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EAN : 9782710378617
288 pages
La Table ronde (11/02/2016)
3.68/5   19 notes
Résumé :
C'est le XVIe siècle. La France est déchirée. Les têtes des huguenots trônent sur des pics, les catholiques sont brûlés vifs dans leurs églises. François II, Charles IX, Henri III... Les souverains se succèdent sans parvenir à faire baisser les armes. Partout des villages assiégés sont décimés par la famine. Pourtant, Gabriel des Feuillades, vétéran des guerres d'Italie et héros du siège de Sienne, veut retrouver foi dans les hommes.
Depuis son domaine périg... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (8) Voir plus Ajouter une critique
Evocation des guerres de religion, Les serviteurs inutiles romancent la vie des Feuillades, une famille périgourdine, dans la seconde moitié du XVI siècle endeuillée par les massacres de la Saint Barthélémy (24 aout 1572).

Deux générations se succèdent en cinquante ans. Gabriel, le père, combat en Italie avant de se ranger, d'épouser Louise de Peyrehaute et de vivre paisiblement dans son logis entourée de leurs deux enfants et de Marion, un divertissement ancillaire.

Le journal de Gabriel, première moitié de l'ouvrage, décrit la décennie 1561/1573, année de la mort de Phoebé, leur fille handicapée, et du départ brutal de l'ainé Ulysse, devenu adulte.

Ulysse rejoint les ligueurs et la seconde moitié du roman raconte ses campagnes dans le Dauphiné puis à Paris, avec un oeil vers Genève où s'est enfuie Flore, séduisante huguenote. Période de violences, de rapines, de pillages, d'épidémies qui atteignent le chateau des Feuillades.

Choc de générations, de personnalités, affrontement entre un philosophe plutôt sceptique (à la Montaigne) et un exalté que l'on qualifierait aujourd'hui de « radicalisé » (genre Ravaillac) , dans des paysages que Bernard Bonnelle connaît bien pour avoir été préfet dans cette région.

Magnifique roman, avec des personnages dont l'auteur analyse finement les doutes et les certitudes, une trame historique sérieuse (étayée par une chronologie détaillée), et une écriture élégante et sensible, pimentée d'expressions savoureuses et séculaires.

De quoi occuper quelques vesprées, devant l'âtre, tout en savourant un perdreau gisant sur un lit de choux et de raisins secs !
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Les Serviteurs Inutiles est l’œuvre d'un sage, Bernard Bonnelle. Il fallait sans doute être plein de sagesse pour se frotter à cet épisode douloureux de la guerre civile entre Huguenots et Catholiques qui ébranla la France sous Charles IX puis sous Henri III.
.
On est loin du Charles IX de Jean Teulé, loin des expressions violentes ou démesurées et si folie, il y a, il faut la dire, avec éclat, horreur, dégoût pour ce souverain instable, jouet de sa mère Catherine de Médicis, jusqu'à signer le décret et déclencher l'horreur de la St Barthélémy, puis à en devenir fou de remords.

Le récit ici est moins flamboyant, plus tenu, il faut comprendre, peser, évaluer en bon juge. Le sujet au fonds est l'éternelle contrefaçon de la foi et l'utilisation de celle-ci, à des finalités humaines hautement mercantiles. L'équilibre délicat et parfois acrobatique est le chemin suivi par le sage Gabriel des Feuillades confronté à ces fous de dieu qui se disent serviteurs et revendiquent la stature de serviteur de la vérité.

Bernard Bonnelle leur dit vertement, vous êtes des serviteurs inutiles.

Parfois Bernard Bonnelle, le sage, trempe sa plume dans une encre plus acide, le langage latin, et la religion cache l'obscurantisme comme «  ce fatras d'ordonnances ecclésiastiques et de confessions de foi, de dogmes et de doctrines, de conciles et de synodes, n'était pour elle que pharisaïsmes, complications et chicanes par lesquels on cherchait, bien vainement, à emprisonner la souveraine liberté de Dieu et à ramener sa majesté à la mesure de nos médiocrités. »

Ce roman se divise en deux longs monologues, deux vies couchées l'une à côté de l'autre, des mots qui heurtent, deux destins qui se dessinent, deux thèses, ou deux volontés farouches qui s 'affrontent , le père Gabriel des Feuillades et le fils Ulysse dans un dialogue à distance inachevé mais qui vous lessive tant la retenue de l'un fait contre poids à l'audace de l'autre.

