Enfin dit la pauvre Marthe, j'espère que tout cela s'arrangera.
Avec le temps.
Avec l'eau qui coule.
Avec les nuages qui s'effacent.
avec les larmes qui sèchent.
Avec le vent qui essuie.
Avec les saisons qui tournent.
Avec les mois qui glissent.
Avec les mois qui s'accumulent.
Avec la pluie qui endort.
Avec la pluie qui nettoie.
Avec les nouvelles feuilles mortes.
Avec les nouvelles feuilles vertes.
Avec les temps. Avec le temps. Avec le temps.
Je n'aime pas la solitude, parce que pour moi, c'est la nuit.
Hélène Keller.
Je ne vis plus. Je me sens mourir.
Je ne vois rien. Je n'entends rien. Je ne parle pas.
Je n'aime pas la solitude.
Et quand on ne me parle plus, je suis prise au dépourvu de me trouver sans parole en moi. Je suis prise au dépourvu de ne plus trouver mes sentiments.
....
Dans la solitude je ne fonctionne plus. Le coma.
Le coma, c'est l'avant mort.
Et je ne suis pas une héroïne pour me réjouir à la perspective de la mort, s'appellerait-elle solitude.
Sourire timide, sourire émouvant de l'amour qui se découvre et du bonheur qui s'occupe, qui s'avoue.
Soupir profond du soleil qui se déploie à l'intérieur du corps.
Bras étirés devant le grand jour de la joie enfin venue.
Pas un nuage.
S'il y a eu des plaintes dans nos vies, nous les avons oubliées.
S'il y a eu un passé, nous l'avons effacé.
La vie qui reste à vivre n'est pas découpée par le temps.
Mais seulement cet immense jour sans histoire de notre bonheur installé
Heureuse ?
Heureuse.
Maison à vendre. Lierres, orties.
Hautes herbes, folles herbes.
Vieux clous.
Rouille.
À repeindre.
Toiture en mauvais état.
Fleurs desséchées.
Eaux croupissantes. Gonds coincés.
Cailloux amoncelés.
Détritus bestioles affolées.
On se tord les pieds.
Arbres aux branches pendantes.
Personne ne les a taillés au printemps.
Pas de printemps.
Pour les yeux morts des fenêtres sans visage.
Pour les portes aux serrures rigides.
Pour les grilles poudreuses et les plantes vieillies
Image de singe
Au bord de la route pâle et bordée de platanes.
Je sais Liliane pourquoi tu pleures.
Je sais.
Tu n'as pas besoin de parler,
Peu me chaut.
....
Ne parle pas je t'en prie.
Ce n'est pas la peine.
Car j'ai compris.
J'ai deviné.
Les mères devinent.
Ne le savais-tu pas?
Et moi je suis une mère, comme une autre,
Les enfants n'ont pas besoin de parler à leur mère.
Les mères sont très intelligentes quand il s'agit de leur enfant.
L'esprit lent des mères comprend vite.
Et tellement bien.
Je comprends tellement bien.
J'ai l'intelligence de la vie.
Plus que je ne puis le dire.
Je n'ai pas de mot pour dire ce que je vois dans le cœur de ma fille.
Je lis dans un livre ouvert, ton cœur, ma fille.
Je fais de la radiographie maternelle.