C'est noir, d'une tristesse infinie et d'une poésie mortellement dérangeante. Je l'ai lu dans le cadre de la préparation d'un coup de coeur. C'est un roman puissant mais effectivement à ne pas mettre entre toutes les mains, de crainte que ce cri ne soit critiqué sans parvenir à le comprendre.
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La narratrice raconte son quotidien en Syrie alors que la révolution a débuté et que son compagnon attend son jugement. Elle raconte l'attente, la peur, l'absurdité de l'administration, mais aussi la beauté de Damas. L'écriture est belle, directe, franche. Mais le récit est aussi extrêmement violent. Ce court roman s'ouvre par une scène d'accouchement et d'infanticide décrit avec réalisme qui m'a secouée et dérangée. C'est assurément l'effet recherché. Cet enfant mort devient le symbole d'un pays en sang, d'un avenir sombre, d'une rage. le plus dur et choquant n'est probablement pas cette première partie mais la suite, lorsque la narratrice déambule dans son appartement à l'abandon et qu'elle observe le cadavre et le commente. C'est très dur et marquant et j'ai passé une très mauvaise nuit après cette lecture. Très agitée et secouée par ces images qui me venaient. L'auteur était étudiante et vivait à Damas lorsque les premières manifestations ont eu lieu en Syrie. Elle en a ramené un récit de fiction puissant et dérangeant. À ne pas mettre entre toutes les mains.
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On a dansé cette nuit-là. Amir exultait, ses vers de cinglé larmoyant à la langue, il déclamait des poèmes assis sur l'évier de la cuisine; il chantait. De la vodka, du vin, tout l'alcool qui courait dans les veines de Damas convergeait vers le salon d'Ahmad
« Et la voici, Eve Melville, sculptée d'un seul pan de glaise, pas un pli, pas une ride, pas un mot plus haut que l'autre, qui se redresse au milieu de Halsey Street, au milieu des voisins à leurs fenêtres et des enfants réunis sur la route vide, qui nous regarde un à un et qui murmure
ma maison est noire »
Un matin d'août 2016, un cri déchire le coeur de Brooklyn : la maison d'Eve Melville a été peinte en noir pendant la nuit. Eve la tient de son arrière-grand-père, Solomon Melville, né esclave en Géorgie. Ce stigmate sur sa façade avive le souvenir. L'héroïne tranquille devient inquiétante, s'accroche à sa propriété comme à sa mémoire et se révolte contre les promoteurs qui défigurent le paysage de son enfance.
Entre l'affranchissement de Solomon et la furie d'Eve, ce roman entrechoque les mythologies américaines : la torture dans les plantations d'indigo, les spectres du Vietnam, l'apparition du sida et les émeutes qui secouèrent Brooklyn à l'aube des années 1990.
Dans une langue incantatoire, magnifique, puissante, ce cantique pour Eve Melville remonte aux racines d'un pays qui rejoue sans cesse ses batailles.
Née en 1989, Justine Bo est écrivain. "Eve Melville, Cantique" est son septième roman.
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