J'suis pas vulgaire, Momo, j'suis lucide : t'as les bonbons qui pendouillent et moi les seins qui se liquéfient, c'est la loi du ruissellement, ils en parlent, aux actualités : y a tout qui ruisselle, l'argent du gouvernement, les actions de la Bourse, les impôts, les dividendes, ta bite et mes nichons !
La masturbation servait de soupape au fonctionnement de la machine, et elle finit par l'enrayer. L'onanisme est un élan planétaire, la romance d'un monde qui s'entortille à fomenter son propre chaos, par amour du suicide.
Je suis un haillon que les uns et les autres piétinent jusqu'à la dislocation.
La masturbation ne rend pas sourd. Elle assassine. J'ai tué Saïd pour me branler. C'est ma faute. Trois secondes d'infini contre Saïd. Mon extase contre sa survie.
Mais aucun de nos gestes ne peut trahir l’oisiveté. Il faut être actif, toujours faire quelque chose. Moi l’inertie, ça ne me dérange pas. Depuis que je travaille ici, j’excelle dans l’art de feindre le mouvement. Régulièrement, j’astique le carrelage déjà propre et je trie les sauces – moutarde, ketchup, mayonnaise.
... quand la chose accomplie s'apparente à une marche arrière.
A quel moment ai-je refusé de m’en sortir. Du plus loin, je me suis dérobée au beau. Je tâchais les vêtements que ma mère m’envoyait par colis ; ils devaient demeurer inaccessibles pour que je continue à me morfondre dans les joggings subtilisés par Saïd au centre commercial, quand je recevais des merveilles par la poste. Je refusais d’accéder à la beauté par intime conviction que nous étions, elle et moi, incompatibles.
La vie nous habitue à la peur de l'habitude. On l'appréhende avec angoisse, on l'avorte avant qu'elle n'advienne, créant les conditions d'un ressassement qui devient l'habitude même. La vie est une masturbation perpétuelle. Onanisme des malheurs et des mémoires, onanisme du dégoût que l'on traîne avec soi comme une malle dont on ignore le contenu. Onanisme de la révolte à jamais déflagrée. Quand la beauté survient, prise dan le flot las de l'habitude, on la défigure.
Tout, dans l'existence des faibles, est un éternel début. Le moindre accroc torpille le cheminement de longue haleine entrepris il faut sans cesse recommencer.
Un type a dit un jour que la France est un hôtel, il aurait dû préciser, la France est un hôtel pour ceux qui peuvent se le payer. Sinon c'est un parking, un local poubelles, un ascenseur, au mieux des chiottes qui ne ferment pas la nuit.