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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
SYNOPSIS : Ce livre est un récit. Celui de l'ethnologue F Bizot qui arrive en 1965 au Cambodge pour y étudier les traditions du bouddhisme. Il va assister à l'invasion khmère et passer 3 mois dans un camp de prisonniers tenu par un des pires tortionnaires de ce siècle. Relâché, il sera un des rares survivants, et un témoin de la prise de Phnom Penh en 75.

POURQUOI CE LIVRE EST MAGNIFIQUE ? L'écrivain comprend mieux que personne cet épisode charnière dans l'histoire du Cambodge : la décolonisation, le Vietnam, l'invasion et le génocide Khmer devant un occident indifférent et manipulé… La plume est belle, le récit poignant, délicat et passionnant… mais surtout l'auteur déploie une intelligence remarquable, et une grandeur d'âme exceptionnelle : jamais de jugement, de partis pris, aucune haine, de rancoeur… Comment fait-il ????
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Ce livre est passionnant, remarquablement écrit et les personnages surgissent dans leur complexité, leurs multiples facettes dans un Cambodge pré-khmer rouge. François Bizot prisonnier est soumis à des dilemmes terribles et, durant sa captivité, la période de Pol Pot annonce sa férocité et ses orientations.
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Incroyable témoignage que celui de François Bizot, ethnologue installé au Cambodge dans les années 1960 pour y étudier les différents rites bouddhiques, qui fut au coeur de l'ascension au pouvoir des Khmers rouges.
Le récit débute en 1975. Il est arrêté avec ses deux assistants, dénoncé par un habitant du village reculé où il se rendait pour ses recherches. Les mains ligotées, les yeux bandés, on les emmène dans un camp de prisonniers enfouis dans le maquis dont ils ignorent l'emplacement. C'est le camp M.13, dirigé par Douch, dans lequel Bizot restera 3 mois, séparé de ses acolytes, accusé à tort d'être un espion de la CIA.
La sublime introduction nous plonge dans l'atmosphère maussade et désabusée du livre, transcendée par l'écriture éblouissante de l'auteur, qui nous élève et nous force à l'humilité.
Au delà de la terrible réalité des faits (il sera le seul survivant du camp, tous les autres prisonniers seront assassinés à coups de gourdin), Bizot nous relate les impressions furtives de sa mémoire sensible, décrivant telle ou telle caractéristique d'un visage pour mieux nous en transmettre la personnalité, attentif à tous les détails.
On accompagne le calvaire du prisonnier en tremblant de froid avec lui la nuit et de peur durant les interminables journées, humides de larmes et de la moiteur étouffante de la jungle des Cardamomes.
Sa plume parle à tous nos sens, les passages les plus touchants étant ceux où sa détresse est dépassée lorsqu'il s'arrête sur l'observation de la couleur d'une branche de flamboyant, la sensation de bien être éprouvée lors de son premier bain dans la rivière, l'odeur de la soupe de poulet qu'il offre à tous les prisonniers la veille de sa libération.
Ce dernier repas qui précède pour Bizot non pas la mort mais une nouvelle vie fut pour moi la scène la plus émouvante. Rien n'est dit, tout est dans la retenue, la reconnaissance transparait dans les regards, seuls les bruits de succions traversent le silence de cette sérénité éphémère. J'ai eu en tête les images du dîner des moines du film « Des hommes et des dieux », dernier instant de réjouissance et de volupté avant l'irrémédiable.
Son témoignage est aussi celui de sa relation avec son célèbre geôlier, qu'il évoque avec une grande noblesse d'esprit. Malgré les injustices et les massacres auxquels Douch est associé, François Bizot nous dépeint un homme idéaliste, investi corps et âme dans une cause qu'il estime juste, celle du communisme et de la solidarité de son peuple. Même si un lien de confiance s'était peu à peu créé entre les deux hommes, Douch ayant lutté contre sa hiérarchie, risquant sa place et sa vie, pour sauver celle de Bizot, il n'excuse et ne justifie jamais son ancien tortionnaire. Douch est un homme avec un passé et des faiblesses, il n'est pas un monstre. En aucun cas Bizot ne nous présente une vision manichéenne de la vie.
Lorsqu'il retourne au Cambodge en 1988, il visite le musée du génocide khmer, l'ancien lycée Tuol Sleng, et découvre le portrait de son gardien, représenté là pour avoir torturé et détruit (mot utilisé par les khmers pour signifier « assassiner ») plus de 20 000 personnes. Voici ce que François Bizot écrit à ce propos, et qui tiendra lieu de conclusion à ma petite critique : « Je cite souvent Tzvetan Todorov, qui avance, au rebours de la sagesse populaire, qu'essayer de comprendre ce n'est pas nécessairement pardonner. Doit-on se contenter de répéter à jamais que les crimes contre l'homme sont inoubliables ? Inexcusables ? Impardonnables ?… Il serait plus utile de commencer par apprendre à se méfier de nous-mêmes. Pas seulement des autres. «
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« Alors j'ouvrais les yeux dans le noir et sortais m'immerger dans cette parcelle moite d'univers que le destin nous avait attribuée : le périmètre de l'ambassade, enveloppé de ténèbres. »