Si l'on met le père dans le camp des septiques porteurs de la tolérance de Montaigne, Ulysse par contre est un catholique fougueux, intransigeant bras droit du duc de Mayenne dans l'armée catholique qui repoussera le Roi Henri III, hors de Paris en y créant un Paris autonome et catholique.

La grande qualité de ce roman historique est sans doute de l'avoir inscrit dans une région où la présence des Huguenots fut très forte entre Bergerac et La Rochelle dans les boucles de la Dordogne.
Les guerres qui ont secoué tout le pays ont germé dans ce décor, les hommes se connaissaient s'appréciaient, et pourtant, les familles se sont divisées.

Les saisons aux Feuillades se conjuguent aussi au présent. Ainsi la vie près de la Dordogne s'écoule comme la nature et l'amour de Gabriel pour sa famille, pour les arbres, les fleurs et pour ses vignes qui ajoutent une note charnelle, que Gabriel veut sauvegarder malgré les haines qui s’amplifient.
Bernard Bonnelle fait taire son passé d'officier quand il devient l'ardent défenseur de sa langue, recherchant le bon terme et nous faisant partager son goût des mots, comme fleurdelysée, les halliers, les paludes, embâcles étirés, halecret, poutraisons...

Cette pierre lancée par les huguenots n'a pas fini de se fracasser tout au long de notre histoire.
La sagesse n'est sans doute pas la vertu la plus vendue dans notre monde « Amazon », comme le suggère Fabrice Drouelle dans son émission Affaires Sensibles, la cupidité ou la sottise se portent bien.

Bernard Bonnelle a choisi le roman pour dire et s'émouvoir aussi, car au final c'est une belle réussite littéraire discrète, pesée, les uns trouveront le style trop lissé, la botte de l'officier s'exprime aussi et fait merveille, une parole libre, une écriture bien personnelle.

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Attention : coup de coeur !

La première partie est celle de la modération, de la sagesse, de la prise de recul. Gabriel des Feuillades, hobereau périgourdin, se tient en marge des conflits entre catholiques et huguenots, où il ne voit qu'excès. Il n'y a plus que dans la nature – les arbres, les étoiles – qu'il trouve un équilibre, alors qu'il fait tout pour que son domaine conserve une position neutre. Son seul péché, c'est son infidélité envers sa femme, Louise, épousée sous la pression de sa mère, alors qu'il était amoureux d'une servante, avec laquelle il entretient encore, des années plus tard, une liaison. le style est enlevé, avec des fulgurances – à la fois dans l'écriture et sur le fond.

Le début de la deuxième partie, c'est le négatif de la première. On revisite, avec les yeux d'Ulysse, toute cette histoire. Et cela nous montre à quel point ce qu'une personne ressent reste souvent inaccessible aux autres. À quel point ce qui semble parfaitement raisonnable à quelqu'un peut être interprété de façon totalement différente par quelqu'un d'autre. Et cela arrive tellement souvent dans la vraie vie que cette leçon me semble très utile…

On voit Ulysse se débattre dans un véritable conflit de loyauté. Il respecte et admire son père, au début, il en attend juste de la reconnaissance. Mais, petit à petit, cette attente se mue en agressivité, en rage incontrôlable. Une colère dont le paroxysme est atteint à la mort de sa soeur, Phoebé, et qui le pousse à quitter les siens.

