Dans le village de Brume, au temps où coexistaient deux Hiver, la Grande polaire, et la Petite joyeuse, le jeune Alfred est inquiet car son oncle Ragnard se prépare à une expédition en solitaire, sur les traces de la Petite Hiver, disparue. Or, une voyante a prédit que, s'il partait seul, il ne reviendrait pas…
Le voilà donc parti sur les traces de son oncle, s'engageant ainsi dans une quête à travers neige et glace, qui lui fera rencontrer des trolls, des dieux, des guerriers, un voyant sage et aveugle … Son expédition a pour but de retrouver Ragnard, bien sûr, mais aussi de remettre de l'ordre dans leur monde, complètement livré aux trolls, et, finalement, d'apaiser les éléments bouleversés par la disparition de la Petite.
Si ce récit est totalement imaginaire, il est nourri des mythologies nordiques, de la connaissance des peuples Vikings et Saami, et se réfère aux codes du conte. En effet, le jeune héros entreprend une quête personnelle, mais avec des résonnances plus universelles : retrouver son oncle l'amènera à retrouver la Petite et, par conséquent, à rééquilibrer les hivers et calmer les trolls. L'auteur a créé un univers à la croisée des mythologies et de la fantasy pour y inscrire un récit d'aventure, de mystère et d'apprentissage très bien construit, rocambolesque mais pas trop, pétri d'humour, parfois noir, parfois potache,
A côté de ses évidentes qualités littéraires qui en font un régal de lecture, ce roman se dénote aussi par des thématiques rarement traitées, comme l'inclusion, y compris celle d'un personnage transgenre. Sans oublier le regard à la fois indulgent et critique porté sur ce farceur d'Alfred : même les blagues les plus drôles ont leurs limites !
Il faut aussi évoquer la superbe qualité esthétique de ce livre dont la couverture est un atout majeur, le rattachant aux beaux recueils de contes, le situant déjà dans un contexte hivernal et nordique, avec ses couleurs glacées poudrées de neige. le côté frondeur des deux personnages est d'autant plus évident, par contraste entre le décor parfaitement symétrique qui les encadre, et le côté BD de leur allure. Et ce style BD se retrouve dans les nombreuses illustrations intérieures, remarquablement intégrées au récit, souvent en doubles pages mais aussi travaillées en registre au bas d'une page de texte. Il faut en féliciter
Tristan Gion.
N'oublions pas non plus la carte en introduction, les têtes de chapitres, agrémentées d'un dessin rappelant les runes, les bas de pages soulignés de rameaux, les 2ème et 3ème de couverture, travaillées au trait blanc sur fond noir, dans le prolongement de la forêt amorcée en 1ère de couverture. Ce travail sur le noir et le blanc se retrouve aussi dans le prologue, et renvoie le lecteur à l'hiver nordique où la nuit et la blancheur de la neige sont au premier plan.
Bref, ce roman brille par de nombreuses qualités : littéraires, graphiques, rapport texte/image et matérialité du livre. Un beau cadeau à offrir aux jeunes lecteurs.