A lire la 4ème de couverture je m'attendais à un récit choc…C'est le contraire, j'ai lu un texte d'une exquise courtoisie. Mais, ne vous y méprenez pas, François Bizot dit ce qu'il a à dire, sans complaisance ; il a le style plus lyrique, qu'il met au service d'une parfaite connaissance de la région, et de ses us et coutumes.

Ce texte découpé en chapitres de longueur traditionnelle, se compose en réalité de deux parties égales non matérialisées qui représentent les deux " périodes" auxquelles il fait référence.

La première, est relative à sa détention au cours de l'année 1971 dans un camp Khmer. Il y fera la connaissance de celui qui sera jugé quarante années plus tard pour crimes contre l'humanité, Douch. Quelle que soit l'époque, quel que soit les lieux, nous retrouvons la dure réalité des camps, avec ses variantes locales…ici le paludisme, et la cruauté toute particulière des Khmers rouges ; bien curieuse manière d'honorer un idéal démocratique, et d'égalité….
Curieusement, c'est Douch qui se révèle le plus humain. Bizot sera relativement épargné, sans aucun doute parce que français, et parce connaissant parfaitement la culture khmère dont il parle d'ailleurs la langue. C'est dans cette partie du récit, que Bizot, met en évidence la mise en place de l'idéologie révolutionnaire et de ce qui en suivra. C'est avec beaucoup d'intelligence, en mettant à disposition toute ses connaissances de sa culture, qu'il réussit à faire parler Douch, pour ainsi mieux le sonder.
« Ah !, coupa t-il (c'est Douch qui s'exprime), leur duplicité m'insupporte au plus haut point ! La seule façon est de les terroriser, de les isoler, de les affamer. »
Et voilà ce qu'en dit Bizot, qui avait bien cerné la complexité du personnage :
« Or, n'était-ce pas seulement l'homme en lui qui était un danger ? Car je n'avais pas devant moi un monstre abyssal, mais un être humain que la nature avait conditionné pour tuer affilant son intelligence telles les dents du requin ou du loup…quoiqu'en prenant grand soin ne pas lui ôter sa psychologie humaine. »

La seconde partie fait référence à une période plus tardive, 1975, marquant si je peux dire le début de la fin. Les Khmères rouges ont investi la capitale, les réfugiés arrivent en masse vers l'ambassade où Bizot est interprète. Il lutte jusqu'aux dernières limites pour faire évacuer un maximum. Tout se joue au niveau du portail au-delà duquel l'extraterritorialité est de plus en plus bafouée. le portail c'est la frontière. C'est une vie de reclus, dans une ville en état de siège, où bientôt commencera un génocide, dont hélas personne ne pale plus guère de nos jours…
Avec habileté, Bizot travaille au service des français, qui pour beaucoup d'entre eux ont aussi des attaches très fortes au Cambodge. Il fera aussi son possible pour extraire les cambodgiens qui se retrouvent seuls. Tout son amour pour ce pays, et sa culture séculaire émane de ce livre. C'est un déchirement pour lui de partir, de ne pouvoir sauver ses travaux effectuer à l'Ecole d'extrême –orient, et d'assister impuissant à cette descente aux enfers dont le pays mettra des décennies à se relever.

