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3,4

sur 408 notes
La perspective d'un moment exceptionnel nuit au plaisir de la découverte et peut aboutir à une déconvenue. Critiques dithyrambiques sur les ondes, prix littéraire majeur : tout cela est de bon augure, mais ne constitue pas une garantie.

Pourtant l'idée de départ était séduisante : une halte dans les pièces d'une grande bâtisse constituant autant d'accroche pour restituer à travers la mémoire de lieux une galerie de portrait originale.

Ajouté à cela, une histoire familiale insolite, que les hasards des rencontres sur le chemin de l'émigration a finalement établie en France. Il y a là de quoi édifier un récit dans pareil.

La promesse est tenue sur la construction : chaque chapitre s'ouvre sur une pièce et l'on parcourt la maison, qui est un reflet fidèle des extravagances des personnages, salle après salle, on s'y arrête le temps de l'évocation. Puis on s'y perd… C'est sans doute là que le bât blesse. Même quand les personnages sont nombreux on finit le plus souvent par s'y retrouver et faire le lien, ici ça n ‘a pas marché, j'ai jusqu'à la fin du faire des retours en arrière pour replacer chaque personnage sans son histoire et son contexte. C'est l'antithèse de Cent ans de solitude où les personnages recevaient le même prénom à chaque génération : ici, on a plusieurs noms par personnage!

C'est dommage, car les portraits sont en eux mêmes passionnants et leur originalité de pensée constitue un terreau fertile pour des anecdotes incroyables et passionnantes, ce que l'on retiendra sans doute à long terme (dont l'histoire de la planque qui donne son titre au récit).

L'écriture est très agréable et empreinte d'une émotion sincère, sans pudeur superflue, et teintée d'un grand respect pour cette famille atypique.

Au delà de cette histoire familiale, s'inscrit en filigrane le drame de la judéité au vingtième siècle, les fuites inévitables et salvatrices pour un temps, les temps troubles où le destin dépend d'une simple dénonciation, la traque organisée qui vise une religion même pas pratiquée par les cibles désignées.

Qu'on ne s'y trompe pas : j'ai apprécié cette lecture, mais pas à la hauteur de ce qui me semblait promis.

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Bien qu'ayant eu du mal à entrer dans le guetteur, le dernier roman de Christophe Boltanski, j'ai tenu à lire le précédent, La cache, car j'avais ensuite été conquis par l'histoire de cette mère, héroïne très discrète pour l'indépendance de l'Algérie, morte dans un isolement assez terrible.

La cache, c'est un appartement parisien, rue de Grenelle, que l'auteur fait découvrir au fil du livre, en agrémentant chaque partie d'un plan simplifié : « Ils habitaient un palais et vivaient comme des clochards ».
Autant je comprends le parti-pris littéraire d'un récit décousu mélangeant époques et personnages, autant il m'a été difficile de m'y retrouver, les premières lignes de chaque chapitre n'annonçant pas de qui parle l'auteur.
Plusieurs générations se mêlent, se croisent alors que ce roman familial commence dans une Fiat 500 où se tassent cinq personnes. C'est là que ça devient compliqué mais qu'importe, j'ai apprécié les descriptions minutieuses de chaque pièce que j'ai visitée au fur et à mesure que progressait le récit.
Cette Mère-Grand, héroïne principale qui s'efface de temps à autre, écrivait des romans sous pseudonyme, avait subi la polio, terrible maladie dont elle n'acceptait pas les conséquences, luttant avec une vaillance admirable pour ne pas être traitée en infirme.
Les Boltanski, famille juive est venue d'Odessa où l'auteur se rend en 2014 pour trouver des actes officiels. Dans notre pays, c'est : « L'histoire édifiante, maintes fois racontée d'une intégration réussie, d'une ascension sociale rapide, par la grâce de l'école républicaine. » Puisque tout cela se déroule au XXe siècle, les drames sont inévitables et, je dois le reconnaître, ce sont les pages que j'ai préférées.
Le grand-père a fait deux ans de tranchées comme médecin auxiliaire avec les brancardiers, sur le front : « Des attaques dont l'absurdité saute aux yeux des hommes qui les mènent, avec la même violence que des obus. » Sa croix de guerre, il ne l'a jamais montrée mais, dans les années qui suivirent : « Son milieu dit hospitalier, immaculé, assermenté, nourrit un antisémitisme virulent. »
De nouvelles années très sombres voient l'appartement mériter son nom de cache avec, à nouveau, des pages émouvantes sur une période à ne jamais oublier pour ne pas la revivre. J'ai fait cette visite. J'ai tenté de comprendre et de connaître un peu les membres de cette grande famille mais je retiens cette phrase de l'auteur qui explique cet hommage indispensable : « Je n'ai jamais été aussi libre et heureux que dans cette maison. »

