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Bibliographie de Frédéric Bleumalt   (14)Voir plus

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Citations et extraits (40) Voir plus Ajouter une citation
Les monstres n'ont pas toujours de grandes dents affûtées prêtes à vous déchiqueter. Ils ne marchent pas de manière inquiétante dans des décor enfumés. Leurs silhouettes ne se découpent pas toujours sous la forme d’une ombre qui danse. Ils n'ont pas de rugueuses écailles en guise de peau, pas d'épine dorsale surmontée de pointes, pas d'affreux sourires métalliques.
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Je vis pas dans le même temps que les autres.
La maîtresse l’a bien compris. Elle crie tout le temps que je suis lent. Trop lent. C’est écrit en lettres capitales sur mon bulletin depuis le début de l’année. Il faut toujours m’expliquer cent fois la même chose. Trop émotif. Je sais pas ce que ça veut dire, mais je sais que ça a le goût des larmes.
Le soir, avec Maman, on regarde des films dans mon lit, des trucs pas de mon âge, mais c’est bien, ça m’apprend la vie. Dans la télé, il y a des gens qui meurent. Des fois, je me dis : je pourrais très bien tuer quelqu’un, moi aussi. Ça me tourne dans la tête comme un disque rayé.
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Quitter la vie, ce devait être un acte soigné, préparé : un acte sensé en somme. Il pensa même à l'expression anglaise qui faisait qu'en parlant d'un suicidé, on disait volontiers : He took his life. Littéralement : il a pris sa vie. Prendre sa vie, n'était-ce pas se l'approprier, enfin ?
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— J’ai cru que j’allais mourir. Me répandre complètement. Devenir tellement liquide que j’allais me vider par tous mes orifices. Les yeux, le nez, la bouche, tous les pores de ma peau… J’étais à poil. Complètement à poil.
— Et c’était comment ?
— Gênant… et excitant. Comme… Baiser devant tout le monde. C’était… C’était une belle mort. J’avais envie que ça dure toujours alors que dix minutes avant j’aurais tout donné pour que ça passe vite voire que ça n’ait pas lieu du tout… J’ai aimé leurs regards sur moi, et la lumière aussi. La lumière surtout… Celle qui console tout. Les couleurs qui jouaient avec moi. Les couleurs qui s’accordaient avec la musique. C’était caressant et fulgurant. J’oublierai jamais ce que ça m’a fait, d’être là, perché, au milieu de tout, au centre. Être le soleil… Je crois même que je pourrais m’y habituer. C’est bizarre… Contradictoire. J’étais à la merci de tous les jugements, soumis à tous les yeux… Mais, quand la musique a commencé, j’ai oublié qui j’étais. C’était grand. Je me sentais… En paix. Comme à ma place. Je sais que ça m’a déjà fait cette sensation, mais jamais de manière aussi intense que ce soir. Je me suis senti chez moi. Juste la musique et moi. Moi dans la musique, la musique en moi. Tout ça s’interpénétrait. Ça faisait plus qu’un. Et avec les autres aussi, je faisais plus qu’un. Tu sais, même si ça se reproduit jamais de ma vie, je serai heureux. D’avoir pu vivre ça… D’avoir senti que la réalité pouvait plier. D’avoir senti la musique transformer mes composantes. Me transcender. J’en ai encore des étincelles dans le ventre. Je crois que j’arriverai pas à dormir.
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Enveloppés dans la nuit, nous n’étions plus que deux souffles dans le noir. La lutte était finie. Nos corps terrassés ont retrouvé leur lourdeur naturelle. On est restés immobiles sur le matelas, piégés sous le voile. Nos cerveaux flottaient dans un bain de molécules magiques, les douces endorphines. Des paillettes en intraveineuse. Les points de lumière continuaient de glisser sur nos contours qui ruisselaient légèrement. On a flotté longtemps dans les lueurs opalines d’après l’amour. Le temps, lui, semblait encore suspendu pour un moment. Très vite, nos dards encore déployés retrouveraient leur forme originelle. La fête était finie pour un temps. Pour l’heure, nos membres revêtaient une allure marmoréenne. Sculpturale. Photographique.