« Telle une âme libérée – pour la seconde fois – par le juge des morts, je sortis de l'enfer cambodgien, en passant le pont des transmigrations. »

Lien : http://leblogdemimipinson.bl..
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François Bizot analyse, à travers une écriture littéraire d'une grande érudition, la manière dont il a été fait prisonnier en 1971, ainsi que ses terribles conditions de détention et les immondes exécutions auxquelles il a assisté.
Le responsable de sa détention n'est autre que le terrifiant criminel de masse, Douch, du tristement célèbre lycée de Tuol Sleng transformé en Centre de détention, d'interrogatoires, de tortures et d'exécutions : S-21 à Phnom Penh ; pendant le Génocide par les Khmers Rouges du Peuple Cambodgien, entre 1975 et 1979.

Durant son incarcération François Bizot suscite le dialogue chez son tortionnaire Douch, lui démontrant à travers une subtile argumentation : l'absurdité de son raisonnement et la barbarie engendrées par l'Idéologie, que les responsables Khmers Rouges (Pol Pot, Ta Mok, von Veth…) lui font appliquer dans le cadre de sauvages exécutions.
Mais pour Douch (inébranlable dans ses convictions), tous les moyens de Terreur (essentiellement par la torture) sont « bons » pour imposer de manière incontournable l'Idéologie Totalitaire Communiste et faire ainsi avouer n'importe quoi à n'importe qui, avant d'exécuter ses victimes. François Bizot dépeint alors la lugubre personnalité de Douch, pages 184 et 185 :

« Dans la nuit, le feu vacilla. Une ombre sinistre dédoubla son visage. J'étais effrayé. Jamais je n'aurais cru que le professeur de mathématiques, le communiste engagé, le responsable consciencieux, puisse être en même temps l'homme de main qui cognait ».

Car en effet, François Bizot décrit avec une extraordinaire intelligence : le contexte psychologique effroyable dans lequel se déroulait le monstrueux « rituel » des exécutions individuelles et collectives à coups de bâton, pages 116 117 :

« le condamné était emmené en forêt, sans avoir jamais eu connaissance du jugement. Si d'instinct il flairait le péril imminent, la consigne était de lui répondre par des mots d'apaisement. le lieu d'exécution n'était pas très éloigné, mais on n'entendait jamais rien : Thép affirmait que l'arme était un bêchoir ou un gros bâton.
C'était un principe général de cacher la vérité, mais, plus que de mensonge, il s'agissait ici d'un objectif moral : éviter le plus longtemps possible le spectacle affligeant de la panique. Les bourreaux mettaient leur point d'honneur à repousser au maximum le moment de honte où le condamné, pris d'un irrépressible affolement, se laisse aller à des sanglots pitoyables, à des spasmes pathétiques. Ils niaient l'évidence même lorsqu ils faisaient creuser sa fosse au malheureux. Il savaient aussi que, passé ces instants terribles, le sujet, pendant les secondes qui précèdent le choc fatal, se fige docilement. Dans les exécutions collectives, quand les prisonniers, côte à côte, attendent leur tour à genoux, déjà tout est joué. le corps s'amollit, le cerveau se brouille, l'ouïe se perd. Les ordres sont alors criés ; il ne s'agit plus que de consignes pratiques : « Restez immobiles ! Penchez la tête ! Il est interdit de rentrer la nuque dans les épaules ! ».
Les Khmers rouges connaissaient instinctivement cette loi du fond des âges et l'utilisaient sans chercher à comprendre : l'homme s'occit plus facilement que l'animal. Est-ce un effet tragique de son développement intellectuel ? Combien de crimes auraient tourné court s'il avait pu mordre jusqu'au bout comme le chat ou le cochon ! ».

Je conclus cet essentiel témoignage de François Bizot, par ce magnifique paragraphe qu'il nous livre dans l'introduction de son ouvrage, portant sur sa profonde réflexion à propos de l'UTOPIE, page 27 :

« Je hais l'idée d'une aube nouvelle où les HOMO SAPIENS vivraient en harmonie, car l'espoir que cette utopie suscite a justifié les plus sanglantes exterminations de l'histoire.
Pourrons-nous jamais, d'un tel constat, tirer la leçon et nous en souvenir, effrayés, à chaque arrêt sur nous-mêmes ? Notre drame sur terre est que la vie, soumise à l'attraction du ciel, nous empêche de revenir sur nos erreurs de la veille, comme la marée sur le sable efface tout dans son reversement ».

