été arrêté lundi avec sa soeur, et sans doute déjà déporté. [...] Un garçon si artiste, capable de procurer au monde des joies si pures par son art, cet art qui ne connaît pas les méchancetés humaines, et en face la brutalité, la matière qui ignore l'esprit." (p.287)

Hélène Berr en vient même à envisager sa propre déportation.

"Je ne pense pas à ma mort, car je veux vivre. [...] Même déportée, je penserai sans cesse à revenir. [...] Si ces lignes sont lues, on verra bien que je m'attendais à mon sort." (p.206)

Arrêtée en mars 1944, Hélène sera finalement déportée à Bergen-Belsen, où elle mourra sous les coups d'une gardienne cinq jours avant la libération du camp. Un destin tragique, et une grande perte pour la littérature française.

Le journal est enrichi de quelques témoignages de tiers (nièce, fiancé et codétenue). On prend alors toute la mesure du courage et de la grandeur d'âme de cette jeune femme, qui demeura exemplaire jusque dans ses derniers instants. J'ai trouvé cela très émouvant. J'ai également été troublée par les photos d'Hélène proposées dans la présente édition, qui m'ont rappelé ma grand-mère à la même époque.


Une expérience très forte, et une lecture indispensable !

Lien : http://leslecturesdeleo.blog..
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Une plongée passionnante dans la jeunesse parisienne post deuxième guerre durant la montée saisissante de l'antisemitisme ambiant. le décalage entre cette jeunesse qui tente de vivre sa jeunesse et le contexte politique et social qui débouchera sur le nazisme et les camps. La puissance de ce livre est évidemment renforcée par ce que l'on sait d'Helene Berr qui mourra déportée. saisissant
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On ne sort pas indemne d'une telle lecture .
C'est aussi fort que Charlotte .
Il y a une telle grâce qui se dégage d'une prose si limpide ,
Il y a une telle envie de vivre et de bonheur,
Il y a une telle énergie et une telle fierté d' être
Que l'on voudrai le lire et le relire , il vous donne envie de communiquer , de parler de chanter d'aimer tout simplement .
Offrez le à vos meilleurs amis .
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Voici à l'instar d'Anne Frank, avec qui elle partage d'ailleurs pas mal de point communs, une jeune fille juive qui pendant l'occupation décide d'écrire un journal intime. Une jeune fille charmante, belle, intelligente, mais au fond une jeune fille comme tant d'autres, vivant l'un des plus grand drame de son époque.
Hélène Berr a 21 ans, elle est issu de la petite bourgeoisie Parisienne, elle vit à Paris au pied de la tour Eiffel, elle étudie l'anglais à la Sorbonne, mais malgré ces privilèges elle reste une jeune fille simple, douce, gentille et surtout très ouverte et sensible. Elle écrit. Elle tombe amoureuse, elle continue de vivre malgré tout, car il le faut. Et c'est ça qui fut le plus beau à lire. La suivre dans son quotidien, ses cours d'anglais, ses séances de violon, ses déjeuners avec sa famille, ses rdv avec ses amis, ses weekend dans la maison de campagne d'Aubergenville, etc. Flâner dans Paris avec elle est à la fois doux et amer.
Et puis peu à peu, comme avec Anne, ses écrits quotidien changent, s'assombrissent, se muent en réflexions, en philosophie, en questionnements existentiels sur le monde qui l'entoure et cette vie qu'ils essaient, elle et sa famille, de vivre tant bien que mal.
Bien qu'un peu plus âgée qu'Anne, elle fait preuve comme Anne, d'une très grande maturité, d'une incroyable lucidité et surtout une très grande force morale et une volonté de s'accrocher encore à la vie, de lutter toujours.
Comme Anne, Hélène était promise à un bel avenir, mais comme Anne elle fut arrêtée avec sa famille en 1944, comme Anne elle mourut en 1945 et comme Anne à Bergen-Belsen à deux mois près...
Parfois j'aime penser qu'elles ont pu se croiser peut-être, se parler, se raconter leur passions commune, la lecture, l'écriture, les journaux intimes... Qui sait.
Hélène Berr était une jeune femme radieuse dans tous les sens du terme, qui mérite d'être lue et découverte.
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