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EAN : 9782756102832
196 pages
Léo Scheer (01/01/2011)
4.14/5   11 notes
Résumé :
Dora quitte le domicile conjugal pour se soigner en Suisse. Son mari, G., semble en profiter pour rompre ; il lui écrit des lettres qui oscillent entre supplication de retour et manifestation de dégoût pour leur vie conjugale, évoque son aventure avec la douce Érida, jalouse la camaraderie de sa femme avec l’un de ses amis, fustige sa foi chancelante… Dora lui répond-elle ? Ses lettres n’apparaissent pas. Seule s’élève la voix du mari, pasteur et père, dans toutes s... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
La plume d'Hélène Bessette est un scalpel et lire ses textes est un choc.

Hélène Bessette (1918-2000), auteur restée trop obscure, malgré ses treize livres publiés chez Gallimard, fut mariée à un pasteur protestant. C'est aussi le métier de l'auteur des lettres qui composent ce livre de 1963, «N'avez-vous pas froid», qui fut à l'époque sur les listes du Goncourt et du Médicis.

G. écrit à sa femme Dora, malade et partie en Suisse pour se faire soigner. Les réponses sont absentes du récit mais on les devine dans les lettres de G. Cette correspondance lue à sens unique ouvre les portes d'une chambre noire, intérieur d'un homme en morceaux : il veut se séparer de son épouse, il en aime une autre, mais, pasteur, est écrasé par les institutions du mariage, de l'Église et le respect des conventions. Désemparé, fracturé, il avance dans une valse-hésitation, introspection dans laquelle il se perd, mais en même temps manipule, a recours à des tactiques déloyales, accuse et porte des coups faits de mots.

Le changement de registre, des banalités courtoises de deux êtres devenus étrangers l'un à l'autre, en passant par l'espoir, les regrets, la disgrâce ou les accusations, sont des sauts, des déséquilibres qui nous plongent au coeur de ce qui fait un homme.

«Et t'ai-je jamais aimée ? Je me le demande.
Mon Amour était comme ma Foi.
Rien du tout.
Des mots. de l'air. de la jeunesse. Sans raison. Des forces.
À dépenser.
Maintenant je terminerai ma vie avec
ce rien-amour
ce rien-foi.
Parce que je ne veux pas souffrir la Condamnation sans appel de l'Eglise au visage cadavérique et violet.»

L'écriture est chargée d'une souffrance écrasante malgré son dépouillement, et les mots d'une acuité et d'une cruauté cinglantes. Dans ces phrases détachées sur la page comme un texte poétique, chaque mot se défait de sa banalité.

«Dialogue des coeurs à demi-mort. A du mal à prendre fin.
Et nos coeurs en cendre ont du mal à mourir.
À se consumer.
Jour par jour.
Lettre par lettre.»
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Comme d'habitude, c'est encore une voix forte que donne à entendre Bessette dans ce roman qui vient d'être réédité par les éditions Léo Scheer. Mais, une fois n'est pas coutume, c'est celle d'un homme, un pasteur de trente ans qui écrit des lettres à sa femme partie se faire soigner en Suisse. Habile processus littéraire qui contraint le lecteur à deviner en creux la personnalité de cette femme absente et la réalité de l'histoire de ce couple qui est en train de se séparer.

La suite sur le blog :
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Lien : http://lepandemoniumlitterai..
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Citations et extraits (6) Voir plus Ajouter une citation
Le 16 janvier 1961.