Confer également d'autres ouvrages aussi passionnants sur le même thème, de :
– Kèn Khun de la dictature des Khmers rouges à l'occupation vietnamienne ;
François Bizotle silence du bourreau ;
Thierry Cruvellierle maître des aveux ;
– Malay Phcar Une enfance en enfer : Cambodge, 17 avril 1975 – 8 mars 1980 ;
– François Ponchaud Cambodge année zéro ;
– Claire Ly Revenue de l'enfer : Quatre ans dans les camps des Khmers rouges ;
– Sam Rainsy Des racines dans la pierre ;
– Pin Yathay Tu vivras, mon fils ;
– Philip Short Pol Pot : Anatomie d'un cauchemar.
Lien : https://totalitarismes.wordp..
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Pour l'histoire récente du Cambodge, en particulier la période des Khmers Rouges (1975-79), le livre de François Bizot « le Portail » est un témoignage passionnant. Ethnologue français à Angkor pendant la prise de pouvoir des Khmers Rouges, il est fait prisonnier. Douch, un des plus grands criminels de guerre, sera un de ses interrogateurs. Il semble être le seul occidental à avoir survécu aux camps d'internement.

Pour en lire advantage:
http://www.lecturesdevoyage.travelreadings.org/2015/06/07/idees-bouquins-etc-cambodge/
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La gorge nouée, dès le début de la lecture... On ne peut que rester humble devant pareil témoignage. Car il s'agit d'un récit qui nous met face à la peur, la mort, l'impuissance devant la barbarie. Une vie humaine devient comme une plume au vent, un coup de poker, un pile ou face.
Nous ne sommes qu'au début du génocide perpétré par les Khmers rouges au Cambodge. Et déjà le rouleau compresseur est en marche, broyant certaines consciences, dont celle de Douch, le futur tortionnaire, partagé entre le « devoir communiste » et une minuscule parcelle d'humanité.
Le seul homme qui fut sauvé par Douch fut François Bizot. Les 20 000 autres auront été torturés puis exécutés (autre ouvrage de François Bizot : « le silence du bourreau »). C'est la première partie du livre.
La deuxième se déroule à l'ambassade de France, ultime refuge des derniers notables du pays, et de toutes autres nationalités. Des choix à faire, de vie ou de mort. Les fragiles négociations sur le fil du rasoir, pour l'évacuation. Evacuation ou mitraillage en forêt ?
Le livre nous tient de bout en bout, et nous laisse effarés, sans voix, la gorge nouée.
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Dans la pile qui devient vertigineuse des livres qui s'empilent sur ma table de chevet, ceux que je pose près de mon lit pour "lecture urgente", j'ai retrouvé, planqué au fond, ce livre que j'ai commencé il y a un bon moment, mais que les circonstances la paresse des lectures faciles de polars m'a fait oublier. Après une journée de 9 heures de corrections (je remets ça demain :-(, j'ai décidé de m'accorder une pleine soirée lecture et oh plaisir, je farfouille, je tombe sur ce livre, je le finis, dans la foulée, éblouie, en diagonale je le relis, et toute groggie, j'écris.

En 1999 est arrêté Douch, patron à l'époque du régime des Khmers rouges du camp de Tuol Sleng, S 21, surnommé "la machine de mort khmère rouge" par Rithy Panh, le réalisateur du film-documentaire éponyme et saisissant.

... la suite ici :

http://polemos.hautetfort.com/archive/2008/04/29/deux-lectures-sur-les-khmers-rouges.html
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Il y a quelque chose de fascinant à vivre, par le témoignage de François Bizot, l'effondrement du Cambodge et les premiers temps de la folie meurtrière des Khmers rouges. Un livre lu en 2 jours, un mois après un voyage à Angkor Vat. Je suis ressortie de cette lecture un peu assommée, avec quelques pistes de compréhension de ce qui a bien pu conduire un régime à assassiner un quart de sa population en quatre ans.
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Le génocide cambodgien raconté par un Français qui l'a vécu dans sa chair. le témoignage bouleversant d'un homme qui, plusieurs décennies après les faits, n'a rien oublié et évoque ces souvenirs dans les moindres détails. Magnifiquement écrit.
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