Et puis on va accompagner Ulysse dans sa propre évolution. Dans ses rapports avec son père, il va passer de l'admiration à l'agacement, à la colère, à l'opposition radicale, avant de commencer à comprendre…

Ce livre parle de la vie, de la mort, de l'amour. Bref, de ce qui compte réellement dans nos existences !
Lien : https://ogrimoire.wordpress...
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Les Guerres de Religion ont inspiré romanciers et cinéastes, voir récemment la Princesse de Montpensier par exemple. Et bien ce roman se situe là.
Gabriel des Feuillades a fait les guerres d'Italie (comme le père de Montaigne) et choisit de vivre retiré sur son domaine.

Il mène un vie tranquille, partageant son temps entre l'étude de la botanique, la lecture des anciens, ses vignes mais aussi parce qu'il n'est sage qu'à moitié quelques dévergondages avec sa servante.

Il a une épouse tendre, un fils qui rêve de gloire, une fille un peu différente des autres enfants.

Gentilhomme périgourdin Gabriel a eu son comptant de batailles et de blessures et cherche aujourd'hui les compromis, l'isolement lui convient et si il n'a pas de tour pour se retirer comme son illustre voisin, il va néanmoins servir de médiateur local entre catholiques et protestants alors que lui-même professe un sage septicisme « Eadem sunt omnia semper » *
Lorsque les événements dégénèrent que le pillage, les tueries reprennent Ulysse, le fils révolté qui rêve de gloire, va partir participer aux combats terribles des fous de Dieu, les fils s'opposent aux pères c'est bien connu.

Alors que le père aspire à la sagesse

« Je rêve d'une autre religion, dit-il, toute nouvelle ou très ancienne, sans dogme ni culte, sans prêtres ni guerre, dont le seul exercice de piété serait la joie d'être au monde »

Le fils lui il exècre l'attitude de son père et rêve d'en découdre

« Vos livres, votre jeu d'échecs, vos écritures, votre herbier, votre feinte sagesse, votre incroyance, vos sourires et vos sarcasmes, tout cela m'était plus que jamais insupportable. » et affirme « je consacrerais ma vie à un combat juste et grand »
J'ai pris un très grand plaisir à cette lecture, pour le sujet d'abord qui m'intéresse malgré pas mal de lectures engrangées, et puis pour l'écriture, quelle élégance ! je suis tombée sous le charme.

J'ai lu le journal du père, et le récit du fils qui jamais ne se rejoignent et si il y a une chose certaine c'est que Bernard de Bonnelle a du tomber un jour dans la marmite des Essais !
Il semble que ce récit ressemble aux écrits de Brantôme, ma curiosité est éveillée !!

* Tout est indifférent ou tout est toujours pareil - Lucrèce de rerum natura

Lien : http://asautsetagambades.hau..
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N'ayant pas lu depuis un certain temps de romans historiques, c'est avec un appétit de fin gourmet que je me suis jeté de toutes pattes sur « Les serviteurs inutiles » de Bernard Bonnelle. L'histoire se situe entre 1561 et 1593 dans le Périgord, époque où les guerres de religion fouettaient le royaume de France avec comme point culminant, si j'ose m'exprimer ainsi, le massacre de la Saint –Barthélémy, le 24 août 1572, d'abord sur Paris et ensuite en province.

C'est dans ce contexte rouge sang, que l'on découvre Gabriel, ancien combattant des guerres d'Italie, qui essaie de d'éloigner de ce monde de ténèbres, dans son domaine des Feuillades, entre les feuilles d'un arbre, le vol d'une hirondelle et ses écrits où se côtoient herbiers et héros de l'Antiquité. Avec sa femme Louise, il aura deux enfants, un fils Ulysse et une fille Phoebé, des prénoms pas très catholiques mais ô combien emblématiques… Des étoiles, des sages de l'antiquité… il dialogue avec eux en silence et semble être un homme un peu effacé par rapport au tumulte religieux derrière les collines.