J’avais la conviction que je m’endormirai dans la minute : l’amour sachant assurément mener les garçons vers des rivages plus tranquilles et veloutés. J’avais envie de me lever pour aller m’accouder à la fenêtre et voir le monde endormi mais on ne peut plus vivant, vibrant de toutes parts, pour m’imprégner de ce qui venait d’être accompli. Mon corps décida d’ignorer ma tête. Je suis resté planté dans le lit, pas plus grand qu’une barque il y a quelques minutes, désormais aussi large qu’un boulevard. Je me suis mis à repenser au monde qu’on avait été et à celui qui nous séparait à présent. Entre nos deux corps, un grand mur de silence.
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On ne nous apprend jamais à mourir.
Pourtant, il me semble que c'est ce que j'ai toujours semblé apprendre depuis l'aube de ma vie. Mourir.
En collectant tous mes souvenirs, ce sentiment émergea : depuis un moment, j'allais de deuil en deuil, j'avais l'âme qui au fil du temps s’effeuillait. Et de tout temps, ma vie n'a été qu'une tentative de fuite.
Au contraire, on nous apprend à nous révolter, à nous ériger contre la mort. À l'oublier. À la traiter comme de la poussière qu'on glisse sous le tapis. C’est une erreur.
Maman m’apprenait une ultime leçon.
Devenir célèbre, mourir, c'était du pareil au même : c'est changer d'échelle.
Passer du microscopique à l'astronomique. Élargir ses cercles. Accroître son orbite. Entamer une révolution de plus en plus lente. Plus lointaine aussi. On oublie souvent que la lumière céleste est intrinsèquement liée à la mort. Sa source n'existe déjà plus quand son signal nous parvient. Pour cause : les distances sidérales qui nous séparent. Il devait en être pareil pour Maman, pour moi : les autres pouvaient nous voir mais nous n'étions déjà plus là.
On est tant et tant à être dans la vie dépouillés de notre incandescence.
Les morts-vivants sont plus nombreux qu'on le croit.
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— Vous… Vous me demandiez des choses sur la vieillesse... Je vais vous dire la vieillesse… La vieillesse, c’est quand vous cessez d'avoir des options, lorsque vous êtes soumis à une réduction drastique de vos possibilités. Quand tout n'est régi que sous le signe du nécessaire. De l’économie. Quand vous entrez dans l'ère de la plus courte distance d'un point à l'autre. C'est l'arrêt des détours et de la belle errance. C'est hanter l'espace en attendant le noir, l'éclipse totale. Irrémédiable. C'est quand votre corps altier, vos pas légers s'alourdissent soudainement... Lorsque votre corps d'oiseau devient un bâton de cire fondue, lorsque vous commencez à couler en direction de la terre. Comme si elle vous appelait avec la force d'un aimant. Lorsque vous n'avez plus un endroit du monde à visiter. Plus un endroit en vous-même où vous réfugier. Aucun rêve dans lequel vous draper. Juste le réel. Brut. Les choses pour ce qu'elles sont. Sans fioritures. Plus de fulgurances. Tout rejoint la mélasse informe. Tous les jours se ressemblent. Ils se confondent. Ce n'est qu'un long jour sans fin avec des variations de lumière, des montagnes d'angoisses, des dépressurisations violentes, des envolées rares... Vous flottez dans un grand bain tiède et vous avez toutes les peines du monde à agripper les bords. Vous vous dites que toutes ces poignées qu'on installe près des toilettes, dans les baignoires, ces bras d'appui disséminés partout dans votre environnement se veulent comme autant de prises sur un réel de plus en plus brumeux, que vous allez déjà glissant en direction du ventre de la terre. On perd la grâce, l'assurance, puis l'agilité, le naturel de la marche. On désapprend tout. On titube, on tombe plus souvent, comme attirés par le sol qui nous réclame. La vie a faim de nous. La vie n'est que cela : apogée et périgée. Radiance et extinction lente. C'est un feu violent. Mais comme tous les feux, comme tout ce qui existe au monde ; destiné à s'éteindre, s'étouffer, s'obscurcir... La vieillesse, c'est ça, je vous le dis : c'est être dans cette grande baignoire comme un ventre immaculé et ne songer qu'à vous laisser couler... Plus rien ne vous retient. Il y aurait peut-être les souvenirs heureux, mais même ceux-là, surtout ceux-là, vous laissent un goût amer... Ils sont comme le reste : fantômes de vous-même. Vous restez sidéré de ne pas comprendre dans votre cœur où ce temps a filé, sidéré par la façon dont tout a tôt fait de s'éclipser... Mais ça, ça ne marche que si vos souvenirs ne sont pas déjà sujets à la dessiccation. Au travestissement. À l'émiettement que la maladie mangeuse de matière grise rend inéluctable... Peu importe à quoi vous pensez : tout appelle à la mort. Ceux qui ne sont plus là. La néantisation de vos possibilités. Votre vie ponctuée de contraintes. La prison de votre corps. La prison de votre esprit... Des rétrécissements successifs...
