C'est avec un mélange de tristesse et d'excitation qu'on se lance dans ce dernier opus. Excitation car le suspense impeccablement maîtrisé par l'auteur depuis le début de cette seconde trilogie nous enthousiasme au plus haut point, en faisant un véritable page turner. Tristesse car avec ce titre se clôt l'une des meilleures sagas de littérature jeunesse jamais écrite. Il restera la trilogie "Ellana" à (re)découvrir, certes, mais le décès de
Pierre Bottero nous rappelle que ses univers ont une fin et qu'on s'en rapproche dangereusement. C'est d'autant plus regrettable que ce tome, nous faisant voyager de l'autre côté de la Mer de Brume, amène à élargir la carte conçue pour la première trilogie et nous laisse rêveur face à toutes ces terres à explorer et à ces histoires que l'auteur ne pourra jamais raconter.
Dense, riche en intrigues, particulièrement rythmé, "Les tentacules du mal" témoigne de la capacité de l'auteur a faire toujours mieux que l'opus précédent, challenge ici particulièrement ardu à relever que la secte d'Ahmour, le peuple de Valingaï et Ahmour elle-même s'imposaient depuis déjà deux tomes comme des ennemis invincibles. Challenge pour les personnages comme pour
Pierre Bottero, d'ailleurs, la victoire se devant d'être à la hauteur des embûches qu'il a lui même semées. En la matière, il faut reconnaître que l'auteur use ici et là de quelques facilités et tours de passe-passe pour retomber sur ses pattes alors que tout semblait définitivement perdu pour les protagonistes. Ce n'est pas une nouveauté, cela lui est déjà arrivé par le passé et, comme à son habitude, il parvient à le faire avec assez de subtilité pour que le tout ait du sens, voire même que cela serve les intérêts de l'histoire. Comme toujours, son talent de conteur l'emporte.
Outre la tension dramatique et le sentiment d'urgence qui habitent cet ultime tome, la psychologie des personnages prend plus de place encore ici que dans les opus précédents. L'auteur explore notamment les relations dans le groupe ou au sein des couples anciennement ou récemment formés : Mathieu et Siam, Ewilan et Salim, Ellana et Edwin, mais aussi les parents d'Ewilan, dont ce tome dévoile un secret particulièrement inattendu en lien avec Elea Rill' Morienval. Si cette révélation amène son lot de surprises, elle reste un ressort scénaristique peut-être un peu trop éculé. On sent la volonté de l'auteur d'épaissir le personnage de la sentinelle félonne, mais la situation qu'il tente de raconter ici aurait gagné à être amenée progressivement sur plusieurs tomes. Elle aurait également eut davantage de résonance si
Pierre Bottero avait joué de l'effet miroir qui se dessine pourtant naturellement avec le triangle Ewilan-Salim-Liven.
Cette légère inégalité dans le traitement des intrigues secondaires liées aux histoires sentimentales des personnages n'empêche en rien de profiter de l'aventure (ou des aventures, en l'occurrence) et le final tient ses promesses : nous l'avons, notre apothéose ! L'affrontement qui se tient à Valingaï est probablement l'une des meilleurs scènes de combat de toute la littérature de fantasy : chaque personnage y fait preuve d'un talent qui lui est propre pour mener le groupe à la victoire, non sans sacrifices, mais non sans humour non plus. Les ultimes chapitres, finement construits, nous permettent de reprendre notre souffle et nous apportent le baume nécessaire pour dire au-revoir à chacun d'entre-eux.
En bref : Final aussi explosif qu'émouvant, "Les tentacules du mal" vient clore la trilogie des "Mondes d'Ewilan" en apothéose. Outre une scène de combat particulièrement ingénieuse et mémorable qui mène les personnages à la victoire, on retient de ce livre la capacité de
Pierre Bottero à toujours faire mieux que le tome précédent et à ne jamais craindre d'explorer des territoires inconnus, au sens propre comme au figuré. Pas de doute : le cycle d'Ewilan a mérité son succès.
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