Son fils Ulysse est son contraire. Timide et d'aspect fragile, il grandit dans un contexte familial à la fois soudé et distant. Seule sa petite soeur Phoebé semble l'émouvoir, ce petit peuplier différent qui ne parle pas, ne grandit pas et a les yeux bridés… mais entre les deux, une grande communion existe. Les années passant, il devient un fervent catholique et seule cette religion trouve grâce à ses yeux et encore plus à son âme, malgré son coeur qui balance pour Flore, protestante et fille du pire ennemi de la famille. Un jour Phoebé rejoint les étoiles éternelles et aussitôt Ulysse quitte le foyer familial avec pour seul regret celui de quitter sa chère mère. Son père, il le déteste, ne lui trouve plus que des défauts et surtout il devient profondément blessé quand il apprend qu'il rejoint fréquemment le lit de la servante…Timoré il était, ardent combattant il va devenir. Mais cette épopée belliqueuse et religieuse, le fera revenir sur ses terres d'origine avec un esprit bien transformé.

Ce sont les pensées de Gabriel puis d'Ulysse qui forment les deux parties de ce récit. Certes, quelques longueurs sont à déplorer mais c'est un véritable hymne à la sagesse et à la poésie qui coule sous vos yeux, une extrême délicatesse des sentiments sur fond d'intolérance religieuse. Ce fanatisme brutal, sans l'once d'un regret face aux massacres, aux tortures, aux corps pendus, déchiquetés, brûlés… qui renvoie à cette sempiternelle réflexion sur l'irresponsable mélange entre spiritualité et politique. « Les serviteurs inutiles » est une réussite littéraire, tant pour la sensibilité inouïe que pour la sagesse et l'humilité de l'écrit. S'ajoute le plaisir de redécouvrir des mots désuets, tels que « fleurdelysé », « hallier », « palude » ou encore « poutraison ». La voix de la raison par une plume en floraison.
Lien : http://squirelito.blogspot.f..
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Citations et extraits (12) Voir plus Ajouter une citation
En début de vesprée, dans la chambre de gésine improvisée aux Feuillades, une fille nous est enfin née. J’ai demandé qu'elle soit baptisée sous le nom de Phœbé. Croyant avoir mal entendu, le curé m’a fait répéter, avant de se tourner vers Louise dans l'espoir qu'elle suggère un prénom plus chrétien, mais ma femme, épuisée, dormait profondément. Ce même prêtre avait rechigné lorsque j'avais décidé que notre aîné se prénommerait Ulysse. Aucune sainte, aucun saint de l'Eglise ne s'appelle Phœbé ni Ulysse ? La belle affaire ! Il a fallu que j'insiste pour qu'il ouvre son rituel et expédie la cérémonie avec un regard noir dans ma direction.
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Ce fatras d'ordonnances ecclésiastiques et de confessions de foi,
de dogmes et de doctrines, de conciles et de synodes,
n'était pour elle que pharisaïsmes, complications et chicanes par lesquels on cherchait, bien vainement, à emprisonner la souveraine liberté de Dieu et à ramener sa majesté à la mesure de nos médiocrités.
p165
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Elle se gaussait des graves barbons de Genève qui faisaient escale à
Campromieu, sur leur route vers La Rochelle ou Nérac.
Un jour où l'un d'eux avait rechigné devant son corsage entrouvert, elle lui avait rétorqué qu'il ne tenait qu'à lui de lorgner ailleurs.
P165
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Vous aussi auriez été horrifié que la foi en Jésus moquée, outragée et suppliciée, soit retournée comme un gant pour justifier l'humiliation d'un homme seul par une foule moutonnière.

Le bon pasteur nous veut doux comme des agneaux,
pas dociles comme des moutons.
P230
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Je rêve d’une autre religion, dit-il, toute nouvelle ou très ancienne, sans dogme ni culte, sans prêtres ni guerre, dont le seul exercice de piété serait la joie d’être au monde
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Videos de Bernard Bonnelle (3) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Bernard Bonnelle
Bernard Bonnelle nous parle de son dernier roman "Les Serviteurs Inutiles". une rencontre enregistrée par la Librairie Mollat. http://www.editionslatableronde.fr/nouveaute.php?id_ouv=I23444
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