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Le jeune homme arrive à pas légers, porté par les chevaux du vent.
Un peu comme si la terre appelait un de ces anges faits d’eau et d’air, chimères nées du ciel.
Toute l'île frémit de son retour.
L'île natale qui n'est qu'un amas de sables diaprés et de plantes décolorées.
Embruns et odeurs. Vaguelettes de chaleur.
Quand nous disons que toute l'île frémit, nous pensons moins aux humains qu'à la terre, à l'eau, aux arbres et aux pierres, à toutes ces choses qui font le monde.
Et à voir la façon dont la végétation assoiffée danse ce jour-là, on pourrait croire que la lande entière en tremble même par avance.
Il y a des choses que le monde sent.
Il arrive, avec sa peau mate, ses cheveux noirs et épais sur sa tête. Ses yeux chocolat sont rivés droit devant lui. Fixés sur la villa reculée qu'il aperçoit de loin en loin. C'est vrai qu'elle est abîmée. Désolée. Elle ressemble à une grosse meringue craquelée au format très géométrique. Une large faille se dessine sur la façade qu'il voit d'où il est.
Depuis gamin, il a toujours rêvé d'y entrer.
Bien sûr, elle avait plus d'allure, plus d'éclat, à l'époque. Les années prises dans la façade ont fini par l'user. Andréa y pensait souvent, à cette villa reculée, même après avoir quitté l'île pour aller faire ses études en métropole.

Revenir au pays. Ils en ont de belles, pense le jeune homme. Comme si le contraire avait été envisageable.
Andréa se souvient.
C'est toujours à la vue des vieux du coin qu’il sait qu’il est arrivé. Ils sont toujours la première chose qu'il lui est donnée de voir de la ville d'enfance, de l’île natale, avant même ses propres familiers. C'est toujours avec le même émerveillement qu'il retrouve le berceau d’enfance au sens large, la maison familiale lui étant désormais territoire étranger.
C’est avec la même angoisse qu'il replonge dans ces paysages sublimes qui lui filent des coups de poing dans le cœur et dans les tripes.
Andréa est toujours le creuset d'un mélange de sensations.
C’est sans doute à cela que l’on reconnaît la jeunesse.
Là, il ressent cette impression bizarre de retrouver à la fois un objet familier et, dans le même temps, de découvrir tout comme si c'était la première fois.
Andréa revient toujours sur l'île pour l’été.
L'île qui est lieu de tous ses ravissements et de toutes ses angoisses depuis qu’il n'écrit plus.
Son promontoire.
Son défouloir.
Son grand terrain de jeu.
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— Vous leur en voulez ?

