Elle demande ce qu’elle peut pour moi. La question me fait sourire. Personne ne peut rien pour moi.
"Samuel prend des photos.
Moi, non.
Je ne veux aucune trace que celles qui s'incrustent dans la mémoire.
Le profil de Laure découpé dans la lumière jaune, la nuque de Samuel qui oblitère la route [...] Des touches. De toutes petites touches, millimétrées. Des princesses qui s'endorment à peine couchées dans ma boîte à images. Des princesses qui attendront des années, dix, vingt, peut être davantage avant d'être réveillées en sursaut tout d'un coup et ressortir intactes, pimpantes, lustrées - un bâillement étouffée, un étirement -, elles regarderont le monde autour d'elle. Tout aura changé.
J'aurai changé
Je n'aime pas les photographies. Je n'aime pas ce qui fixe. Je préfère le mouvant. L'indistinct. Le fondu enchaîné. C'est ce que je suis. Fondu et enchaîné.
Nous nous perdons.
De vue, de sentiment, d'intimité.
« Moi, je ne sais pas en quoi je suis doué. En capacité de survivre au décès de mes proches, peut-être. » (p. 214)
« Je fais ce voyage pour trouver mon itinéraire singulier, alors, en marge, je trace mon sentier. » (p. 114)
« Je sais très bien sourire pour briser le cœur. C’est comme un don. » (p. 90)
Je suis à côté d'un colibri.
Il y a tellement de beauté.
J’ai vingt-deux ans et je suis le dépositaire de leurs histoires inachevées. J’ai vingt-deux ans et je suis un reliquat de récits. Une survivance. Un putain de séquoïa.
je sens l'air froid dans mes narines et, remontant doucement, il se met à aérer mes pensées. Elles s'ouvrent au monde. Elles me questionnent. Elles me demandent si, magré tout, ce fracas d'existence ne vaut pas la peine d'être vécu.