Ma Chérie,

Oui.
Toute ma vie tient dans mon ministère.
Te l'ai-je dit ? Te le répéterais-je assez ?
Toi qui ne comprends rien de ce que je voudrais que tu comprennes. Qui comprends ce que je voudrais ne pas te faire comprendre.
Tu comprends tout à l'envers.
Ma femme présente.
Ma femme absente.
Plus présente encore par l'absence. Par la position de l'absence. Le non manifesté.
La réprobation du vide.
Ta place vide.
Le silence de ta place inoccupée.
L'opposition du négatif inscrit en blanc.
Que tu ne te décides pas à transformer. Tu ne te décideras pas à comprendre comme moi. Et je ne me déciderai pas à comprendre comme toi.
Femme au visage effacé. Dessin perdu.
Tu m'échappes.
En ce moment brûlant de vie. Mon soutien pour le meilleur n'est plus mon soutien dans le pire.Et je suis seul.
Ma Chérie il faut que tu reviennes.
Que tu reviennes avec moi.
On s'inquiète de ton séjour prolongé. On suppose que ce repos en Suisse a définitivement rétabli ta santé.
Il ne faut pas de scandale.
On ne doit pas savoir.
Ce qui en est.
Nos lettres.
Sont secrètes.
Aux yeux du monde. Tu es ma femme. On réclame un couple ici. On ne m'aime pas divisé. On ne me comprend pas partagé.
Qu'ai-je dit dans la lettre passée ?
Que la foi n'est pas une façade ? Que l’Église n'est pas une façade ?
Ai-je dit cela ?
Alors je ne le dis plus aujourd'hui.
Aujourd'hui ma Chérie je dis que nous devons conserver la face. Ne pas perdre la face. Avant tout. Premièrement. On s'arrangera du reste. De la profondeur du Reste.
D'abord : le Décor. [...]
Je vais dire non avec toi. Ainsi nous serons d'accord. Tu gagnes.
Sans doute as-tu raison. Cela me coûtera de démissionner.
Mon ministère est ma raison de vivre.
Parce que j'ai la foi ? Pas même.
Je n'ai pas la foi.
Je n'ai pas l'argent. Je n'ai pas l'amour. Et je n'ai pas la Foi. [...]
A quel point je tiens à mon ministère.
Qui me voile ma déchéance, mon abrutissement ma nullité. Mon ennui de vivre. Je ne le dirai jamais trop. Plus qu'à toi. Plus qu'à tout. Plus qu'à n'importe quoi. Souviens-toi. Nous en avions convenu. Lors de nos heureuses fiançailles.
Alors tu disais oui. La fiancée disait oui. La mariée dit non.
Je t'ai négligée pendant ces années. Ton oui devenu non. Peu à peu. Lentement. Au gré des heures. Ton oui métamorphosé.
Je me défends. Je plaide. J'explique. J'invoque.
Pour te convaincre.
A peine.
Je ne pense guère à toi femme disparue. Mariée décevante.
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Tu as perdu la Foi ? moi aussi. Je sais les mots de la Foi et je peux les dire.
Ma hauteur spirituelle réelle se mesure aux Romans noirs qu'il est de bon ton de lire ces jours et que je fais disparaître quand un visiteur s'annonce.
Je lis les Romans noirs.
Je lirai la Bible ensuite. (Après cette indispensable préparation)
Bien sûr nous n'avons pas la Foi. Tu en connais beaucoup qui ont la Foi.
Bien sûr Dora je n'ai pas la Foi.
Je n'ai rien du tout.
Je suis comme ça.
C'est tout.
Je ne sais pas si c'est le vide ou le néant. Si ça existe ou non.
Mais c'est sûr.
Je suis comme ça.
En somme pour te parler franchement : je m'en moque.
Je remplis un rôle. J'ai une maison. Une femme. Deux enfants. Et une Eglise.
Je suis figuré par ces quelques manifestations extérieures.
Femme Enfant Maison Carrière.
C'est l'extérieur, le visible.
Car l'intérieur. Je ne connais rien. Chambre noire.
Trente ans.
Je suis mort.
Du moins je me révèle tel que je suis. Après les enthousiasmes et les chaleurs de la jeunesses. Qui pouvaient abuser. Donner illusion. A trente ans tout se termine. Ou tout commence. Je fais partie de ceux pour qui tout se termine.





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Je laisserai tout aller.
C'est cela. Je vais démissionner. Tu m'as soufflé la bonne solution.
Je vais dire non avec toi. Ainsi nous serons daccord.
Tu gagnes.
Sans doute tu as raison. Cela me coûtera de démissionner.
Mon ministère est ma raison de vivre.
Parce que j'ai la foi ? Pas même
Je n'ai pas la foi.
Je n'ai pas l'argent. Je n'ai pas l'amour. Et je n'ai pas la Foi.
Je suis gavé de mots. je me gargarise en vocalises en développement de théâtre.
Ainsi je domine. Je suis écouté. Admiré. Approuvé. Applaudi. Encouragé.
J'ai la sensation de vivre.
A quel point je tiens à mon ministère.
Qui me voile ma déchéance, mon abrutissement ma nullité. Mon ennui de vivre.
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Viens,
Dora faire l'amour avec moi.
Obligation baroque.
Reconstruisons notre façade.
Cessons de jouer les déraisons.
Reformons famille.
Retrouvons la charmante société.
Retournons au captivant mariage.

Dora il faut que tu reviennes.

Tous s'arrangera. Ils l'ont dit. Comme moi, mis au pied du mur, ils préfèrent arranger les affaires plutôt que recourir aux solutions extrêmes.
(...)
C'est au nom de Dieu que je t'écris.

Ps - Obéis.
Nous sommes pressés. De redonner à la vie normale apparence. D'en finir avec la Poésie. De retourner aux grandeurs arrangées. A leurs humaines mesures.

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Une seule solution. Pour éviter le jugement. Passer à côté du Tribunal. Echapper au Procès. Continuer de vivre. Près de ce monde qui ne parle que punitions et récompenses. Comme à l'école. Infantilisme et Conte à dormir debout. Personnalités étouffées. Pensée interdite.
Nous serons fourbes.
Nous serons faux.
Nous serons menteurs.
Nous serons déshonnêtes.
Nous ferons comme si.
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Vidéo de Hélène Bessette
Conférence de Laure LimongiUn nouveau cycle de conférences et lectures met en lumière des autrices oubliées de l'histoire littéraire, de l'époque classique au XXe siècle.Dans cette séance, Laure Limongi, autrice, éditrice et enseignante en création littéraire à l'École nationale supérieure d'arts de Paris Cergy se penche sur Hélène Bessette (1918-2000), pionnière du roman poétique.La conférence est accompagnée d'une lecture par Anaïs de Courson.
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