Un jour j’ai pris la poudre d’escampette.
Un vieux moine tibétain m’a pris sous son aile. Je suis allé dans son monastère, me suis fait raser la tête. Vêtu d’une robe rouge j’ai suivi ses
pas. Je ne l’ai jamais regretté.
Aujourd’hui il est parti. Déjà. C’est le premier être aussi cher que j’ai
perdu. On découvre que chaque disparition restera inconsolable.
Même si je n’ai pas aimé le monde ritualiste qu’il a légué, en partant, à ce pays d’Occident, il est ce qui m’est arrivé de meilleur dans cette vie d’adulte.
Même si le lamaïsme ne vaut pas mieux que l’élitisme de ma « grande
école », l’homme qui l’incarnait était bon.
Il n’en reste pas moins que je ne comprends plus grand-chose aux gens que je vois manger en ville. Cela m’intrigue. Quelque chose s’est passé, qui m’a échappé, et voici que l’humanité que je vois vivre devant moi m’est devenue incompréhensible.
Les jeunes ont l’air vieux. Les vieux ont l’air jeune.
Mais un frémissement s’empara de moi : partir ou revenir, à nouveau la question se posait, et ce fut revenir qui m’attira vers le corps en bas, je retrouvai la conscience, revivifié, allongé sur la civière.