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EAN : 978B0BNSMWG4P
287 pages
(30/11/2022)

Note moyenne : /5 (sur 0 notes)
Résumé :
Dans un futur qui confine au présent, les drones ont envahi la pureté du ciel. L’État a tout pouvoir et se fait Père et Mère du peuple. La démocratie n'est plus que le nom de la douce comédie qui se joue dans les médias tous vendus aux puissants. La surveillance est généralisée et les libertés individuelles ont réduit comme peau de chagrin avec les années. Le monde vit désormais sous l’égide de la sacro-sainte économie : économie des ressources, des déplacements, de... >Voir plus
Citations et extraits (4) Ajouter une citation
— Vous… Vous me demandiez des choses sur la vieillesse... Je vais vous dire la vieillesse… La vieillesse, c’est quand vous cessez d'avoir des options, lorsque vous êtes soumis à une réduction drastique de vos possibilités. Quand tout n'est régi que sous le signe du nécessaire. De l’économie. Quand vous entrez dans l'ère de la plus courte distance d'un point à l'autre. C'est l'arrêt des détours et de la belle errance. C'est hanter l'espace en attendant le noir, l'éclipse totale. Irrémédiable. C'est quand votre corps altier, vos pas légers s'alourdissent soudainement... Lorsque votre corps d'oiseau devient un bâton de cire fondue, lorsque vous commencez à couler en direction de la terre. Comme si elle vous appelait avec la force d'un aimant. Lorsque vous n'avez plus un endroit du monde à visiter. Plus un endroit en vous-même où vous réfugier. Aucun rêve dans lequel vous draper. Juste le réel. Brut. Les choses pour ce qu'elles sont. Sans fioritures. Plus de fulgurances. Tout rejoint la mélasse informe. Tous les jours se ressemblent. Ils se confondent. Ce n'est qu'un long jour sans fin avec des variations de lumière, des montagnes d'angoisses, des dépressurisations violentes, des envolées rares... Vous flottez dans un grand bain tiède et vous avez toutes les peines du monde à agripper les bords. Vous vous dites que toutes ces poignées qu'on installe près des toilettes, dans les baignoires, ces bras d'appui disséminés partout dans votre environnement se veulent comme autant de prises sur un réel de plus en plus brumeux, que vous allez déjà glissant en direction du ventre de la terre. On perd la grâce, l'assurance, puis l'agilité, le naturel de la marche. On désapprend tout. On titube, on tombe plus souvent, comme attirés par le sol qui nous réclame. La vie a faim de nous. La vie n'est que cela : apogée et périgée. Radiance et extinction lente. C'est un feu violent. Mais comme tous les feux, comme tout ce qui existe au monde ; destiné à s'éteindre, s'étouffer, s'obscurcir... La vieillesse, c'est ça, je vous le dis : c'est être dans cette grande baignoire comme un ventre immaculé et ne songer qu'à vous laisser couler... Plus rien ne vous retient. Il y aurait peut-être les souvenirs heureux, mais même ceux-là, surtout ceux-là, vous laissent un goût amer... Ils sont comme le reste : fantômes de vous-même. Vous restez sidéré de ne pas comprendre dans votre cœur où ce temps a filé, sidéré par la façon dont tout a tôt fait de s'éclipser... Mais ça, ça ne marche que si vos souvenirs ne sont pas déjà sujets à la dessiccation. Au travestissement. À l'émiettement que la maladie mangeuse de matière grise rend inéluctable... Peu importe à quoi vous pensez : tout appelle à la mort. Ceux qui ne sont plus là. La néantisation de vos possibilités. Votre vie ponctuée de contraintes. La prison de votre corps. La prison de votre esprit... Des rétrécissements successifs...
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Le jeune homme arrive à pas légers, porté par les chevaux du vent.
Un peu comme si la terre appelait un de ces anges faits d’eau et d’air, chimères nées du ciel.
Toute l'île frémit de son retour.
L'île natale qui n'est qu'un amas de sables diaprés et de plantes décolorées.
Embruns et odeurs. Vaguelettes de chaleur.
Quand nous disons que toute l'île frémit, nous pensons moins aux humains qu'à la terre, à l'eau, aux arbres et aux pierres, à toutes ces choses qui font le monde.
Et à voir la façon dont la végétation assoiffée danse ce jour-là, on pourrait croire que la lande entière en tremble même par avance.
Il y a des choses que le monde sent.
Il arrive, avec sa peau mate, ses cheveux noirs et épais sur sa tête. Ses yeux chocolat sont rivés droit devant lui. Fixés sur la villa reculée qu'il aperçoit de loin en loin. C'est vrai qu'elle est abîmée. Désolée. Elle ressemble à une grosse meringue craquelée au format très géométrique. Une large faille se dessine sur la façade qu'il voit d'où il est.
Depuis gamin, il a toujours rêvé d'y entrer.
Bien sûr, elle avait plus d'allure, plus d'éclat, à l'époque. Les années prises dans la façade ont fini par l'user. Andréa y pensait souvent, à cette villa reculée, même après avoir quitté l'île pour aller faire ses études en métropole.