Cette grande fresque familiale qui brasse plusieurs époques très fortes amorce le roman suivant, évoqué plus haut et je regrette simplement qu'en plus des croquis des lieux, un arbre généalogique n'ait pas été ajouté. Cela m'aurait aidé.
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Passionnant, intelligent, remarquablement construit : ce roman m'a captivée. Peut-être parce que la famille Boltanski - ou faut-il parler de tribu ? - porte en elle des gènes éminemment romanesques. Peut-être aussi parce que l'auteur utilise ici son savoir-faire d'excellent journaliste reporter pour mener l'enquête et tenter de restituer l'alchimie subtile qui a abouti à la construction de cette famille hors du commun. Sûrement également parce que l'idée de faire parler les murs de la maison qui les a abrités (et le mot est ici particulièrement juste) permet d'aboutir à un résultat aussi original que séduisant.

C'est donc à une visite que nous convie Christophe Boltanski. Celle de la maison de ses grands-parents, rue de Grenelle. Etienne et Marie-Elise, appelée aussi Myriam mais on verra que la question de l'identité est assez centrale dans ce livre. Un fils d'émigrés juifs russes ayant fui les pogroms à la toute fin du 19ème siècle et une fille de famille de la bourgeoisie bretonne, offerte en cadeau à une parente isolée pour lui servir de fille et d'héritière. Un couple soudé, que rien ne séparera, ni les guerres, ni la polio contractée par Marie-Elise à trente ans et qui la laissera définitivement handicapée. Un couple qui envisage sa maison comme un cocon qui les isole de l'extérieur et les protège.

De pièce en pièce, l'auteur redonne vie à cette famille, faisant surgir des scènes, des dialogues, des instants de vie et des moments de drame. Il compare son travail d'enquête au jeu du Cluedo, petit clin d'oeil à la difficulté souvent rencontrée pour reconstituer l'histoire, ainsi qu'aux secrets qu'ont parfois abrités les pièces. Car si le couple ressent le besoin de créer un refuge, c'est qu'il y a danger (l'antisémitisme, puis les rafles pendant la guerre) et Etienne, bien que converti au catholicisme dans les années 30 reste dans le collimateur des occupants en 1943. Une période évoquée lorsqu'on arrive à la petite pièce baptisée "entre-deux" dans laquelle une cache a pu être aménagée, permettant à Etienne, empêché d'exercer la médecine et menacé d'arrestation de se cacher jusqu'à la libération de Paris.

On est à la fois époustouflé par la curieuse manière de vivre de la tribu Boltanski (enfants déscolarisés, désir tellement fort de ne pas être séparé que tout le monde dormait dans la même pièce, peu d'attention accordée aux repas ou au ménage...) et curieux de constater comment ce climat, véritable terreau de créativité a abouti à générer autant de talents intellectuels et artistiques (Luc, sociologue et Christian, plasticien sans oublier l'activité littéraire de Marie-Elise elle-même).

Et puis il y a cette question de l'identité, un fil rouge qui donne sens à ce roman. Car l'auteur s'interroge sans cesse sur la réalité de ces gens qui forment sa famille et dont les origines sont sans arrêt remises en question. C'est ce qui arrive lorsque l'on doit fuir, maquiller son identité pour échapper au pire. Fausses identités, fausses déclarations, faux certificats... A quoi se fier ? Aux romans écrits par sa grand-mère, hautement autobiographiques ? Mais dans quelle mesure ?