— Oui et non. Mais, à partir de là, tout dialogue a été rompu. Je prétends pas détenir la vérité universelle, ni que je me sens au-dessus du reste des gens, mais il y a comme un déclic qui s’est opéré en moi et… Plus rien ne peut me faire faire demi-tour. Tout ce qui me tire vers l’arrière… j’ai tendance à le rejeter. Je n’ai plus qu’une direction : devant toute. Il y a encore quelques mois, je donnais des nouvelles, de loin en loin. Désormais, c’est silence radio. Pourtant, ils sont ici, à quelques kilomètres. Nous ne sommes plus du même monde… Ouais… J’ai fini par avoir une réserve de mépris phénoménale pour les personnes que j'aime. C’est pas le sentiment le plus cool à ressentir…

— Vous avez choisi la colère pour ne pas voir que vous avez peur de les perdre…

— Hum, marmonne Andréa. Je n’ai que du mépris pour leur mollesse. Leur résignation. Leur manque de révolte. L’esclavage qu’ils ont choisi. Tout ça me tue... Leur manque d’appétence pour le rêve. Pour leur façon de rester dans les clous. De ne jamais déborder des limites par peur d'être pointé du doigt et d'être soumis à la vindicte de la masse. Leur façon de se glisser dans le lit du conformisme, niant au passage leur propre sentiment d'humanité. Ils puent la défaite… C’est sans doute ça, la blessure la plus amère. J'ai coupé les ponts. J'ai tout coupé. J'ai renié mes amis. Ma famille. Je ne brûle plus que pour mes convictions et pour moi-même. Il n'y a plus rien entre moi et ce monde qui vrille. Ils sont là et je ne vais plus les voir depuis qu'ils se sont salement soumis... Je les ai vus tomber les uns après les autres, leurs bouches gâchées par leur rationalisation : « Tu comprends, c'est pour avoir une vie normale », « Il faudra bien le faire un jour ou l'autre... » C'était trop pour moi. J'avais soudain l'impression qu'ils n'étaient que des figurines en deux dimensions. Des masques creux. Des rebelles de bacs à sable. Ils avaient les mots pour parler, mais pas les mots pour penser. Leurs mots n’étaient connectés à rien de réel. Dans le concret, ils échouaient tous. Voilà, voilà pourquoi je crache sur leur sentiment d’identité précaire, vacillant... Je crois que j’ai eu peur que leur couardise ne rejaillisse sur moi. Par contagion. Je ne veux plus être associé à ça. J'ai honte d'eux...
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Qu’on le veuille ou non, les autres ont ce pouvoir de vous faire basculer dans de nouvelles ères de votre existence. Je crois que ma vie a commencé à changer dès l’instant où mes amis les plus proches, les âmes qui comptaient pour moi, ont émis le souhait de devenir parents ou le sont devenus. Calliste, malgré lui, Madrissa, pour qui cet objectif tenait plus de l’obsession que du rêve. Si je devais être honnête, il me fallait dire qu’une partie de moi les avait détestés pour ça. Je haïssais l’idée que mes amis nous propulsent, eux et moi avec, vers une autre génération. Quelque part, dans mon esprit, Calliste et Madrissa reconnaissaient ainsi leur statut d’êtres mortels. Cette pensée me glaçait, me laissait entre sidération et effroi. Inconsciemment, je m’étais toujours figuré que je mourrais avant eux. Que les circonstances de l’existence nous séparent ou non, je ne concevais pas un monde sans eux. Égoïstement, je me disais que ces êtres autour desquels j’avais tant cristallisé étaient des preuves de ma propre existence et portaient en eux des morceaux de moi ; tous deux constituant des reflets, des éclats de mon âme. Peut-être aussi parce que cet état de fait me faisait choir définitivement de mon statut d’enfant. Pourquoi avais-je tant de mal à grandir ? Et puis, cette injonction à se reproduire me dépassait : je n’avais pas assez de foi en ce monde pour commettre un tel sacrifice. Offrir une âme pure à la fange me paraissait en plus d’une indécence, une vraie folie. Déjà, un acte égoïste au possible, doublé de malveillance. J’avais l’intime conviction que le seul enfant que je n’aurai jamais était celui que j’avais, logé dans le cœur et qui, de temps à autre, tentait de me parler ; je reconnaissais sa voix comme un vieil écho émanant de mes tréfonds, lointaine et un peu déformée, que le vide alentour habillait de beauté. Peut-être était-ce finalement cette voix que je tentais d’extirper de moi et que je convoquais à travers la musique, entre les notes, sur l’onde pulsatile du son. La seule voix qui comptait vraiment.
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