Ida. Regardez pas vos pieds comme ça. Levez un peu la tête. Pourquoi baissez-vous toujours la tête Comme ça? Vos pieds... vous les connaissez? Ils ont grandi avec vous. Vous les avez toujours vus vos pieds. Vos pieds. Pas vrai. Ida. Ce que je vous dis. C’est la pure vérité.
La conversation est impossible
L'impossibilité se dissimule derrière le rire.
c'est qu'elle ne vit pas comme nous.
Elle n'est pas du même monde.
De notre monde. Son monde est différent.
C'est qu'elle ne pense pas comme nous.
L'incompréhension est totale malgré la ressemblance
apparente des corps des visages des vêtements
C'est qu'elle ne mourra pas comme nous.
(Elle ne mourra pas dans son lit.)
C'est qu'a elle, il arrivera quelque chose.
A nous, mon dieu, il n'arrive rien.
Jamais rien.
Or
NOUS PENSIONS QU'ELLE ETAIT
COMME NOUS.
Erreur.
Et l'erreur, comme toujours, fait le roman.
Nous qui pensons et elle qui ne pensait pas (ou l'inverse).
Mais à quoi pensons-nous??
Et elle, Ida, que ne pensait-elle pas ?
Ida à quoi pensez-vous ?
Réponse : à rien.
Avec ce sourire vague ineffable des apparitions
célestes débonnaires sitôt évanouies.
Et
Nous qui pensions
Que Ida était comme nous
Que dis-je ?
Etait à nous.
Tout le monde a ri.
C'était drôle. Ces histoires de pieds.
Et vous aviez une telle façon de lui dire. Gertrude.
C'est votre air qui faisait rire. Il fallait vous voir.
Vous étiez drôle. La pauvre Ida riait plus fort que
les autres. La pauvre fille elle se tenait les côtes. On
peut le dire.
Alors
tout le monde a été surpris.
Trrrès surpris.
Quand c'est arrivé.
On ne s'y attendait pas.
On riait.
Vous nous faisiez rire.
Et il fallait pleurer.
C'est la seule erreur que nous avons faite.
Une er-reur mo-nu-men-ta-le
De taille
(...)
Assis. Les bras ballants. Dans le silence. Le silence
de l'erreur. Au visage blanc. Aux lèvres pincées.
Qui les a fortement surpris.
Car ils croyaient qu'ils ne se trompaient jamais.
Or, la brutale destinée
vient de démontrer magistralement
qu'ils se trompent.
Qu'ils se trompent peut-être sans doute à peu près toujours.
Certainement toujours.
Que c'est impossible de ne pas se tromper.
Et la pauvre Ida
dont on se souvient désormais.
Ida dont on se moquait
devient l'héroÏne intéressante - Que l'on considère.
L'héroÏne considérable. Donc supérieure.
Qui riait avec nous.
Riait plus fort que nous.
Qui ne pensait rien.
Quand nous pensions.
Ida triomphe.
Dans le silence de sa tombe sans
fleurs. De son passé sans fleurs.
Face aux pensées multiples à facettes bariolées
bavardes
de ceux qui se trompent
et ne meurent pas.
Au cas ou ces messieurs qui occupent les places viendraient à manquer d'idées, je ne pense pas qu'ils puissent compter sur les crétins pour leur en fournir. Il faudrait tout de même savoir où on est. Où sont les adultes, où sont les enfants, où sont les innocents, où se trouve la puissance qui fait naître les grandes oeuvres et comment progresse-t-elle ? Mais le tapage de la Presse à mis à l'ordre du jour "la confusion des genres". Et dans ce jeu de l'illusionniste et du prestidigitateur beaucoup de personnes importantes perdent leurs moyens.
Il s'agit d'un paragraphe de Guido Eeckels auteur d'une anthologie (...) de la littérature néérlandaise "Marginale" :
"Souvenez-vous que parmi les valeurs essentielles qui constituent l'impérissable fond de toute activité créatrice il y a ce que j'appellerai "la vérité individuelle" laquelle est aux vérités politiques dans un rapport de hiérarchie mais non de subordination. Dans les circonstances présentes, alors que sont agitées les questions dont dépend le sort des peuples et des générations, il faut savoir rendre grâce aux quelques hommes qui affirment dans leurs oeuvres la permanence des biens spirituels issus de la méditation et des plus hautes activités de l'Esprit. Ces "individualistes attardés" assurent la continuité d'une Culture qui est un des premiers titres de noblesse de l'Occident. L'Intelligence a le droit et le devoir d'admettre à côté d'un "ordre d'urgence" un ordre de valeurs "intrinsèques" et de maintenir cette distinction au milieu des pires égarements collectifs... La fidélité de l'individu à sa propre faculté de contemplation, le besoin qu'il éprouve de saisir les choses, et pour commencer sa vie personnelle, dans leur essence, de leur donner forme, de les fixer en images, en symboles, en rythme... Cette activité continuelle de l'homme scrutant sa propre image et soucieux d'arracher l'instant qui passe sa parcelle de pérennité. C'est là ne l'oublions pas l'une des constantes de l'Art, peut-être même sa loi fondamentale... Ce n'est pas une des moindres puissances de l'être humain que ce pouvoir de dominer par l'Esprit les tumultes dans lesquels il se trouve engagé et de conserver au milieu des pires cataclysmes la conscience de son individualité."
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le résumé p 243
Si l'on en revient à Merleau-Ponty, il est nécessaire de considérer tout le mystère du dialogue réel établi qu'il soit oral ou écrit. Et, dit-il : "Il nous faut considérer la Parole avant qu'elle soit prononcée, sur le fond de silence qui la précède qui ne cesse pas de l'accompagner et sans lequel elle ne dirait rien, davantage, il nous faut être sensible à ces fils du silences dont le tissu de la Parole est entremêlé."