J'ai pris un énorme plaisir à cette visite riche en émotions et en images sur pratiquement un siècle. Depuis la Fiat 500 où tout le monde s'entassait (toujours pour éviter d'être séparés) jusqu'au salon, théâtre de la vie sociale de cette famille pas comme les autres, en passant par les lieux plus intimes (chambre, salle de bains, bureau) propices à creuser plus avant les caractères et les personnalités de chacun. Sans oublier le grenier et ses jeux d'enfants. Mais c'est peut-être la visite de la cuisine qui m'a le plus touchée avec cette réflexion qui relie identité et nourriture. "Elle qui ne mangeait rien nous transmettait une tradition culinaire pour solde de tout compte. Pas de folklore exotique, pas de coutumes à respecter, pas de langue rare à sauver de l'oubli, pas de culture ancestrale à entretenir par-delà les frontières. Juste des recettes. Une nourriture qu'il fallait qualifier de "russe" pour ne pas dire juive."

Passionnant, intelligent, remarquablement construit. Quoi ? Vous n'êtes pas encore chez votre libraire pour en quérir un exemplaire ?
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Sentiment mitigé avec ce roman de Christophe Boltanski (La cache), il m'a perdu lui aussi en route comme le livre Nicole Krauss, (il va falloir que je prévois des cailloux pour retrouver mon chemin), mais au contraire du livre de Nicole Krauss (« La grande Maison », titre qui aurait d'ailleurs pu convenir à celui-ci), je n'ai pas été ému par ce texte autobiographique. L'idée de construire son roman en passant d'une pièce à une autre, forme une trame attrayante, mais je n'ai pas ressenti l'émotion que de nombreux lecteurs mettent en avant. Je m'y suis ennuyé la plupart du temps alors que les thèmes évoqués avaient tout pour m'intéresser. Pourtant le style est là et ne manque pas d'allure, mais je n'ai vraiment pas accroché à cette famille originale trop de détails, de noms, je m'y suis ennuyé, été rarement touché. Mais ce n'est que moi donc … le nombre fait valeur de qualité !
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Dans la famille Boltanski je demande la grand-mère, femme fantasque et farouchement indépendante, écrivain à ses heures perdues, femme de savoir qui tenait salon auprès l'intelligentsia parisienne communiste, une vraie pile électrique, ayant eu la polio et ne se déplaçant qu'au volant de sa Fiat. Je demande également le grand-père, médecin qui n'a jamais aimé la vue du sang (un comble), profondément attaché à son épouse, aussi discret qu'elle est survoltée, homme de sciences qui réussit tout ce qu'il entreprit mise à part son intégration chez les bons Français. Et oui, quand on est fils d'immigrés juifs d'Odessa, on a beau être le parfait modèle d'intégration républicaine, être le plus brillant, on dérange, surtout dans les années 30. Je demande également le fils Christian, artiste engagé ou encore Luc, le père de l'auteur, sociologue reconnu. Et puis n'oublions pas Christophe Boltanski lui-même qui choisit de consacrer son 1e roman à sa ô combien fantasque parenté, propriétaire d'un hôtel particulier dans le très chic, traditionnaliste et puritain (à tendance réac) 7e arrondissement de Paris.

Une tanière pour cette famille d'excentriques, un rempart contre le monde menaçant, un cocon moelleux mais aussi pernicieux où chacun vivait l'un sur l'autre et occupait la place qui lui était due (imaginez que les enfants dormaient au pied du lit de leur mère et de leur grand-mère, un peu glauque tout de même). C'était cela la famille Boltanski : une prison familiale confortable et rassurante, souvent étouffante, sur laquelle l'auteur revient avec nostalgie. Une famille qui a vécu les grands événements de l'histoire, notamment la période d'occupation allemande. Quand on est Juif, même converti, on n'a pas d'autres choix que d'obéir. Alors ce fut l'étoile jaune portée par le grand-père et l'arrière-grand-mère, marque infamante pour lui le médecin brillant et réputé et elle, la mère un brin menteuse qui quitta Odessa pour suivre un homme plus âgé qu'elle au début du XX siècle.