Revenir au pays. Ils en ont de belles, pense le jeune homme. Comme si le contraire avait été envisageable.
Andréa se souvient.
C'est toujours à la vue des vieux du coin qu’il sait qu’il est arrivé. Ils sont toujours la première chose qu'il lui est donnée de voir de la ville d'enfance, de l’île natale, avant même ses propres familiers. C'est toujours avec le même émerveillement qu'il retrouve le berceau d’enfance au sens large, la maison familiale lui étant désormais territoire étranger.
C’est avec la même angoisse qu'il replonge dans ces paysages sublimes qui lui filent des coups de poing dans le cœur et dans les tripes.
Andréa est toujours le creuset d'un mélange de sensations.
C’est sans doute à cela que l’on reconnaît la jeunesse.
Là, il ressent cette impression bizarre de retrouver à la fois un objet familier et, dans le même temps, de découvrir tout comme si c'était la première fois.
Andréa revient toujours sur l'île pour l’été.
L'île qui est lieu de tous ses ravissements et de toutes ses angoisses depuis qu’il n'écrit plus.
Son promontoire.
Son défouloir.
Son grand terrain de jeu.
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— Vous leur en voulez ?

— Oui et non. Mais, à partir de là, tout dialogue a été rompu. Je prétends pas détenir la vérité universelle, ni que je me sens au-dessus du reste des gens, mais il y a comme un déclic qui s’est opéré en moi et… Plus rien ne peut me faire faire demi-tour. Tout ce qui me tire vers l’arrière… j’ai tendance à le rejeter. Je n’ai plus qu’une direction : devant toute. Il y a encore quelques mois, je donnais des nouvelles, de loin en loin. Désormais, c’est silence radio. Pourtant, ils sont ici, à quelques kilomètres. Nous ne sommes plus du même monde… Ouais… J’ai fini par avoir une réserve de mépris phénoménale pour les personnes que j'aime. C’est pas le sentiment le plus cool à ressentir…

— Vous avez choisi la colère pour ne pas voir que vous avez peur de les perdre…

— Hum, marmonne Andréa. Je n’ai que du mépris pour leur mollesse. Leur résignation. Leur manque de révolte. L’esclavage qu’ils ont choisi. Tout ça me tue... Leur manque d’appétence pour le rêve. Pour leur façon de rester dans les clous. De ne jamais déborder des limites par peur d'être pointé du doigt et d'être soumis à la vindicte de la masse. Leur façon de se glisser dans le lit du conformisme, niant au passage leur propre sentiment d'humanité. Ils puent la défaite… C’est sans doute ça, la blessure la plus amère. J'ai coupé les ponts. J'ai tout coupé. J'ai renié mes amis. Ma famille. Je ne brûle plus que pour mes convictions et pour moi-même. Il n'y a plus rien entre moi et ce monde qui vrille. Ils sont là et je ne vais plus les voir depuis qu'ils se sont salement soumis... Je les ai vus tomber les uns après les autres, leurs bouches gâchées par leur rationalisation : « Tu comprends, c'est pour avoir une vie normale », « Il faudra bien le faire un jour ou l'autre... » C'était trop pour moi. J'avais soudain l'impression qu'ils n'étaient que des figurines en deux dimensions. Des masques creux. Des rebelles de bacs à sable. Ils avaient les mots pour parler, mais pas les mots pour penser. Leurs mots n’étaient connectés à rien de réel. Dans le concret, ils échouaient tous. Voilà, voilà pourquoi je crache sur leur sentiment d’identité précaire, vacillant... Je crois que j’ai eu peur que leur couardise ne rejaillisse sur moi. Par contagion. Je ne veux plus être associé à ça. J'ai honte d'eux...
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— Vous tracez votre propre route. Il n’y a pas de culpabilité à ressentir. Soyez fier de ce que vous devenez par vous-même. En vérité... Je vous admire.

— Vous allez bien ? se moque le jeune homme. Je vous connais depuis genre deux minutes mais j’ai l’impression que c’est pas souvent que vous vous laissez aller à faire des compliments, je me trompe ?

— De cette manière, cela leur confère un certain poids, oserais-je dire une certaine valeur… Si ce mot veut encore dire quelque chose. Tout le monde n'a pas le courage de ses convictions. Encore moins le souci de leur application dans la réalité. Rompre avec ceux qu'on aime pour ses idées, pour une conception de la vérité et du bon, ce n'est jamais chose aisée. Après tout, nous ne sommes ni monolithiques ni des robots. Nous sommes aussi pétris de sentiments. On se sent souvent obligés par notre sang. Par notre histoire. Vous avez eu un sursaut salutaire. Vous avez décidé de rompre les fils qui vous empêchaient de vous réaliser pleinement. Tous n'ont pas eu ce sursaut... Il y a peut-être un peu d’espoir… Toute la jeunesse n’est peut-être pas à jeter.
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