On sent que l'auteur a mis tout son coeur dans ce roman, jetant sur le papier ses souvenirs pour retracer une mythologie familiale complexe. le procédé stylistique utilisé mérite le détour : chaque chapitre est consacré à une pièce de l'hôtel particulier, l'antre des Boltanski. Nous suivons pas à pas, au fil des pièces, ces personnages qui se dévoilent petit à petit à notre curiosité de lecteurs. A pas feutrés nous entrons dans l'intimité de cette famille, guidés par l'auteur qui porte un regard tendre (mais non sans recul) sur ses aïeux. Si je devais faire un reproche, ce serait celui de manquer légèrement d'âme. J'aurais pu entièrement me laisse porter par ce récit si l'élan romanesque, cette fameuse étincelle qui illumine l'ensemble, n'avaient fait défaut,

Pour autant je conseille cette belle découverte de la rentrée littéraire 2015 qui mérite amplement son succès.
Lien : http://www.livreetcompagnie...
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Dans un hôtel particulier de la rue de Grenelle habite une famille pas comme les autres. Les Boltanski vivent soudés les uns aux autres, tous agglutinés autour de Mère-Grand, figure emblématique. Alors que la guerre éclate, leur vie est chamboulée et le père, juif pourtant converti au christianisme, doit se cacher et vivre dans l'ombre de la peur...
Premier roman du journaliste Christophe Boltanski, salué par le prix Femina 2015, ce livre se lit comme un roman. C'est pourtant bien l'autobiographie de cet homme et de sa famille hors du commun que l'on explore. Remplie d'anecdotes, aux multiples personnages, l'écriture est plaisante et fluide. La construction du récit, autour des pièces de l'appartement est aussi très original. Un bon moment de lecture !
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Square des Poètes - Début novembre 2022

Des lectures multiples par tous les canaux possibles… Là…un hasard pur…causé par un arrêt dans un espace “Livres voyageurs”, où je dépose moi-même régulièrement des ouvrages !

Ainsi je suis tombée sur ce livre très personnel de Christophe Boltanski…en me disant intérieurement que ce patronyme m'était familier, m'évoquait, me semble-t-il, la sphère des Arts… Je ne m'étais pas trompée, je songeais sans me souvenir précisément....à Christian Boltanski, l'oncle de l'auteur...

J'ai aussitôt débuté cette fresque familiale incroyable, se déclinant sur plusieurs générations , avec toutefois un noyau central: les grands-parents de l'écrivain –journaliste: une “Mère-Grand”, figure haute en couleurs et en tempérament !
Ecrivaine renommée, tombée depuis dans l'oubli, un grand-père, figure aussi atypique, dans une réserve et une discrétion constantes, à l'opposé de son épouse...

Médecin respecté et aimé de ses patients, il détestait son métier, étant insupporté par la souffrance , quelle qu'elle soit !

Ce que l'on peut aisément comprendre, puisque l'homme a été largement brisé par la première guerre, puis ce qu'il a dû enduré pendant la seconde, où en tant que juif, il est devenu un “clandestin” dans sa propre maison, ayant été démis de ses fonctions de médecin à l'hôpital… à cause des lois antisémites !

Et la grand-mère, dans cette période tragique, est la “moteur” de la maison et le “chef de famille”, luttant pour son mari, ses fils, sa fille, en dépit d'un lourd handicap, causé par une polyomélite l'ayant touché dans son enfance !

La narration se déploie de façon originale : L'écrivain progresse dans le grand appartement familial comme dans son histoire familiale... On passe de pièce en pièce , et chacune est le miroir de souvenirs, d'incidents, d'événements, de rituels.... Les deux piliers: cette maison et "Mère-grand" indissociable du Lieu !

"Autrefois, une propriété se distinguait par le nombre et la qualité de ses serrures.Dans un intérieur bourgeois, on prenait soin de tout fermer: portes, armoires normandes, secrétaires, cagibis, tiroirs, caves, greniers.C'était même à ce détail que l'on reconnaissait une bonne maison.L'opulence, la respectabilité d'un lieu se mesuraient au cliquetis de son trousseau. On ne possédait que ce l'on pouvait verrouiller, cadenasser, obturer, cacher."

Une “Mère-Grand” décidément combattante; personnalité aussi brillante, déterminée, que “dévorante “ pour tous son entourage…
Elle fut publiée par Plon et et Les Editeurs Français réunis, édition issue du Parti communiste.

Son petit-fils, l'auteur, trouvera d'ailleurs dans les archives familiales certains de ses écrits, lui fournissant de précieuses informations sur l'histoire de sa belle-famille, qui aidèrent dans cette reconstruction familiale; Constellation familiale des plus singulières, regroupant de nombreux personnages brillantissimes, que cela soit dans les Arts, l'Ecriture, le Journalisme ou les Sciences humaines !

L'histoire insensée de cette famille rejoint la grande Histoire du XXe siècle, avec toutes les tragédies traversées…durant ce siècle meurtrier..

Même si on ne peut qu'admirer cette aïeule exceptionnellement douée, intelligente et vaillante, on ne peut pas non plus nier,son omniprésence, et son caractère aussi dévorant qu'intrusif, pour tous les siens !
Le " chef d'une tribu" très soudée, avec ses douceurs , son cocon et ses moments d'intense "étouffement"


"Une fois par mois, elle ( *la grand-mère de l'auteur) accueillait les réunions de cellule dans son salon Louis dix-et- quelques.Les destinataires de
" L' Humanité dimanche " étaient tous là. La soirée relevait davantage de la cérémonie mondaine que d'un soviet préparant la prise du palais d'hiver.( ...)
Que faisait-elle parmi eux? En tout, elle présentait un double visage.A la fois propriétaire terrienne et communiste encartée, exclue et élue, adoptée et dotée, Mère-Grand et Grand- Méchant Loup, handicapée et globe-trotteuse, impotente et omnipotente."

Récit très dense, compact , aussi vaste que cet appartement dont l'auteur, astucieusement, décrit les différentes pièces pour situer les différents ramifications et événements de cette fresque familiale...

Lecture très dense, poignante à plus d'un titre, au vu des épreuves si nombreuses traversées par la "tribu
Boltanski" !... Apprécié la plume et le style de l'auteur, qui ne manquent ni d'humour ni de mordant !

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"Ils habitaient un palais et vivaient comme des clochards."

Christophe Boltanski, grand reporter de professionnel se fait écrivain, (et quel écrivain! ), pour partir sur les traces d'un passé familial effiloché par les secrets, reconstituant une famille bizarroïde de juifs d'origine russe, vivant en tribu dans un vieil hôtel particulier du centre de Paris.

En jeu de Cluedo, il nous déplace de pièces en pièces, faisant l'inventaire de cette maison bourgeoise qui a connu des jours meilleurs, où flotte toute l'âme de la famille Boltanski, les morts, les absents et les vivants. C'est pour le lecteur une véritable enquête par un jeu de tiroirs où les informations aux compte-goutte lèvent le voile sur une famille composite, faite d'un mélange subtil d'érudition, d'originalité, voire de génie. Il faut reconnaitre que la matière romanesque est d'une grande qualité, tous les membres de cet étrange assemblage sont plus crédibles que tout personnage fictif. Et leurs parcours, dans les contextes géopolitiques du 20ème siècle sont à la fois dramatiques et débridés.

Sans trop lever le voile sur cette étrange cache au creux de l'appartement, on parle ici beaucoup de déracinement, de peur, de clandestinité. Un choix qui s'impose et qui a déterminé ensuite le parcours de tous, dans cette pathologie du secret et de renfermement sur soi, en grotte protectrice dirigée par une figure de femme hors norme.

J'ai été fasciné par l'aisance de la plume, cette façon de nous déplacer dans les pièces et le temps sans jamais nous perdre. Un livre maitrisé et créatif, tendre, cocasse, délirant, construit sur les recherches généalogiques et les souvenirs bien réels du petit garçon qu'était Christophe, en parti élevé dans ce cocon excentrique et libre, la matrice de la rue-de-Grenelle.
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Quelle famille ! Ais-je eu envie de m'écrier après la lecture de la cache de Christophe Boltanski. Des destins hors du commun, qui se croisent, s'aiment, traversent les guerres, l'abomination, en survivant, protégé par la hasard, la Providence ou par l'architecture de leur hôtel particulier qui tient une place centrale dans le roman, mais surtout dans leurs existences. J'ai aimé ce livre, par ce qu'il recèle de parcelles du réel, d'étincelles de vie, de lumière et d'espoir. L'écriture est fluide. Je lirai volontiers d'autres ouvrages de cet auteur...
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La cache c'est une histoire de famille atypique qui débute par la venue en France de l'arrière grand - mère qui quitte sa famille en emportant un samovar , objet mythique qu'elle choisit pour fonder sa propre famille en France .
Elle aura un fils unique Étienne , enfant très intelligent , brillant étudiant qui obtiendra de nombreux prix lors de son parcours scolaire , il deviendra médecin , puis chef de service dans un hôpital parisien , la grande - mère a elle un parcours encore plus atypique, dernière née d'une famille modeste elle sera littéralement donnée à sa marraine qui n'a pas d'enfants , elle sera l'héritière d'un domaine avec un château mais souffrira toute sa vie cet abandon ' pour son bien ' .
Cette grand - mère atypique qui se fera appeler mère - grand , a attrapé la polio alors qu'elle fait ses études de médecine , elle se battra toute sa vie contre ce handicap , n'acceptant jamais ce statut différent , pendant des années , c'est sa Fiat 500 qui remplacera ses jambes atrophiées .
La cache c'est évidemment l'histoire des années de guerre où Étienne et sa famille devront porter l'étoile jaune puisqu'ils sont juifs , les vexations commencent , il y a l'interdiction d'exercer la médecine , et puis la famille voit la situation se durcir , des amis pris dans des rafles , même si bien entendu on ne se doute pas de ce qui se passe réellement .
C'est Myriam la grand - mère toujours inquiète qui va trouver une solution , elle va faire croire que son mari l'a quitté , va même jusqu'à divorcer , alors qu'il est caché chez lui , leur dernier fils Christian conçu durant cette période naîtra juste à temps , juste après la libération , heureux dénouement .
Mais l'histoire n'est pas finie , pendant des années la mère , le père et les trois fils continueront à vivre dans la peur , à dormir dans la même ( grande ) pièce .
Étienne ,le grand - père reprendra son travail de médecin , en faisant comme si de rien n'était , il se rend compte que ses collègues espéraient ne plus jamais le revoir mais lui n'aura jamais envie de se venger , la vie va continuer dans cette étrange famille , de plus en plus bohème , non conventionnelle , deux des fils deviendront des artistes .
Il y a quelques mois , j'ai vu une immense exposition de Christian Boltanski , c'est lors d'une visite guidée que j'en ai appris un peu plus sur cet artiste , oui sa famille est d'origine juive et oui son oeuvre est inspirée par l'histoire de sa famille , c'est en découvrant le livre La cache quelques mois plus tard que j'ai fait le lien avec cette expo qui m'avait tellement impressionnée , Christophe l'auteur de la cache est le neveu de Christian .
La cache c'est aussi un témoignage sur la vie de cette famille dans leur hôtel particulier de la rue de Grenelle , c'est un hommage à ses parents un peu étranges mais terriblement humains , à cette famille pas vraiment comme les autres mais qui a donné naissance à des artistes extraordinaires , alliant l'art et devoir de mémoire .
J'ai beaucoup aimé ce livre , ses différents chapitres sur la maison , sur la vie de ses habitants qui n'ont jamais perdu leur âme , bien au contraire .
Une très belle lecture , j'espère que ma critique vous donnera envie de le lire et peut -être vous aussi aurez l'occasion de voir cette troublante exposition de Christian Bolstanski .
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